mercredi 5 mars 2014 - par Fabienm

C’est arrivé pas très loin de chez moi

Cela devait bien m’arriver un jour.

Le retour de Karma. Paf dans la gueule, comme un boomerang ayant mis quelques années à retrouver son lanceur, lanceur qui en aurait presque oublié son geste initial, perdu dans des années de massacre consciencieux et à la tronçonneuse de ce qui lui restait d’humanité.

A l’instar d’un héros américain pour qui rien n’arrive jamais par hasard, je comprends soudain devant ma voiture latéralement ébréchée ce que justice divine veut dire pour peu qu’il existât un Dieu que le sort d’un homme aussi pathétique que ma pomme puisse intéresser. Mon estime de moi est bizarrement parti au caniveau des sentiments positifs, mon égo jeté aux égouts parmi les quelques morceaux de verre qui n’ont su rester en équilibre autour de cette béance autorisant l’accès à tout un chacun dans l’intimité de mon carrosse, carrosse dont je pensais avoir la jouissance exclusive et solitaire, même si je n’ai jamais rechigné à véhiculer quelques autostoppeuses en détresse ostentatoire. Je ne parle pas des cartons de pizza vides qui font de très mauvais compagnon de voyage. Etre perturbé à ce point par un bris de glace me renvoie de facto à ma condition d’être humain – si basiquement humain –, pathétiquement attaché aux biens matériels qu’il a durement accumulés et plus que souvent convoités.

 

Etrange sensation que celle de se faire cambrioler sa caisse à la griffe tigrée – moi une telle démonstration de puissance, ça m’aurait flanqué une frousse de tous les diables. Non pas que le porte-clefs offert par ma fille et la représentant arborant la mine des jours de ciel bleu va me manquer plus que ca, c'est plus l'idée que quelqu’un va le jeter à la poubelle en se rendant compte de l'absurdité de son larcin qui me questionne. De même pour "Rape of the Earth" de Patrick Rondat, la valeur sentimentale de ce CD n'atteindra certes jamais celle du porte-clefs sus cité mais je doute que le contrevenant, probablement à l’heure qu’il est en fuite lente car non contrainte, puisse le convertir d'une quelconque manière en espèces sonnantes et pourquoi pas trébuchantes, seule ma petite personne ayant la connaissance des plages non rayées et encore audibles, pour peu que ce terme s'applique à une galette instrumentale des années ‘90.

 

Mais laissons-là ces quelques menues pertes pour un effort de mémoire aussi utile et nécessaire qu’un Sudoku un jour de TGV.

 

Ça avait pourtant bien débuté. L’idée que lorsque l’on est bloqué dans le trafic, ce n’est pas un bouchon qui vous congestionne mais une « file », dans le jargon local, me faisait presque passer ce moment statique de manière agréable. Je n’atteignais pas encore mon but pourtant peu éloigné géographiquement, cependant, j’étais d’humeur vagabonde, je voyais la vie en rose – en flamand rose même –, j’avais le myocarde de plume.

 

Las, cela n’a point duré.

 

C’est un week-end où j’ai finalement manqué de chance. J’étais venu paré de l’esprit conquérant de l’écrivain se croyant en terrain vierge de ma plume mais qui ne demandait qu’à être noirci, cependant que je n’avais pas flairé le danger qui rôdait – car le danger est du genre rôdeur, qu’on se le dise, il est partout, tapi dans l’ombre et n’attend que la première occasion pour frapper, il faut croire que, ce week-end, j’avais enfilé ma tronche de victime.

J’aurais dû me méfier lorsqu’une bonne âme, devant mon empressement à me repaître de moules et de frites de qualité – je ne me sentais pas de réclamer des mollusques de la veille –, m’indiqua un bistrot nécessitant un bon tiers de tour de cadran et quelques kilomètres de bitumes à moyennement amuser. Lorsqu’une fois arrivé, la tenancière m’indiqua qu’elle était en rupture de moules, j’aurais dû comprendre que la mienne allait me manquer. Je me rabattais sur un américain – équivalent belge (ou barbare, c’est selon) d’un triple tartare, le champ entier de laitues en prime –, et peinais à en engloutir le quart lorsque la fatigue se rappela à mon corps quasi quarantenaire. Il était temps de m’enfoncer dans un sommeil qui ne verrait d’autres câlins que celui de mon oreiller trop moelleux et pas assez féminin (d’ailleurs on dit « un » coussin).

 

Lorsque je me réveillai, écarter les brumes de l’oubli pour me remémorer l’emplacement où j’avais stationné mon véhicule ne fut pas exercice facile et c’est presque joyeux, car victorieux dans ce combat livré à ma mémoire, que j’attaquai la poignée du coffre afin d’y loger les seuls effets personnels que j’avais cru bon d’apporter en mon logis d’une nuit.

 

C’est la vision d’une ville après le passage d’un ouragan que tentait d’imiter l’intérieur de l’habitacle qui me fit prendre conscience subitement de l’irruption d’une certaine forme de lose avérée dans cette fin de semaine bruxelloise.


Soyons francs. Ma voiture n'a pas de chance tout de même. A peine remise de sa perte de l'oreille gauche au miroir informatif, la voici perdant son déflecteur passager sur un coup de tête (ou de poing plus probablement) d'un cambrioleur en mal d'inspiration. Je suis sûr qu'elle m’en veut d’ailleurs (« pourquoi ne m’a-t-il point stationné au parking de l'hôtel ? » ; « N'aurait il pas pu demander à cette prostituée tapinant aux alentours de me surveiller ? »).

 

C’est en arrivant à la foire du livre et en essayant d’écouler mes exemplaires restant (les cambrioleurs avaient préféré voler des livres appartenant à mon éditrice, mais pondu par d’autres auteurs vénérables) que j’ai définitivement acquis la certitude de la disparition temporaire de mon ange gardien. A l’instar du nuage toxique de Tchernobyl, son influence se sera arrêtée à la frontière française.

 

Heureusement, quelques collègues sympathiques – petit coucou à Grégoire Delacourt, Amédée Mallock, Eric Neyrinck, Pascal Marmet, Elisabeth Laffont, à mon éditrice Cécile et tant d’autres – m’enduisirent quelque baume aux environs du myocarde, sans quoi je frôlais l’allergie belge, équivalent moral de la turista mexicaine.

 

Le désastre ne se révéla donc pas total, même s’il en demeura mollement inconvenant (pub).

 

Le reste ne fut que balade dans les couloirs de la foire au livre, pour constater la popularité d’une Pancol ou Nothomb, la désertion de certains stands pourtant appétissants et surtout pour voir que la crise est européenne, voire mondiale, avant d’être française (ce qu’on peut être chauvin tout de même – même pas besoin d’aimer regarder les JO pour ça).

Lors de quelques tentatives maladroites d’aborder le chaland, j’essuyai un certain nombre de refus polis, ce qui ne semble pas illogique compte tenu du fait que je venais de réparer mon véhicule avec les moyens du bord : je panse donc j’essuie.

 

Peu de ventes sur ce salon par conséquent, mais quelques belles rencontres et une furieuse envie de m’en retourner.

 

C’est donc cheveux au vent et corps au frais, allégé d’une caisse de livres, d’une photo de ma fille, d’une paire de lunettes décathlon (5 euros), de quelques CDs rayés et d’une protection vitrée, que je rentrais chez moi, avec l’idée exotique que finalement, on n’est pas si mal chez soi.

Etait-il besoin de faire 600 kms aller retour pour cela ? Probablement pas.

 

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27 réactions


  • Gaston La Baffe Gaston 5 mars 2014 09:40

    M’enfin ??????????????????????????


    Putin, j’allais quitté cette antre ectoplasmes sans foi ou jugeote, et voilà t’y pas que les maîtres des clés ouvrent la porte du bar !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    C’est un miracle smiley

    Longue vie au Bistrot 42 (et m’obligez pas à sortir ici l’empaffé qui est en moi smiley smiley )

    Passons aux choses sérieuses, y’a pas un papillon de nuit pour éclairer ce jour à marquer d’une patte blanche ? smiley

    • Fabienm 5 mars 2014 09:44

      amusant de voir que dans goshtbuster (en parlant de maître des clefs), le mec qui va devenir le maître des clefs arrête pas de s’enfermer en dehors de son appart !


    • Gaston La Baffe Gaston 5 mars 2014 10:02

       smiley smiley


      Yep heureusement, avec la version Matrix, l’appart finit par être partout, et lui partout chez lui smiley
      Mais va encore falloir libérer Sion, la route est longue (mais je suis sur que l’Amatrice va contribuer à la cause à sa façon) smiley smiley

    • Gaston La Baffe Gaston 5 mars 2014 10:57

      Très cher partner, je pense que ça va pas se bousculer par ici, ou alors des losers/handicapés du bulbe qui suivent pas l’émission « le dessous des cartes » comme certain se plaisaient à appeler ça y’a quelques temps.


      Je vais donc aller faire un tour dans la real life, il est temps que je trouve le moyen de pouvoir au moins m’acheter mes clopes.

      @+ buddy , notamment sur Twitter smiley

    • Fabienm 5 mars 2014 11:00

      oui y’a pas grand monde dans ce bistrot...


  • soi même 5 mars 2014 13:29

    Pour quelqu’un qui évoque, le retour de Karma.
    A écrit un texte vraiment insignifiant !
    Vous êtes véritablement une petite nature douillette, quand on la compare à la souffrance dans le monde, vous trouvez pas ?


    • chapoutier 5 mars 2014 13:41

      une journée de m... sympathiquement raconté et sans aucune prétention de l’auteur à se présenter comme martyr.


    • Fabienm 5 mars 2014 13:54

      @soi-même : lorsque le monde est trop plein de tout, un peu de rien ne peut pas faire de mal smiley


  • Xenozoid 5 mars 2014 13:53

    ca me rapelle un article paru dans ago,sur une foire aux livres au canada ,........mission tres possible


  • Donald Mitsiky Donald Mitsiky 5 mars 2014 14:58

    Cet article est sans doute beaucoup plus intéressant et même utile que la 70éme article sur la quenelle. Merci Fabien. Continuez.


    • Fabienm 5 mars 2014 15:01

       smiley
      ça c’est gentil
      (je réclame le droit de me foutre royalement de la quenelle et de tout autre sujet que l’on voudrait m’imposer smiley )


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 5 mars 2014 18:21

      La vitre a été pétée à coups de quenelles congelées ...C’est courant en ce moment en Belgique . Avant ils faisaient ça avec des fricandelles elles aussi congelées ,mais la baisse du pouvoir d’achat est passée par là .
      Le siège d’Interpol à Lyon semblant se désintéresser de l’affaire, des conspirationniste commencent à parler de false flag .


  • L'enfoiré L’enfoiré 5 mars 2014 17:25

    Je suppose que vous êtes une nouvelle victime que j’ai décrit dans ce billet.

    Il datait de 2010. 
    Le paragraphe concerné disait : « Plus loin, une Citroen Saxo, immatriculée en France, parquée le long de la rue a une vitre fracturée avec des morceaux de verre sur le siège. Une bouteille d’eau est restée à l’arrière comme seul témoin du vol. De l’eau, on en a assez. Pour le reste, il ne faut pas inciter à la débauche, quant à tenter le Diable, laissons le faire ses ablutions ailleurs ? La maison Poulaga l’avoue, elle n’est pas de taille pour assurer certains débordements. Comme le chantait Jacques Brel, »Faut pas jouer les riches quand on n’a pas le sous« . »

    • L'enfoiré L’enfoiré 5 mars 2014 17:28

      Mais cela se terminait par une constatation : « Alleï, quand je vous disais qu’il existait une fête aux surréalismes, fallait bien que je passe, un jour, à l’hyperréalisme, une fois. » smiley 


    • L'enfoiré L’enfoiré 5 mars 2014 17:31

      Eté à la foire du livre....

      Moi, aussi. 
      Vous avez quelques photos au bas de ce billet dont le titre aurait pu vous servir.


    • Fabienm 5 mars 2014 17:44

      on remplace la citroën par une peugeot, et on y est smiley


    • Fabienm 5 mars 2014 17:46

      très intéressant votre billet sur la foire du livre

      j’étais pas très loin de Pancol sur un petit stand, on aurait pu se croiser smiley


    • L'enfoiré L’enfoiré 5 mars 2014 17:57

      Je m’y suis assis. 

      Au suivi ce qu’elle répondait et lui ai poser une ou deux questions.
      Comme j’en ai l’habitude quand je parle de quelqu’un dans un article, je les préviens.
      Les deux écrivaines n’ont jusqu’ici pas répondu. 

  • Gaston La Baffe Gaston 5 mars 2014 19:09

    Bon faisons faisons les comptes à cette heure, partner Philippe Morris.


    Je dénombre :
    - pour commencer une étoile belge (un vrai, pas un basque en exil), en premier (même s’il est venu après mais c’est l’empaffé des empaffés, le first one et qui revendique son statut), son cas est encore à régler, pour l’instant il a le droit de tenir le crachoir (et alors qu’est ce qu’il étale, : indigeste), on verra pour les noisettes
    - en premier dans l’ordre d’apparition cette fois-ci, Rabelais lui même qui vient nous parler de son karma, on sait trop bien qu’il a trop fait abondance en son temps, maintenant il faut qu’il souffre pour se faire pardonner : il aura son compte :-> smiley
    - Jesus himself, en tenue croque mort : no comment sur lui, il a rien ici à apprendre ni rendre, vivement que j’ai une noisette de première à lui refiler au buddy smiley
    - ensuite une copie trafiquée... ou pas de Rut Elkrief, si j’en juge wiki, elle en connaît un rayon en matière de voitures smiley
    - un master de la drague internétique prêt à foncer sur la première noisette venue. Il a juste intérêt à zygomater encore plus que d’habitude, y’a pas mieux comme appât smiley 

    • Gaston La Baffe Gaston 6 mars 2014 10:34

      Oups je m’aperçois que j’ai oublié chapoutier en chemin. Mes confuses, d’autant qu’il (elle ?) a l’air d’être grand amateur de Bordeaux smiley smiley


  • Gaston La Baffe Gaston 5 mars 2014 19:34

    Ché pas si quelqu’un(e) écoute Radio Bistrot en ce moment, mais ce morceau est SUBLIME, je l’ai découvert à Ze Voice, c’est de la bombe (tout comme celle qui la chantait d’ailleurs samedi dernier smiley


  • Gaston La Baffe Gaston 5 mars 2014 19:42

    Pfff le Rémi s’est définitivement vendu au grand capital 


    Il va dérouiller celui là quand le stripper daignera faire son retour smiley

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