Ce n’est pas moi, ce sont les autres... Caliméro
Le mercredi 7 mai, en plein débat de la réforme de la Constitution, pour mettre tout le monde d’accord sur sa vue des institutions, notre bien aimé guide reçoit à l’Elysée les sabras de l’UMP. A ceux qui croyaient que le palais du 55 faubourg Saint-Honoré était celui de la République, ils ont fait trompette : c’est la résidence secondaire du parti de la majorité. La veille, ce même parti en plein remous avait dignement fêté l’anniversaire de la plus grande catastrophe qui était arrivée à la France depuis la création du droit de vote : l’élection de Nicolas Sarkozy aux plus hautes fonctions électives avec un miroir magique dans une main et un doigt de l’autre main sur le bouton rouge.

Il semblerait que lors de cette petite sauterie de l’Elysée, notre chef en tout, longue vie à lui, gloire à ses réformes, ait été de retour. Je veux dire un vrai candidat. Ses admirateurs se pâment encore d’avoir retrouvé leur niaqueur à l’énergie atomique. Leurs yeux papillonnent encore d’aise et ils voient des étoiles partout. Et il y a eu le petit accroc de la repentance publique, bien relayée par les médias qui tous confondus ont trouvé qu’il n’avait pas été mal lors de sa propagande multi-télévisée. Il avait reconnu ses erreurs. En fait, tout est question d’interprétation. Reconnaître que l’on avait mal communiqué en parlant de paquet fiscal, ce n’est absolument pas reconnaître que ce que l’on a fait est mauvais. Mais comme notre Séguéla de la politique ne raisonne qu’en maître de com, il ne peut réagir que sur sa communication et non sur le fond des choses. Cette autoflagellation, à but de remontée dans les sondages n’étant que de la fumée, s’est évidemment dissipée comme un brouillard de juin dès le lever du soleil.
Dans cette farandole d’un American Happy Birthday, il n’y eut pas moins de trois manifestations.
A commencer par les Jeunes populaires (cela ne s’invente pas) qui, avec à leur tête un certain Fabien Sans Nicolas (cela ne s’invente pas), tentent de se remotiver dans une période douloureuse pour eux : seulement 10 % de renouvellement des adhésions (et on parle du MoDem. La presse se fait peu d’écho de ces désaffections, comme celles de l’UMP et du champion du monde le PS avec une évasion de 40 %, se contentant de bavasser sans cesse des trois lascars qui quittent le MoDem).
A suivre le 6 mai, salle Gaveau (temple des airs de Carmagnole et du pipeau), par une palanquée de ministre dont le fantomatique Premier d’entre eux, le folâtre Fillon nous déclare tout benoîtement que notre couleur nationale est un rebelle. Rien de moins. Celle-là fera florès, croyez-moi. Cette réunion prouvera à nos chers compatriotes (vocabulaire issu du gaullisme flamboyant) que les institutions sont le cadet des soucis des sarkoliges, puisque le gouvernement et son maître à penser et à agir se retrouvent en ami à l’UMP. Vous pensiez qu’ils travaillaient pour la France (Ô Ouverture où es-Tu ?) voici une parole qui va refroidir vos espérances : "Il [le chef occulte du parti du chef visible de la France] n’est pas là, mais je veux vous dire que son cœur, que ses pensées sont tournées vers vous". Depuis son 3e mariage, Sarkozy aime. Son cœur s’est ouvert. Cependant, c’est un cœur de guerrier qui bat dans sa poitrine, un vrai, un dur, un cuirassé : "Le président au fond de lui-même reste un militant, il reste un rebelle qui refuse d’être étouffé par les habitudes du pouvoir. Il conserve intact en lui ce goût de convaincre, ce goût d’engager la bataille intellectuelle face à la muraille des préjugés". Vous voilà prévenus. Si vous vous opposez, c’est que vous avez des préjugés et qu’en bons maçons francs et adroits vous en avez bâti une muraille. Ne cherchez pas trop vous n’êtes pas un intellectuel. Cela c’est au château que cela se passe.
Tout se termine le 7 mai dans les palais fastueux de la République. Ce que la presse en révèle varie. En effet, le porte-voix de l’Elysée, le Figosky, se fait étrangement silencieux concernant la charge du chef des armées contre la presse. Cet hebdomadaire ne parle que l’attaque en règle contre Chirac et d’une pique contre Villepin, rappelant l’affaire Clearstream en disant pour se justifier cette belle double tartufferie : « Si j’ai fait ce que j’ai fait dans cette affaire, a-t-il assuré, c’est pour éviter que cela ne se reproduise », suivi de « La politique me sort par tous les pores de la peau ! ». De Chirac, il dit qu’il a mis vingt et un ans à se faire élire et que lui Super Sarko avait été élu dès le premier coup. Petit rappel historique : Valéry Giscard d’Estaing a été élu du premier coup à 48 ans. (Juste pour le fun.) Et la cote de popularité de Giscard après un an était de loin au-dessus des abysses de notre primo-élu. Giscard a commencé sa carrière à 28 ans (vingt ans pour devenir président) et Sarkozy à 22 ans, élu à 52 ans (trente ans pour devenir président). Bon. Ce n’est pas un argument des plus fondamentaux, mais cela remet les pendules à l’heure. Chirac, donc, a été critiqué. Chirac, donc, a été immobile. Il est vrai qu’une brise à côté d’un ouragan qui détruit tout, cela paraît du vide. Cependant, la vraie vérité nous oblige à dire que le parti du gouvernement s’appelait l’UMP, Union pour la majorité, que son chef s’appelait Nicolas Sarkozy, que son chef participait au gouvernement en n° 2, que la majorité était une majorité UMP et que toutes les lois ont été votées, que l’action du président Chirac a été en son temps soutenue à mort, comme dirait Jean avec Terre, par l’UMP et son chef. C’est donc une belle couillonnade que ces déclarations. Enfin ! Ne nous tracassons pas pour si peu, c’est habituel. Eux, ce sont tous des nuls, moi je suis un super cacou qui a toujours raison. Oublié le genou à terre et la tête basse de la propagande. Voilà un petit paragraphe du Figosky assez savoureux : C’est pourtant ce qu’il a fait pendant presque une heure [ne pas régler ses comptes], en se félicitant de n’avoir pas écouté pendant la campagne les conseils de prudence venus de son propre camp. Il a estimé avoir eu raison de ne pas sonder son équipe sur la « rupture » « comme ça, on n’était pas les sortants », sur sa stratégie de « mouvement » ou, encore, sur l’« identité nationale ». Poursuivant la démonstration, il a ironisé à l’intention de ceux qui « lui déconseillaient de changer la date des municipales ». « C’était beaucoup d’autojustification », estime un participant.
Avant de terminer cette prose par la presse attaquée, voici deux déclarations qui me hérissent le poil. L’une est du chef de La Lanterne, et la suivante du fantôme de Matignon, toutou fidèle et faux rebelle :
- Il tient par-dessus tout au rythme et à la simultanéité des réformes, ce qu’il appelle « rester en mouvement », pour anéantir l’adversaire.
- et "C’est connu, moins la gauche a d’idées, plus elle caricature celles des autres".
Cela m’amène à la conclusion. Nous avons vu que Sarkochef s’est en fait autojustifié et flatté de la politique qu’il a menée. Disparus le repentir et la fausse modestie. La faute à qui ? A la presse : L’Express, Le JDD, Le Parisien, l’AFP et Marianne. L’AFP avait déjà été accusée par l’UMP pour ne pas avoir publié un communiqué de l’un des 3 660 porte-parole de l’UMP concernant la punition judiciaire de Royal. Or, ce communiqué n’apportait rien de nouveau et surtout était publié le 1er mai soit près de trois semaines après les faits (10 avril) et une couverture médiatique abondante et une charge virulente de l’UMP raffarinadesque Raffarin le 14 avril. Voilà un bon moyen de mettre la presse en garde. Si vous voulez juger par vous-même du nombre d’articles prouvant le mensonge grossier de ces menteurs permanents vous n’avez qu’à taper dans la petite fenêtre Google les trois mots "Royal condamnation emploi" et vous verrez qu’il y a 897 000 occurrences dont au moins les 60 premières (je ne suis pas allé plus loin) évoque l’affaire dont une multitude de journaux divers et variés. C’est donc un procès en sorcellerie qui laisse présager que l’avenir de la presse n’est pas tout rose. Cette presse qui est tellement l’ennemie de Sarkozy que sa conférence télévisée monopolistique a rempli les colonnes des journaux avant, pendant et après à saturation. Cette presse qui se décide de se faire l’écho d’une entrevue filmée de Madame Mère qui trouve très sympathique Madame Femme, et que son fils est un adorable bambin, cette presse qui ne donne pas moins de douze pages de Madame Epouse chez elle, qui demande à son "amour" si la presse du choc des images et du poids des mots peut le déranger pendant qu’il prépare les plans de la France du 5e millénaire dans son bureau "pas plus d’un quart d’heure alors, amour..." Et c’est dans cette critique de la presse qu’il rejoint les deux déclarations citées plus haut : "Il a fait une charge très importante contre la presse en disant que dans un pays où il n’y a plus d’opposition, la presse s’attribue la fonction d’opposition", a poursuivi dans les couloirs de l’Assemblée nationale la députée UMP, Marie-Anne Montchamp. Ce qui est dit c’est le même argument : il n’y a plus d’opposition et si elle existe elle n’a pas d’idée. Voilà une notion étendue de la démocratie. Voilà la technique basique de la négation pour anéantir. Voilà ce qu’est le débat d’idées.