mercredi 14 janvier 2009 - par jcbouthemy

Chacun a le droit d’obtenir un emploi

Un droit constitutionnel particulièrement nécessaire à notre temps

 

C’est l’alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946 repris intégralement dans la Constitution de 1958 qui l’affirme en disant que Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi

C’est le Conseil d’Etat qui dans un arrêt du 29 mai 1959 précise que Les principes généraux du droit, résultant notamment du Préambule de la Constitution, s’imposent à toute autorité réglementaire, même en l’absence de dispositions législatives.

Comment expliquer le nombre si important de chomeurs alors même que la Constitution permet à chacun le droit d’obtenir un emploi ?

Comment expliquer qu’en Europe la France connaisse l’un des plus forts taux de chomage alors que c’est l’un des seuls pays au monde à avoir inclu dans sa Constitution le droit d’obtenir un emploi ?

Faut-il se satisfaire avec le Conseil Constitutionnel que certains droits seraient réservés au plus grand nombre ? Quel pourcentage ? Sur quels critères ?

Dans ces conditions, s’agit-il encore de droit ou d’une application des normes imposées par le libéralisme ambiant ?

Faut-il partager le point de vue de J M Lagarde qui considère que ce droit ne saurait être qu’un objectif à atteindre à la façon du nouveau droit au logement ?

De tous les droits fondamentaux contenus dans la Constitution, ce droit constitutionnel d’obtenir un emploi est le seul à ne pas bénéficier d’une application concrète. Comment expliquer cette exception ?

Faut-il en imputer la cause au fait que seuls les pauvres pourraient bénéficier d’un tel droit ? Ne serait ce pas faire preuve de démagogie que d’imputer la responsabilité du chomage d’une partie de la population à ceux qui n’ont pas à redouter une telle situation ? A ceux qui bénéficient de l’argent, de la formation ou des relations qui leur permettent d’occuper les emplois qu’ils ont choisi.

Personnellement confronté à cette situation du chomage, j’ai décidé de revendiquer ce droit constitutionnel. La préfecture m’a répondu que je ne pouvais me prévaloir d’un quelconque préjudice dans la mesure où l’administration n’avait pas pour mission de fournir un emploi à chaque citoyen.

Alors quelle signification donner à ce texte ? Faut-il faire comme si ce texte n’avait jamais existé ? Faut -il ignorer la volonté politique de ceux qui ont rédigé un tel texte ? Faut-il ignorer que c’est l’application effective d’un tel droit qui a permis à une france dévastée par la guerre et les rationnements de permettre l’insertion de plus de deux millions d’individus de retour des camps de travail forcé, de déportation et des prisonniers de guerre ? Faut-il ignorer que cette politique du plein emploi a généré ce que l’on a appelé les trente glorieuses ?

Imaginons les souffrances évitées à tous ceux qui subissent le chomage, à leurs familles, à leurs enfants. Imaginons les conséquences d’un tel droit face à un libéralisme débridé...qui n’aurait pu bénéficier des mêmes avantages.

J’ai décidé de poursuivre mes démarches, de porter le différend devant le tribunal administratif.

Il m’a d’abord fallu convaincre un avocat.

Les juges de la Cour administrative d’appel de Nantes ont estimé qu’ils ne pouvaient répondre à mes demandes par absence de précision suffisante du texte constitutionnel.

Lacheté de la part des juges ? Refus de forcer la main des politiques ? Refus de prendre en compte les conséquences d’un tel texte ? Soumission à l’administration dont ils dépendent ?

Le Conseil d’Etat a préféré ignorer la question en me refusant l’aide juridictionnelle pour absence de moyens sérieux susceptibles de convaincre le juge de cassation.

Le Président de la République et le ministère de la justice se sont retranchés derrière la séparation des pouvoirs pour ne pas se prononcer sur une décision de justice qui aboutissait à censurer un texte constitutionnel, à considérer que le droit d’obtenir un emploi voulu par le législateur ne pouvait avoir aucune application concrète.

J’étais persuadé que c’était le genre de décision qui ne pouvait laisser indifférend les élus du peuple qui en tant que législateurs devaient être soucieux du respect par les juges de la volonté exprimée dans les textes de lois.

Surtout de la part des partis de gauche, ce fut une grande claque dans la gueule.

J’avais déjà enduré l’ironie des journalistes concernant mes démarches pour obtenir l’application de ce droit constitutionnel mais j’espérais que les élus de gauche auraient au moins le souci de préserver un droit constitutionnel fondamental.

Lorsque j’ai contacté le PS et le PC, je leur ai proposé d’interpeller le gouvernement sur les moyens qu’il comptait prendre pour apporter les précisions qui manquaient aux juges administratifs pour rendre effectif ce droit constitutionnel

Au PS, c’est pour préserver la compétitivité des entreprises que l’on a justifié le refus de mettre en pratique ce droit constitutionnel. Au PC, la perspective de revendiquer un droit coutumier des régimes communistes paraissait inappropriée comme si il y avait urgence à faire oublier l’étiquette communiste. C’est en m’expliquant que la priorité au PC consistait dans la qualité du travail offert aux salariés que Yves Dimicoli m’a accompagné vers la sortie.

En m’adressant directement à chacun des 69 députés de la commission des lois, j’espérais qu’ils seraient davantage sensibilisés à cette question. Je n’ai reçu que 2 réponses : l’une du président de la commission qui accusait réception de mon courrier et l’autre de J M Lagarde qui concevait ce droit comme un objectif à atteindre et non une obligation. L’essence même du libéralisme...

On peut se poser des questions sur l’état de notre démocratie lorsque les élus eux mêmes acceptent avec indifférence que les citoyens soient privés de droits constitutionnels fondamentaux. Mais n’organisent-ils pas parfois eux mêmes cette privation de droits ??? Cela ne revient-il pas à supprimer le droit pour le peuple de décider par référendum lorsque les élus se prononcent sur le même sujet dans un sens opposé à ce qui avait été décidé par référendum ?

Et pourtant ce droit d’obtenir un emploi m’apparaissait comme particulièrement nécessaire à notre temps, pour reprendre les termes du Préambule de la Constitution.

Lorsqu’à l’ANPE, vous vous entendez dire qu’en raison de votre âge (57ans), vous n’avez aucune chance de retrouver un emploi, c’est votre place même au sein de la société qui est remise en cause. Sachant que d’autres peuvent se voir opposer d’autres critères discriminants comme l’origine sociale ou l’absence de diplome, quand ce n’est pas le contexte économique général, on prend conscience combien un droit réel d’obtenir un emploi modifierait profondément la vie de tous ceux qui sont exclus de la posssibilité de mener une vie sociale décente...

Mais comment revendiquer un tel droit lorsque les médias, les politiques ou la justice se désintéressent de la question ?

C’est sur les murs de nos monuments que j’ai décidé de revendiquer mon droit constitutionnel avec cette formule ALINEA 5 un EMPLOI pour CHACUN.

Que ce soit au commissariat de Martin Hirsch ou au siège du Parti Socialiste, c’est en grosses lettres que j’avais inscrit cette formule. C’était un dimanche matin aux alentours de 9 heures, sous l’objectif des caméras de surveillance..

Mais dès le lendemain il n’y paraissait plus rien. Bravo aux services techniques de la ville de Paris pour leur efficacité.

A Fougères, l’inscription est demeurée beaucoup plus longtemps. J’avais choisi les murs de l’Anpe. Ceci m’a valu deux convocations au commissariat de police.

Comme entre temps, j’avais fait la même chose sur les murs de la cité judiciaire de Rennes, le dossier a été rapatrié à Rennes et je devrais bientot être convoqué devant le tribunal correctionnel de Rennes pour répondre de mon délit.

En d’autres temps, d’autres individus se sont levés pour revendiquer ce qu’ils considéraient être juste. Souvent à leurs risques et périls.

Tant que le droit d’obtenir un emploi n’aura pas été officiellement rayé des droits fondamentaux, je continuerai à revendiquer un droit légué par nos ancètres.

Ne déplaise à ceux qui considèrent que le libéralisme sauvage est la seule solution d’avenir.

bouthemy



8 réactions


  • Diogene 14 janvier 2009 14:29

    OUI au droit a l’emploi, NON au droit au chomage !!!!!

    Arretons de subventioner l’inaction !!

    Avec l’argent du chomage, donnons aux organismes publics (mairies, préfectures, conseils généraux ) et a des associations agréés la charge de distribuer la manne du chomage. Que le demandeur de travail se présente quand il le désire (aux heures ouvrables) a un bureau de travail qui lui donnera un travail d’intéret collectif et qui lui paiera son heure au prix minimum garanti (ex SMIC). Une heure travaillée=Une heure payée. Ca c’est le droit au travail !. Cela ne concurencera pas les patrons competents capables de payer plus. Cela supprimera les abus et entretiendra nos villes et nos campagnes.

    OUI au droit a l’emploi, NON au droit au chomage !!!!!


  • Nicolas Cavaliere Nicolas Ernandez 14 janvier 2009 14:39

    C’est une démarche courageuse, qui malheureusement, comme vous le soulignez en fin d’article, justifiera plus la suppression de ce droit constitutionnel que son application. Si on appliquait effectivement ce droit, il faudrait nationaliser les moyens de production, ou obliger légalement les employeurs à embaucher. La première option est inapplicable dans le contexte idéologique actuel, la seconde exigerait qu’on abandonne l’impératif actuel de concurrence économique.

    Cependant, on travaille pour produire, pas pour travailler. La concurrence est nécessaire pour éviter que nous ne formions une société d’artistes. Vous imaginez, vous, des gens qui s’aimeraient et qui prendraient leur temps à la tâche ? Ce serait la catastrophe pour les matérialistes mégalomanes psychotiques en tout genre qui veulent tout posséder.


  • ronchonaire 14 janvier 2009 14:52

    Renseignez-vous sur le sens juridique du mot "droit" : le fait que vous ayez le droit d’obtenir un emploi n’implique aucunement l’obligation pour l’Etat de vous fournir un emploi, que ce soit en vous employant directement ou en forçant les entreprises à le faire ; cela signifie simplement que vous êtes autorisé à obtenir un emploi. Chacun a aussi le droit de marcher dans la rue ; ce n’est pas pour autant que vous aller demander à l’Etat d’obliger tout le monde à marcher dans la rue ou que vous allez saccager les monuments historiques en inscrivant "Un trottoir pour chacun".


  • Moonz 14 janvier 2009 19:56

    > Les juges de la Cour administrative d’appel de Nantes ont estimé qu’ils ne pouvaient répondre à mes demandes par absence de précision suffisante du texte constitutionnel.

    Je les comprend tout à fait.
    De par sa formulation, cela ressemble fortement à un droit positif. Or, tous les droits autres droits constitutionnels sont essentiellement négatifs (la liberté d’expression par exemple, ne signifie pas l’obligation de fournir à tous les moyens de s’exprimer, mais signifie simplement que personne ne peut être inquiêté pour ses déclarations, pas même par le gouvernement. Surtout le gouvernement en fait, parce qu’il est le seul à avoir le droit d’utiliser la force). On peut donc en conclure que le droit au travail (et c’est ce point que la défense soulèvera, et qui serait à mon avis suivit — mais je ne suis pas juriste de formation) est simplement l’interdiction à quiconque de vous empêcher d’accepter un travail que l’on vous opposerait (même le gouvernement, qui pourtant en pratique ne se gène pas pour prohiber toute offre d’emploi dont le salaire serait inférieur à 1000€ nets par mois)


  • Liberty 15 janvier 2009 11:16

    C’est dans notre constitution de faire des chèques pour sauver des entreprises et des banques dont le patron gagne en un an entre 300 et 700 années de SMIC ?

    Sans compter les parachutes dorés et les indemnités ASSEDIC qu’ils ont à l’issue ...

    La constitution ne vaut plus rien, elle n’est même plus respectée par le chef de l’état, personne ne dénnonce les entorse qui lui sont faites . (sénat, assemblée nationale, conseil constitutionnel)


  • cappa 15 janvier 2009 12:01

     Je comprends tout à fait votre déception liée à l’attitude des personnes ou organes auxquels vous vous êtes adressé mais je suis très étonné qu’un avocat ait accepté de vous suivre dans la voie d’une demande fondée sur cet article.

     En effet, tout juriste digne de ce nom doit savoir que le préambule de 1946 qui édicte ce que l’on a appelé les "droits créances" ne contient pas des droits opposables en tant que tels à l’Etat. Il édicte simplement un certain nombre d’objectifs à atteindre qui sont "particulièrement utiles à notre temps" : droit au logement, droit au travail...etc. L’effectivité juridique de ces dispositions est la suivante : les pouvoirs publics ne peuvent prendre de dispositions qui seraient contraire à ces objectifs et doit s’efforcer d’en prendre qui tendent à la réalisation de ceux-ci.

     Il ne s’agit donc en aucun cas d’une obligation de résultat et votre action semblait vouée à l’échec dès le départ.

     

     Bon courage


  • Internaute Internaute 15 janvier 2009 12:08

    Il faudrait inscrire dans la constitution que le bonheur est un droit, comme cela tout le monde serait heureux. Facile et pas cher !


  • sobriquet 15 janvier 2009 14:35

    Si on commence à prendre en compte le droit d’obtenir un emploi, on prendra aussi sec en compte le devoir de travailler. Vous voulez que travailler devienne une obligation légale pour le citoyen !?


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