Ce que peut une image
Depuis quelques jours, la photo d'un petit Syrien mort sur une plage turque agite la médiasphère. Mais quelle influence peut avoir une photo sur l'ordre du monde ?
Dans l’énorme masse d’images que nous absorbons quotidiennement, d’ailleurs souvent à notre insu, rares sont celles qui font trace dans notre mémoire et encore plus dans la mémoire collective. Ce que nous appelions naguère le symbolisme universel n’est plus suffisant pour cela. La beauté pixélisée d’un oiseau, d’une fleur ou d’une étoile ne fait plus, hélas, recette dans notre monde chaotique. Il faut désormais des images en situation qui condensent un maximum d’affectivité ; des images qui semblent résumer à elles seules l’horreur ou l’absurdité liées à un moment de notre histoire. Elles ne sont pas faites pour donner à penser – même si elles susciteront vite de nombreux commentaires. Elles sont faites pour produire un électrochoc moral et secouer un peu nos consciences assoupies. Car l’émotion est la reine de l’opinion. Et quoi de plus bouleversant que la souffrance d’un enfant sinon, a fortiori, sa mort ? En cela la photo d’Aylan Kurdi, le petit Syrien de trois ans retrouvé mort sur une plage turque, la tête baignée par la mer, a tout ce qu’il faut pour devenir le symbole actif de la tragédie migratoire actuelle. Elle s’inscrit dans une longue lignée de photos de presse mettant en scène des enfants victimes de la famine ou de la guerre. Aura-t-elle le même impact, la même célébrité, que celle faite par Nick Ut en 1972 et qui montrait une petite Vietnamienne de 9 ans, Kim Phuc, courant nue pour échapper aux bombes à napalm ? Son auteur, la photographe turque Nilüfer Demir, a dit l’avoir faite sans intention particulière, simplement parce qu’elle était là et que cette vision s’est imposée à elle. Ce n’est que ça une photo : un instant isolé dans le flux temporel, la coïncidence d’un œil et d’un élément du monde via la médiation d’une petite boite noire, une impression matérialisée. Mais l’exploitation qu’on en fait par la suite obéit, elle, à de toutes autres motivations. La plupart des journaux, français et étrangers, qui l’ont publiée cherchaient ouvertement à influencer les principaux leaders de l’Union Européenne, accusée de lenteur dans la prise en charge des migrants qui déferlent depuis le début de l’année sur notre continent. Ce n’est que partiellement vrai, car on ne résout pas en deux coups de cuillère à pot une crise d’une telle ampleur. D’autre part l’Allemagne et la France, conscientes de l’urgence humanitaire, s’étaient déjà rapprochées pour accorder leurs efforts avant la parution de cette accablante photo. Celle-ci ne fera au mieux qu’accélérer la mise en place de quotas de réfugiés selon la taille des pays d’accueil, même si cette perspective est loin de faire l’unanimité en Europe. Tout comme la photo de Kim Phuc (qui, elle au moins, a survécu), la photo du petit Aylan ne changera pas l’ordre du monde et les pesanteurs de la géopolitique. Mais elle vient néanmoins à point pour activer un processus de solidarité internationale qui s’étend bien au delà du registre des seuls états. Peut-être empêchera-t-elle, dans les jours et les semaines à venir, la noyade d’autres enfants de réfugiés ? Dans ce cas, Aylan Kurdi ne sera pas mort pour rien.
Jacques LUCCHESI
10 réactions
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Piotr Raznov
5 septembre 2015 15:09
Quelqu’un dispose-t-il de statistiques sur la baisse des niveaux de consommation de viande de porc dans le département du 93 et à Marseille ?
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César Castique
5 septembre 2015 20:03
« Mais elle vient néanmoins à point pour activer un processus de solidarité internationale qui s’étend bien au delà du registre des seuls états. Peut-être empêchera-t-elle, dans les jours et les semaines à venir, la noyade d’autres enfants de réfugiés ? »
Et vous la voyez sous quelles formes concrètes la solidarité internationale dans l’optique de la prévention de noyades d’enfants ?-
César Castique
6 septembre 2015 23:26
@Zip_N
« J’ai une vague idée sur la question... »
Ça cous confère un énorme avantage sur l’auteur de l’article. Lui, manifestement, il n’en a aucune. Même vague... -
Lucchesi Jacques
7 septembre 2015 15:20
@César Castique
Pour répondre à votre première question, vous n’avez qu’à ouvrir les journaux pour voir comment la solidarité internationale s’organise depuis la publication de cette triste photo. Quant à la petite saillie de votre deuxième commentaire, vis à vis de « l’auteur de l’article », je préfère ne rien ajouter pour ne pas abaisser ce débat jusqu’à l’injure. -
César Castique
8 septembre 2015 11:30
@Lucchesi Jacques
« Pour répondre à votre première question, vous n’avez qu’à ouvrir les journaux pour voir comment la solidarité internationale s’organise depuis la publication de cette triste photo. »
Curieuse réponse, à une question qui portait sur la prévention des noyades d’enfants, puisque la solidarité internationale incite les migrants aux voyages insensés.« Quant à la petite saillie de votre deuxième commentaire, vis à vis de « l’auteur de l’article », je préfère ne rien ajouter pour ne pas abaisser ce débat jusqu’à l’injure. »Ne vous gênez pas pour moi, j’en ai reçues d’autres, et je crains que votre réponse ne démontre que vous n’avez effectivement aucune idée quant aux moyens à utiliser pour prévenir les noyades de migrants en Méditerranée.P.S. - Bien que ce soit hors sujet, je vous signale que la solidarité internationale est loin d’être unanimement partagée - ayez un oeil sur les résultats des élections régionales en Haute-Autriche (27.09) et à Vienne (11.10) - et que le soufflé ne va pas tarder à retomber, avec une tendance qui pourraient même s’inverser complètement si plusieurs dizaines de milliers d’autres migrants* se lancent, comme c’est à prévoir, à l’assaut de l’Europe occidentale avant que les Balkans ne mettent leur manteau de vent, de froidure et de pluye.* D’après le Haut-Commissaire onusien aux réfugiés, il y aurait 1,8 millions de Syriens en Turquie qui ont, bien évidemment, entendu l’invitation implicite que leur ont adressée Maizière et Merkel, premiers responsables directs de la mort d’Aylan. -
César Castique
8 septembre 2015 12:59
@Lucchesi
Suite sans fin :A 12h40, la rédaction on line du « Corriere della Sera » a publié les informations suivantes :Le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel) a annoncé que son pays était prêt à recevoir un demi-million de migrants par année, et peut-être même plus. (« forse anche di più »)Selon le Haut Commissaire onusien aux réfugiés, 7’000 migrants viennent de passer de Grèce en MacédoineLa même source indique que 2’700 migrants viennent de passer de Serbie en Hongrie.De son côté, la porte-parole du Haut Commissariat aux réfugiés, Melissa Fleming, annonce que 30’000 migrants sont attendus dans les îles grecques, dont 20’000 dans le seule île de Lesbos.Chauffe Sigmar ! -
Lucchesi Jacques
8 septembre 2015 14:28
@César Castique
Autant demander à celui qui écrit sur les migrants en Méditerranée s’il a un brevet de maitre-nageur. Votre commentaire est ridicule. -
César Castique
8 septembre 2015 14:40
@Lucchesi Jacques
« Votre commentaire est ridicule. »
Déjà au bout du rouleau ?
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Fifi Brind_acier
6 septembre 2015 08:05
Les quotas sont ceux destinés à accueillir les réfugiés, car une fois dans l’espace Schengen, ils ont le droit de se déplacer comme ils le souhaitent.
La solidarité internationale serait de s’entendre avec la Russie pour se débarrasser de DAESH. Mais pour l’instant, que ce soit la Coalition, la Turquie ou Israël, ils bombardent surtout les Kurdes, le Hezbollah et les civils pour les faire fuir.
L’UPR est le seul Mouvement qui propose une sortie légale et pacifique de ce Titanic en perdition.-
doctorix
7 septembre 2015 14:42
@Fifi Brind_acier
Hollande envisage la fin des sanctions contre Poutine.Pourquoi cet andouille n’écoute-t-il pas les internautes, qui ont compris depuis des mois que ces mesures étaient stupides ?Par contre, il continue à exiger le départ d’Assad, et estime que Poutine va le lâcher, prouvant ainsi qu’il ne comprend rien à rien.Cet homme aura toujours un métro de retard.