mercredi 14 septembre 2016 - par Tagne Foko Michel

Chronique : lorsque Christiane Taubira nous parle de sa mère…

L’excellent auteur, d’origine sénégalaise, Ken Bugul a dit ceci : « Ah, la mère, la créature la plus extraordinaire, le sentiment, le sang, la source ! ». C’est tellement bien dit, bien écrit, que parfois certains le répètent à haute voix, comme sur un air de claquettes irlandaises. Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi ce qu’a dit l’un des meilleurs écrivains africains contemporains au monde. Eh oui, je parle bien du délicieux Mozambicain, Mia Couto. Sur le même sujet, il a dit : « En fin de compte, la terre n'est jamais suffisante pour enterrer une mère ». Eh oui, il l’a dit si bien. Plusieurs personnes se sont aussi essayées à nous parler de leur parent, de leur enfance, de leur vie de famille…, plus particulièrement de leur mère. Régulièrement comme ça, nous, lecteurs, téléspectateurs, écrivains et autres, tombons très souvent par hasard sur des magnifiques témoignages qui traitent de ce genre de sujet :

Comment ne pas parler du très bon livre de Sorj Chalandon, « Profession du père », sorti en 2015. Dans cette œuvre, il nous décrit, avec des mots qui arrachent inéluctablement des larmes, son enfance, sa mère, la démence de son père, etc. Il a dit : « Mon père, ma mère et moi. Juste nous trois. Une secte minuscule avec son chef et ses disciples, ses codes, ses règlements, ses lois brutales, ses punitions. Un royaume de trois pièces aux volets clos, poussiéreux, aigre et fermé. Un enfer."

Dany Laferièrre de l’Académie française, qui est d’ailleurs l’un des meilleurs pour nous parler des femmes, de la femme, vu qu’il a grandi entouré de femmes. Par exemple dans « l’odeur du Café » et « le charme des après-midi sans faim », on apprend beaucoup sur son enfance. Une sorte de nostalgie, parfois heureuse, parfois douloureuse. Il a écrit ceci : « La mort de mon père. La douleur de ma mère. L'accent de l'exil. Ma vie d'homme commence », « La mère d’un écrivain est si souvent mise à contribution qu’elle devrait exiger un contrat particulier avec l’éditeur, car c’est devenu un métier. », « Un jour, j'ai demandé à ma grand-mère de m'expliquer le paradis. Elle m'a montré sa cafetière. C'est le café des Palmes que Da préfère, surtout à cause de son odeur. Da boit son café. J'observe les fourmis. Le temps n'existe pas."

Christine Angot, la meilleure, selon moi, de tous les temps. Mon auteure préférée. Le style Angot est précis, imagé, captivant, poétique et lyrique. Les mots sont posés, nul besoin de se voiler la face, c’est juste la vie qui est décryptée avec ses différentes facettes. Dans sa nouvelle œuvre, « Un amour impossible », Christine nous parle d’une magnifique histoire d’amour, entre une mère et son enfant. Au début, tout allait bien. Après il y a eu la rencontre avec le père, le changement de nom, les relations humaines qui l’entouraient, etc. Elle a écrit : « Elle était heureuse de l'avoir vu. Triste de le voir partir. C'était tout le temps une arrivée un départ. Rien n'était stable. On était derrière la voiture qui démarrait, et elle pleurait en silence. J'ai tendu la main vers elle. Et j'ai serré son poignet. », « J'avais cessé de l'appeler maman. Ça s'était fait comme ça, tout seul, sans intention, sans décision. Peu à peu. Ça n'avait pas été prémédité. Au début, la fréquence du mot avait baissé. Comme s'il n'était plus nécessaire. Ensuite, il avait pris une tonalité gênante. Il était devenu bizarre, décalé. Puis il avait disparu. Totalement. Il m'était devenu impossible de le prononcer. ».

L’écrivain français, résidant à Pékin, Vincent Hein a si bien décrit son enfance abidjanaise, dans le livre « Les Flamboyants d’Abidjan ». Il a dit quelque chose de très touchant : « Je ne crois pas que mon père ait voulu un jour faire partie des meilleurs, ni des forts, ni des compétiteurs. Il voulait faire partie des justes, des gentils, des honnêtes, de ceux qui aident et de ceux qui sauvent. Lorsqu’il s’est aperçu que l’appareil qu’il défendait nous voulait du mal, il était trop tard ».

Alain Mabanckou a longuement parlé de sa mère. De Pauline Kengué. Il l’a fait si bien. C’était si bon. C’était si triste parfois, mais il a su nous parler de cette brave dame, qui s’en est allée sans que son fils, Alain Mabanckou, ne soit présent. Dans son livre, « Lumière de Pointe-Noire », qui est, selon moi, le meilleur de tous ses œuvres, Alain Mabanckou nous livre un documentaire romancé où les émotions nous sont dictées, telle une douce hégémonie. La précision de l’écriture et les commentaires nous amènent à une adhésion obligatoire à ce que l’auteur nous décrit. Du genre c’est un fait, il n’y a rien à redire, soit vous l’acceptez, soit vous passez votre chemin. Il a dit : « Si je suis devenu écrivain, c'est aussi pour venger ma mère, pour venger le fait qu'elle ne soit pas allée à l'école. Ma mère est la source de tout ce que j'ai écrit. »

Lorsque Christiane Taubira nous parle de sa mère, elle construit ses phrases de façon à attendrir les cœurs. Elle sait le faire, elle le fait si bien. Ça fend les carapaces et ça donne envie d’en savoir davantage. Lors d’un entretien pour le journal le Monde, recueillie par la journaliste Annick Cojean, Christiane Taubira a dit ceci : « Je ne serais pas arrivée là si… s’il n’y avait eu ce rire tonitruant de ma maman. Ce rire qui révélait une joie invincible. Oui, invincible ! Elle était pourtant passée par des moments difficiles, cette mère de onze enfants, sans mari… Elle avait même fait une dépression nerveuse lorsque j’avais 8 ans, avait été prise en charge par les médecins, avait accepté d’avaler des décoctions et autres produits de la médecine créole. Et une bonne sœur, à l’école, m’avait demandé si c’était vrai que ma maman était devenue folle. Vous imaginez la violence de tout cela. Mais elle était revenue. Elle avait décidé, un jour, de mettre sa dépression au placard, de l’enfermer à double tour, et de revenir s’occuper de ses enfants. Et j’ai alors retrouvé son rire. Intact. Indissociable de ma maman avec son visage doux. »



19 réactions


  • fred.foyn 14 septembre 2016 08:51

    Bonjour...sa mère était « indépendantiste » et anti France comme elle ?


    • J.MAY MAIBORODA 14 septembre 2016 16:53

      @fred.foyn


      Il existe un précédent célèbre. Citons le :
      « Général, je naquis quand la patrie périssait. Trente mille Français vomis sur nos côtes, noyant le trône de la Liberté dans les flots de sang, tel fut le spectacle odieux qui vint le premier frapper mes regards. Les cris du mourant, les gémissements de l’opprimé, les larmes du désespoir environnèrent mon berceau dès ma naissance. Vous quittâtes notre île et, et avec vous, disparut l’espérance du bonheur… »
      Lettre à Pascal Paoli - 12 juin 1789.
      Signée ...... Napoléon ........ futur empereur de ces mêmes Français.
      Il ne vous reste plus qu’à rayer Napoléon de l’Histoire de France.

    • Pere Plexe Pere Plexe 14 septembre 2016 19:45

      @fred.foyn
      « anti france » est l’insulte préférée de ceux qui frauduleusement prétendent être la France.

      A ce jour non seulement ils n’incarnent pas le France, mais les Français ne leur ont pas accorder leur confiance et leur mandat !

    • fred.foyn 15 septembre 2016 06:50

      @MAIBORODA.....Pour moi, Naboléon est un des pire criminels de guerres...


    • J.MAY MAIBORODA 15 septembre 2016 10:18

      @fred.foyn


      C’’est aussi l’avis d’un historien corse éclairé :
      Roger Caratini, (1924 - 2009), natif de Corse comme l’empereur, par ailleurs rédacteur des 23 volumes de l’encyclopédie Bordas, a consacré à Napoléon en 2002 un ouvrage incisif (et controversé), intitulé « Napoléon, une imposture » dans lequel il n’a pas hésité à le comparer à Hitler, ce qui a fait quelque bruit dans le lanterneau local et lui a valu l’indignation, voire une sorte d’excommunication de la part des historiens faisant autorité dans le docte cénacle de ses confrères « établis ». 
      L’éditeur (Archipel – 2002) présente ainsi l’ouvrage incriminé : 
      « La première dictature militaire des temps modernes, la liberté bafouée par une police secrète d’État, la censure de la presse, le rétablissement de l’esclavage aux Antilles, les »décrets infâmes « contre les juifs, la mort de près de deux millions de soldats français, le mensonge du Code civil. [….] Roger Caratini démonte, pièce par pièce, la plus monumentale construction »mythologique« de l’Histoire de France ». 
       


  • Christian Labrune Christian Labrune 14 septembre 2016 11:55


    Enfin, un peu d’ironie, et pour finir un éloge paradoxal.
    Les intellectuel de la fin du moyen-âge et de la renaissance adoraient cet exercice littéraire. Erasme, avec son « Eloge de la folie », mais aussi Rabelais, nous ont laissé d’excellent souvenirs littéraires. Pourquoi, de temps en temps - et pour rire, bien évidemment -, ne pas faire l’éloge de la bombe atomique, de la vérole, de la peste ou du sida ? Tout cela nous éloignerait un peu de la morne plaine du conformisme et de ses idées convenues.
    J’ai particulièrement apprécié l’éloge de Christiane Taubira.


    • Nicole Cheverney Nicole Cheverney 14 septembre 2016 19:20

      @Christian Labrune

      Bonjour,

      Rabelais a gratifié la littérature française de son magistral Pantagruel, mais ce que l’on ne sait pas toujours, c’est qu’il a écrit un : « Eloge du cannabis ». En consommait-il ? Peu, modérément ? Ou plus gourmand ? En tout cas, une grande liberté d’expression.

      Ce qui, aujourd’hui serait considéré comme une incitation illicite, à l’heure où les littérateurs s’auto-censurent pour éviter les procès à charge, contre eux-mêmes et leurs éditeurs.

      D’autre part, je respecte profondément les auteur-es qui osent parler de leurs géniteurs et génitrices. Ce qui nous rendra l’ancienne ministre bien plus humaine que l’image un peu rude et agressive construite autour de sa fonction.

      Et merci à l’auteur pour ce texte et cette belle prose.


  • J.MAY MAIBORODA 14 septembre 2016 16:55

    à Tagne Foko Michel


    Très belles citations et très beau texte. Merci à vous.

  • Le421... Refuznik !! Le421 14 septembre 2016 19:26

    Etonnant retournement des choses.
    Voilà que ces imbéciles de français ont compris que le mariage pour tous n’enlevait rien à nos libertés et qu’en définitive, maintenant, ils sont plutôt pour ou indifférents !!*

    Merde, merde et merde !!

    Tous ces apôtres de la bien-pensance et de la réac-attitude de la droite traditionnelle ont donc changé le fusil d’épaule et la mort de la loi « Taubira » n’est plus une priorité.
    Le complexe de la girouette ou « c’est pas parce que j’ai dit des conneries que je vais continuer » !!

    *Manif pour tous !! Et ils sont oùùùù, et ils sont oùùùù, et ils sont oùùù les rabougris, tralalalalaa tralalalalalaaaa !!


    • Pere Plexe Pere Plexe 14 septembre 2016 20:16

      @Le421
      Non seulement ces réactionnaires ne supporte pas la liberté individuelle mais, à la manière de certains islamistes ils rêvent de nous imposer leur diktat !


    • Tzecoatl Gandalf 15 septembre 2016 00:33

      @Le421

      Mais non, c’est simplement la loi suivante :

      « La gauche, c’est de commettre des erreurs. La droite, c’est de ne surtout pas les réparer ».

    • Le421... Refuznik !! Le421 15 septembre 2016 08:46

      @Gandalf
      Et elle est où la gauche ??
      François Hollande et son orchestre ??

      Non, vous n’oseriez tout de même pas appeler ça « la gauche » !!

      Parce que sinon, il vaut mieux consulter un ophtalmo, un psy, même un généraliste car c’est un problème entier... Strabisme, autisme, débilité, j’ose pas dire trisomie car ils ne sont pas bêtes à ce point !!


    • Olivier Perriet Olivier Perriet 15 septembre 2016 10:33

      @Père Plexe

      Justement vous ne vous êtes jamais dit qu’on n’en veut plus de votre société égoïste des libertés individuelles qui s’excluent les unes des autres ?

      « Les réactionnaires » veulent vous imposer leurs vues, dites-vous ?

      Et lorsque c’est à une minorité d’association et de lobby qui ne représentent en rien les homosexuels, d’ailleurs, qu’on laisse le soin de rédiger une loi - qui s’applique à tous par définition - c’est sensé être mieux ?


    • Olivier Perriet Olivier Perriet 15 septembre 2016 10:34

      @Le421

      à vous lire on se demande si vous ne vous réjouissez pas des attentats ?

      Je me trompe ?


    • Pere Plexe Pere Plexe 15 septembre 2016 17:01

      @Olivier Perriet

      « des libertés individuelles qui s’excluent  »
      C’est le principe même de la liberté que d’être individuelle ! Ce qui ne s’oppose en rien à l’adhésion à des projets collectifs.Et c’est l’équilibre de nos lois qui veille à ce que les différentes options cohabitent harmonieusement. 

      « Et lorsque c’est à une minorité d’association et de lobby ../..qu’on laisse le soin de rédiger une loi »
      L’important n’est pas de savoir qui est supposément l’auteur d’une loi.(laquelle ?)
      L’important est de savoir si cette loi est conforme et légitimement votée par la représentation nationale.

    • Olivier Perriet Olivier Perriet 15 septembre 2016 19:06

      @Pere Plexe

      comme vous le dites, un excès d’individualisme est parfaitement nocif pour tout projet collectif puisque la loi doit faire l’arbitrage.

      Et lorsque les politiques sont otages volontaires d’associations, de lobbys, etc... qui ne représentent qu’eux mêmes ça pose un souci.


  • fcpgismo fcpgismo 15 septembre 2016 12:15

    Son discours à l’assemblée m’a réconcilié avec les humains je lui suis éternellement reconaissant. 


  • Yohan Yohan 15 septembre 2016 13:50

    Taubira a le droit de parler de son sang, de ses origines, nous pas. Angot, c’est de la daube de première bourre, si ce sont vos références, on comprend mieux.


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