Bibracte, Augustodunum, Gergovie, l’incroyable sac de noeuds des archéologues
Il ne se passe pas une semaine sans que l'internet ne nous sorte un article, soit sur une Bibracte perdue au fond des bois qui aurait été la capitale des Gaules, soit sur un Augustodunum qui, à Autun, lui aurait succédé. C'est simple ; c'est tellement évident ! Jules César conquiert la Gaule ; l'empereur Auguste la pacifie et fonde Autun qui prend le nom d'Augustodunum. Les Eduens, barbares, descendent d'un mont Beuvray gaulois à Autun, nouvelle capitale........ romaine. Le canevas est tracé. Le travail des archéologues ne peut, dorénavant, que s'inscrire dans cette thèse absurde.
Car...... tout cela est faux, archifaux ! Bibracte ne s'est jamais trouvée au mont Beuvray mais à Mont-Saint-Vincent, ancienne forteresse des comtes de Chalon ; et l'empereur Auguste n'est jamais venu à Autun ; le seul rapport qu'il y ait entre eux est le qualificatif d'auguste réservé à la divinité du ciel dont tous deux ont été honorés sur terre... Octave, nommé "Auguste", un grade au-dessus de celui de "César" ; Augustodunum : nom latin de la hauteur "auguste" consacrée à l'Auguste du ciel.
Ce n'est qu'au Second Empire que la société éduenne d'Autun décida, non sans contestation, de situer Bibracte au mont Beuvray. Déchelette, un des pères de l'archéologie francaise, y avait pourtant identifié des poteries boïennes semblables à celles retrouvées sur l'oppidum boïen de Stradonice, en Bohême. En toute logique, il aurait dû faire le rapprochement avec Gorgobina, cet oppidum inconnu où César installa les Boïens après la bataille qu'il remporta sur eux et sur les Helvètes (DBG I,28). Hélas, Déchelette ne s'est pas posé de questions tant il était persuadé de se trouver sur le site de Bibracte.
Parce que François Mitterrand aimait ce lieu, parce que Jack Lang a été le maître d'oeuvre du grand complexe qui y a été construit, voici comment le mont-Beuvray est devenu Bibracte.
A cette époque, je venais de terminer une carrière militaire de vingt-cinq-ans de services. Un habile marchand de biens m'avait convaincu d'acheter un château de Taisey, sis à Chalon-sur-Saône, qui courait scandaleusement à la ruine. Je fouillais les archives pour retrouver l'histoire du site ; je retraduisais la guerre des Gaules. A la société d'histoire et d'archéologie dont j'étais membre, on en était resté aux quais de la Saône qui auraient servi de port à César. J'avais racheté la tour voisine, vestige de l'ancienne forteresse, mais je n'arrivais pas à convaincre. Je décidais d'écrire "ma thèse".
Le 1er mars 1993, après plusieurs tentatives malheureuses pour me faire entendre, j'envoie mon premier ouvrage "Histoire de Bibracte, le bouclier éduen", au Ministre de la Culture (Sous-direction de l'Archéologie), ouvrage dans lequel j'explique et prouve que Bibracte ne s'est jamais trouvée au mont Beuvray mais dans la ville murée de Mont-Saint-Vincent. Cette sous-direction (Mme Wanda Diebolt) me confirme que ma lettre précédente du 6 juin 1991 a bien été transmise aux autorités administratives et scientifiques compétentes et que mon volume entrera à la bibliothèque de ce service (apparemment, il n'aurait donc pas été transmis à François Mitterrand). En Juin 1991, les travaux de construction du musée archéologique européen venaient de commencer.
Non ! L'archéologie ne peut pas, à elle seule, expliquer notre Histoire ; c'est une grave erreur que d'avoir écarté le raisonnement militaire et l'interprétation des textes. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/question-a-mme-roge-drac-bourgogne-236821
Je cite : 23/1/2018. Pierre Nouvel me répond : Je suis archéologue et je regarde avec curiosité vos productions littéraires depuis plus de vingt ans. Puisque l'archéologie ne peut se produire que sur le terrain, je ne saurai utiliser les textes pour remplacer cette matière suffisamment abondante... La discussion sur l'importance, la nature et la datation des découvertes faites à Bibracte (ou à Corent) ne peut donc prendre place sur la toile, mais uniquement face au vestiges, devant nos chantiers de fouille.
Bien avant l'arrivée de César, notre histoire avait commencé avec le commerce de l'étain qui avait tracé les premiéres grandes voies qui traversaient la Gaule, des voies qu'il fallait conquérir militairement, surveiller et défendre... des voies qui ont perduré et marqué le paysage militaire de notre pays.
Incapables de traduire et d'interpréter correctement les textes grecs, nos universitaires s'en tirent par une pirouette en affirmant tout de go que "Strabon s'égare et qu'il ne fait que plagier un Poséidonios qui, dans un texte disparu, aurait situé les peuples ségusiave et éduen entre la Saône et le Doubs", ce qui est absurde... et ce qui a incité certains à imaginer une Alésia dans le Jura, ce qui est tout aussi absurde. La bonne traduction est la suivante : "Entre le Δούβιος/Doubios/Dheune, et l'Aραρος (l'Arar/Thalie/Saône) habite le peuple des Héduens. Leur appartiennent la citadelle φρούριον de Bibracte et la cité πόλιν ἔχον de Cabyllynum (Cabillodunum/Chalon-sur-Saône), sur la Saône." (Strabon, géographie, II, IV, 3, 2). https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/a-jean-louis-brunaux-a-mm-les-208647
Les noms changent, les points forts du terrain perdurent. Encore merci au commentateur Rinbeau qui dans le débat que j'ai initié sur Agoravox depuis 2006 m'a fait connaître deux cartes anciennes dont j'ignorais l'existence. Incroyable ! comme le nez au milieu de la figure nous sautent aux yeux les deux principales voies de l'étain dont Strabon donnera plus tard les distances : la voie Sequanas remonte jusqu'à Verdun-sur-le Doubs avant de rejoindre par un court traget terrestre un affluent de la Seine ; l'autre voie rejoint la Loire par le couloir de la Dheune/Bourbince. Nous revenons dans la logique militaire géographique. Chalon-sur-Saöne, ou plutôt Taisey sur la hauteur, commande manifestement les deux principales voies de l'étain. Sur la bretelle, la forteresse de Bibracte est en relai de Cabillodunum/Cabillo/Taisey/Chalon-sur-Sâone, laquelle localité, en toute logique, ne peut être que l'Alésia que Diodore de Sicile qualifie de métropole de la Celtique (Livre IV, XIX et Livre V, XXIV). Sur la carte, il suffit de descendre "Bibracta Challon" d'un centimètre pour les remettre à leurs emplacements logiques.
Un raisonnement sur cartes s'impose. Ci-dessus, la copie "Konrad Muller", en couleurs, d'un extrait de la carte de Peutinger. Dans le premier extrait, les stations de la voie de Lyon à Chalon sont correctement alignées, sauf que la Saône (l'Arar) qui devait longer cet alignement a disparu ; une erreur, ou plutôt une modification faite, peut-être de bonne foi, par un détenteur postérieurr (voyez mon explication et mon croquis en début de mon article du 6 décembre). J'ai fait la correction qui s'impose sur l'extrait de dessous. Nous retrouvons là nos deux voies de l'étain, voies primitives du commerce qui ont traversé la Gaule : la voie Sequanas remonte la Saône (l'Arar) jusqu'à Chalon puis la Thalie (l'Arar), traverse les monts d'Agneux pour rejoindre de l'autre côté un affluent de la Sequanas (la Seine). L'autre voie qui mène à la Loire figure sur les deux cartes anciennes révélées par M. Rinbeau. Elle passe par Bibracte. Pour mémoire, sur les deux copies en couleurs, au niveau de Lyon, il faut, bien évidemment lire Liger au lieu de Garunna (un de ses affluents).
Raisonnons maintenant sur la vignette aux deux tours de la carte de Peutinger que j'identifie à Mont-Saint-Vincent. Constatons tout d'abord que, située le long de la voie Agrippa et la dominant, il y a là un souci évident d'exactitude géographique. Pas de problème pour identififier les trois voies qui en partent. Petit détail mais détail important, le mot mal orthographié d'Augustodunum désigne manifestement, à la fois l'emplacement de la vignette (Mont-Saint-Vincent/Bibracte) et le premier coude de la voie de Saulieu. J'ai expliqué dans mes ouvrages qu'il s'agit là du phénomène de la cité double : le mot "Augustoduum" désigne, à la fois, Bibracte et Autun, sa colonie.