jeudi 15 décembre 2016 - par Franck ABED

Claude TIMMERMAN par Franck ABED

Franck ABED : Bonjour. Selon vous quel fut l’événement le plus marquant de l’année 2016  ?

Claude TIMMERMAN : Il faut toujours être prudent quand on manie ce genre de concept, car si on veut être un minimum sérieux, des évènements qui semblent essentiels voire extraordinaires, analysés un jour donné, souvent par suite d’un effet médiatique consensuel savamment orchestré aujourd’hui, se révèlent à terme sans réelle répercussion, alors qu’à l’inverse des évènements qui semblent anodins, ou qui sont savamment occultés, sont infiniment « porteurs ».

C’est pourquoi je vous donnerai deux évènements que je considère comme majeurs car totalement nouveaux et générateurs d’une dynamique durable dont les effets conduiront à des changements essentiels dans l’organisation politique, un peu partout à travers le monde, et sans doute à une redistribution durable des cartes au Moyen Orient, sans parler d’autres répercussions aujourd’hui pas même imaginables car faisant appel à l’appréciation de facteurs encore mal circonscrits.

La campagne électorale américaine :

Je parle bien de la « campagne » électorale et non pas là de la personnalité de Trump stricto sensu.

On a assisté à une extraordinaire manipulation médiatique visant à déconsidérer et à vilipender un candidat uniquement parce que l’establishment politique ne voulait pas de lui !

Les partis politiques ont en effet verrouillé le système électoral depuis des décennies, aux USA comme dans les pays « démocratiques » notamment en Europe.

Clairement, et cela a été vérifié par tous les sondages locaux qui ont été soigneusement occultés par les grands médias aux ordres de l’AIPAC et des lobbies mondialistes, tout montrait que le peuple (quelle horreur !) ne voulait ni de la démagogie d’Hilary Clinton ni des candidats « officiels » adoubés par le parti républicain.

Et cette désinformation médiatique orchestrée a été immédiatement répercutée à travers toute l’Europe.

En vain : Trump a été élu, suivant la volonté populaire, conformément à tous les vrais sondages occultés, à la consternation générale des appareils politiques et des médias.

C’est la première fois que la démocratie, ainsi révélée de façon éclatante comme confisquée par tous les partis politiques à leur seul usage, s’est aussi clairement manifestée.

On a aussitôt vu la réprobation européenne unanime condamner cette manifestation « populiste » stigmatisant aussitôt de façon caricaturale « l’électorat rétrograde américain » : les vieux, les ruraux, les « peu diplômés », les « croyants », les racistes, les anti-migrants, etc...

Et à l’inverse apologiser les « progressistes » qui sont évidemment les jeunes, les diplômés et les « forces vives du pays » qui sont de facto athées, pro LGBT, pro avortement, pro immigration, etc.

Ce clivage simpliste aux relents idéologiques répugnants de démagogie a aussitôt été médiatiquement repris dans notre campagne électorale, en France, qui est le jouet des mêmes confiscations de la politique par les partis.

Les sondages étaient unanimes et accablants : 80% des gens ne voulaient plus entendre parler de Sarkozy...

Celui-ci a réussi, via Copé, à faire un coup de force pour s’approprier le parti UMP mué à sa demande en « Les Républicains ».

Ce parti a imposé au peuple la candidature de Sarkozy, mais n’a pu éviter l’écueil de la fameuse « primaire »...

On a assisté alors à une mobilisation en masse des électeurs, non pas pour plébisciter un candidat, mais pour éliminer les indésirables :

  • Le premier tour a été une véritable croisade : « Tout sauf Sarkozy »

Il s’est retrouvé crédité de 20% des voix environ, en parfaite conformité avec les tendances mises en évidence par toutes les enquêtes d’opinion depuis plus d’un an.

- Le second tour a été l’occasion d’une nouvelle croisade : « Tout sauf Juppé »...

Celui-ci s’est retrouvé écrasé par l’adversaire, Fillon...

C’est alors évidemment, après le cinéma médiatique ad hoc, que François Hollande - honni par 90% des Français selon les mêmes sondages, et qui savait très bien que sa seule chance d’être élu était de se retrouver face à Sarkozy - a décidé de ne pas se représenter pour éviter une nouvelle humiliation...

Nous entrons donc cette année dans une nouvelle ère, celle où le contrôle de la politique, nationale, voire au-delà européenne, par les appareils institutionnels et leurs auxiliaires médiatiques ne fera plus la loi en politique...

Ce qui fait bondir tous les apparatchiks, notamment à Bruxelles, qui hurlent au « populisme » ; c’est que le vote populaire n’est admissible pour eux que dans la mesure où il sert de caution à leurs manœuvres !

Cette attitude va enfin faire échec à la sentence terrible de Paul Valéry :

« La politique, c’est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde »...

Et ce réveil des peuples est contagieux, du Brexit au referendum raté du président du conseil Renzi en Italie, indiscutablement la page de la dictature des partis est en train d’être tournée dans toute l’Europe.

Le synode musulman de Grosny

C’est certainement l’évènement majeur de l’année, et sans doute de la décennie.

Le président Poutine a réussi là un coup de maître diplomatique et idéologique, et l’Islam s’est assumé !

En faisant réunir, sous l’égide du président Tchétchène deux cents imams et ulémas sous la présidence du plus haut dignitaire sunnite, le cheik imam de l’université islamique Al Azhar, (institution que l’on pourrait par analogie avec le catholicisme comparer à l’autorité spirituelle du Vatican) Poutine s’est affirmé dans le monde musulman sunnite, comme il avait su se faire le champion de la résurrection de l’orthodoxie russe après soixante-dix ans de marxisme.

La décision sans appel adoptée par ce synode d’exclure, de toutes les obédiences du sunnisme, le salafisme et donc le wahhabisme est une véritable « excommunication » mettant ces extrémistes de l’islam dit « radical » au ban du monde religieux musulman.

Une décision d’une portée considérable pour l’avenir, qui n’arrange certainement pas les affaires du sionisme dont les connivences avec les groupes armés islamistes, et notamment Daesh, n’est plus à démonter.

Nombre des gouvernements occidentaux ayant une indiscutable convergence d’intérêts avec eux dans le cadre des menées atlanto-sionistes, on comprendra que les médias aux ordres aient salué cette décision par un mutisme aussi remarquable que total : personne n’en a parlé !

Pratiquement, il ne faut pas s’attendre à voir disparaître le salafisme du jour au lendemain, mais on doit s’attendre à voir disparaître nombre de soutiens aux mouvements terroristes de la part de musulmans convaincus, certes, mais peu enclins de ce fait à transgresser les interdits religieux pour continuer à faire cause commune avec les terroristes ou se laisser séduire par leur doctrine nihiliste et sanguinaire, au nom de la foi.

Pratiquement, cela signifie aussi, en Europe occidentale et notamment en France, que les mosquées seront conduites à proscrire le prosélytisme salafiste sous peine de se voir fermées par les autorités politiques locales, en plein accord avec les musulmans sunnites « orthodoxes », voire même à la demande.

Sur le plan international cela impliquera l’isolement total de l’Arabie saoudite et son exclusion de l’ensemble du monde musulman puisqu’elle s’est déjà coupée du chiisme (15% de la population arabique) en faisant exécuter son chef suprême local en janvier dernier.

C’est donc à court terme l’existence même de la dynastie des Saoud qui est menacée et tout l’équilibre géopolitique actuel, résolument pro-israélien, de la péninsule arabe qui est remis en cause.

Cela aura nécessairement des répercutions absolument considérables et durables dans les années à venir !

Pour ce qui est de l’élection de Trump

Si l’on s’en tient à ses propres déclarations et au profil des premiers acteurs qu’il a nommé pour son prochain gouvernement, on peut s’attendre à une nouvelle inflexion de la politique étrangère américaine vers l’abandon graduel de ce que l’on a appelé en d’autres temps la « politique du gros bâton » au profit d’une vision plus consensuelle notamment avec le monde oriental.

L’abandon du Traité Transpacifique de commerce est déjà quasiment acquis.

L’abandon du Traité Transatlantique (Tafta) ou du moins son réaménagement n’est plus à exclure.

Le rapprochement avec la Russie de Poutine est déjà revendiqué.

La grande interrogation reste la nouvelle attitude américaine vis-à-vis de la dictature de l’OTAN qui risquerait bien de se limiter un peu, au grand dam des mondialistes de Bruxelles.

C’est en fait toute la stratégie belliciste d’affrontement est/ouest, savamment mise en place par les émules d’Henri Kissinger et de Zbigniew Brzezinski depuis près de quarante ans, qui pourrait se retrouver mise en cause : jamais Trump n’aurait laissé envahir l’Irak ou la Libye !

La guerre civile ukrainienne montée par Brzezinski pour affaiblir la Russie, suivant ce qu’il a exposé dans « le grand échiquier » pourrait bien ne plus bénéficier du soutien américain et s’achever au profit du respect définitif des droits des minorités orientales russophones.

D’où d’ailleurs l’extraordinaire partition duale observée aujourd’hui des forces vives dans le monde juif :

- D’un côté les Israéliens, sionistes, pro Trump (dont la fille, convertie et mariée au fils d’un rabbin orthodoxe vit en Israël)

- De l’autre, les mondialistes essentiellement américains, de Wall Street et des institutions bancaires, massivement pro Clinton, qui continuent à fomenter, financés notamment par Georges Soros, des mouvements anti-Trump qui trouvent le plus d’écho comme par hasard dans les états où la présence de la « communauté » est la plus forte (exemple avec la Californie).

De ce point de vue, Trump pourrait, et devrait si l’on s’en tient à ses déclarations, devenir comme Poutine, un champion de l’opposition à la lutte armée programmée dans le cadre de la stratégie belliciste du « choc des civilisations » et du retour à la paix.

La grande interrogation reste alors la manière dont il pourra concilier cette volonté d’apaisement et de désengagement dans les conflits internationaux avec les désidératas et les dictats du gouvernement israélien.

Le sionisme hystérique qu’affiche Trump pourrait le conduire à des actions, ou au soutien d’actions, des plus dommageables à la résolution de la question palestinienne et de la nouvelle situation de la péninsule arabique mise au ban du monde musulman, comme à la poursuite de la nécessaire normalisation des relations avec l’Iran.

Et la première question délicate qu’il aura à trancher à son arrivée à la Maison Blanche sera celle du règlement de la question syro-turque au sujet du fameux « Kurdistan » transfrontalier en gestation, imposé jusqu’ici par Israël...

Franck ABED : En lisant le livre de Jean-François Chiappe consacré au Comte de Chambord, je suis tombé sur ce passage : « Quelques esprits curieux insinuaient que les Bourbons d’Espagne, descendants de Philippe V, avaient plus ou moins vu réserver leurs droits par la Constituante, et pourraient régner après le Duc d’Angoulême. C’est faire fi des renonciations d’Utrecht et de la pérégrinité. C’était oublier que le même Philippe V avait mené, dans sa folie, une guerre contre nous, sous prétexte d’arracher l’enfant Louis XV au Régent. Quoiqu’il en soit, il ne s’agissait que de propos tenus par une poignée d’honnêtes érudits hors de prise avec la réalité  ». Qu’en pensez-vous  ?

Claude TIMMERMAN : Je suis fatigué de ces éternelles histoires de querelles dynastiques ineptes qui reviennent toujours sur le tapis !

Cela fait bientôt cent cinquante ans que le royalisme, en France, est empoisonné, paralysé, immobilisé voire anéanti par ces histoires...

Ce sont les idéologues ripoublicains qui doivent bien rigoler pendant ce temps là !

La vraie question de fond, la première, c’est celle de la première Loi Fondamentale du Royaume :

« Le roi ne meurt pas en France »

Deux édits de Charles VI en 1403 et 1407, s'inspirant de la saisine héréditaire du droit privé (selon lequel « le mort saisit le vif »), instaurèrent l'instantanéité de la succession, d’ailleurs effectivement respectée jusque là, selon laquelle le titre de souveraineté se transfère immédiatement au moment de la mort du monarque précédent.

D’où le fameux cérémonial qui se déroulait lors de la proclamation officielle de la mort du roi où devant la cour assemblée en grand deuil, le Grand Chambellan, seul arborant son costume d’apparat (marque du déni de deuil) annonçait :

« Le Roi est mort  » et se tournant vers son successeur, présent, ajoutait aussitôt en le désignant : « Que vive le roi ! ».

C’était là l’expression de la continuité monarchique.

Or, hormis l’hypothétique descendance, non prouvée, d’un supposé Louis XVII sorti du Temple et non alors décédé, il faut admettre qu’après le décès sans postérité du Comte de Chambord, il n’existe plus de lignée légitime directe.

De ce fait, que cela plaise ou non, il faut bien admettre qu’aujourd’hui « le Roi est mort en France ».

S.A.R. le Prince Sixte Henri de Bourbon-Parme souligne très justement à ce sujet :

« C’est la continuité qui crée la légitimité et non pas l’inverse. »

De ce fait, il n’existe plus après la mort du comte de Chambord (1883) d’héritier légitime de la couronne de France, au sens de la continuité dynastique.

Alors on peut retourner le problème dans tous les sens et faire valoir toutes les arguties juridiques savamment distillées par les champions de tel ou tel prétendant à la couronne : il n’existe plus après le décès du comte de Chambord d’héritier respectant cette Première Loi Fondamentale.

Le roi est effectivement mort en France et de ce fait aucun prétendant n’est aujourd’hui « légitime » au sens premier du terme.

Le reste, tout le reste, n’est que littérature !

Il importe de souligner que la monarchie royale est d’abord un système politique de gouvernement.

Un système qui va s’incarner dans une personnalité donnée, certes, mais c’est le principe qui prime sur l’homme, et non pas l’inverse.

On oublie trop que les dynasties royales, en France comme ailleurs ont toujours procédé initialement d’une élection par des représentants, considérés comme légitimes, des œuvres vives de la nation concernée.

Ce n’est qu’ensuite que ce roi, élu, a conduit à une continuité dynastique.

La grande particularité de la monarchie française est d’avoir vécu sous le régime d’une même dynastie durant 1000 ans : les Capétiens.

Ceci n’a existé nulle part ailleurs où diverses dynasties se sont succédées...

En France, on a totalement oublié, si ce n’est volontairement occulté, ce fait historique fondamental dans la quête aléatoire d’un prétendant « légitime » : une dynastie se débute, se poursuit, s’achève...et se remplace par une autre...

De ce fait, on exclue aujourd’hui totalement, dans l’hypothèse d’une restauration de la royauté, que le bon sens, le sens de l’histoire et de l’authentique respect de la tradition de la royauté, dicterait : l’instauration d’une nouvelle dynastie ! 

Comme le souligne le Prince Sixte Henri que je n’hésite pas à citer à nouveau ici :

« La Tradition n’est pas le conservatisme  ! »

Il n’est simplement pas imaginable d’ailleurs de supposer un instant dans notre siècle qu’une telle restauration puisse se faire sans un vaste consensus national qui est peut être, lui, beaucoup plus proche que certains - qui veulent le nier - ne le supposent d’après certains sondages aux résultats pourtant récurrents qui montrent que près de 50% des Français envisagent favorablement l’idée monarchique : « Un roi ? Pourquoi pas ! ».

Mais soyons très clairs, dans l’hypothèse d’une restauration monarchique on sera, aujourd’hui, face paradoxalement à deux ennemis aussi implacables l’un que l’autre : les royalistes ... et l’Eglise !

Franck ABED : Merci de votre réponse. Cependant comment expliquez-vous cette phrase qu’aurait prononcée le Comte de Chambord : « Que le Comte de Paris ait ou n’ait pas reconnu auparavant le droit dans ma personne, moi mort, il est l’héritier du droit et, sachez-le, la légitimité l’enserrera et il sera aussi légitime et aussi légitimiste que moi. »  ?

Claude TIMMERMAN : La France présente une particularité historique très spécifique : celle d’avoir eu le premier roi sacré par l’Eglise ! En l’occurrence ce fut le sacre de Pépin le bref.

Ce fut le premier roi de la dynastie carolingienne, fondée d’ailleurs sur un coup de force, approuvé par le pape Zacharie à l’encontre du dernier souverain « légitime » mérovingien qu’il a allègement trahi : Childéric III, déposé fin 751 par Pépin avec l’assentiment du pape.

Pépin est sacré une première fois en mars 752 par une assemblée d'évêques du royaume des Francs réunie à Soissons et sans doute conduite par l'archevêque de Mayence, Boniface.

Le dimanche 28 janvier 754, il est sacré une deuxième fois à Saint-Denis par le pape Étienne II (le successeur de Zacharie) qui donnera aussi l'onction à ses deux fils, et bénit son épouse Bertrade (ou Berthe) de Laon.

(Le premier monarque français à être couronné et sacré dans la cathédrale de Reims sera Louis le Pieux en octobre 816)

Cette caution du pape à la monarchie carolingienne, par le sacre, a une importance considérable autant historique que religieuse et scellera pour plus de mille ans l’alliance du Trône et de l’Autel...

Une alliance qui sera précisément dénoncée dès après le décès du comte de Chambord par le pape Léon XIII renvoyant là l’ascenseur aux républicains maçons qui avaient permis son élection lors du conclave de 1878 où la France laïcarde eut le culot de faire porter « en vertu du privilège régalien ancien » le droit d’exclusive à l’encontre du cardinal Bilio !

Il y aura d’abord un galop d’essai avec le fameux « toast d’Alger » porté en 1890 par le cardinal Lavigerie, primât d’Afrique, puis l’encyclique « Au milieu des sollicitudes » de 1892 qui imposera aux catholiques de rallier la république...

Le comte de Chambord n’était pas mort depuis dix ans que l’Eglise affichait haut et fort sa trahison définitive de la monarchie... et condamnait à court terme toute perspective de Restauration en France !

Nombre d’ecclésiastiques connaissaient ce revirement de l’Eglise qui couvait déjà, depuis le concile de Vatican I et la confiscation des Etats Pontificaux par l’état italien en cours d’unification, notamment sous l’influence du très progressiste et gallican Mgr Darboy, l’archevêque rouge qui finira pourtant fusillé par la Commune de Paris....

Le comte de Chambord ne pouvait ignorer ce revirement de l’Eglise. La rémanence de cette idéologie nouvelle anti-royale dans la catholicité romaine tout au long des années 1870 explique la position expectative du comte et son attitude dilatoire alors que trois opportunités politiques de restauration s’y présentèrent, et qu’il aurait disposé au départ d’une majorité toute acquise à sa cause au parlement...

Il portait une responsabilité écrasante : celle de restaurer un régime, par essence dynastique, alors que lui-même n’avait pas de postérité.

Restaurer la monarchie impliquait donc fatalement de faire transmettre, à sa mort, la légitimité à la branche cadette. C’est ce qu’il énonce dans la citation que vous me soumettez.

De cela il était pleinement conscient, ce qui explique qu’il ait finalement renoncé à une aventure qui aurait conduit à sa mort à mettre sur le trône un prince qui n’aurait eu ni l’assentiment populaire, ni l’assentiment du parlement violemment hostile aux Orléans, donc à court terme un échec politique évident et irréversible.

C’est ce transfert dans la légitimité parce qu’à sa mort cela traduisait une continuité dont le comte de Chambord n’a pas voulu se rendre complice...

C’est cette légitimité putative qui a conduit alors à la création de l’Action Française et au développement du royalisme politique orléaniste dont des gens comme Léon Daudet ou Charles Maurras sont les porte-paroles brillants...

Un mouvement politique royaliste d’envergure était né qui occupera toute la première moitié du XXème siècle.

Et bien entendu, si Benoît XV n’avait pas eu le temps de le sanctionner à cause de la guerre, même si ses sentiments étaient clairs sur la question, son successeur Pie XI n’aura rien de plus pressé que de condamner l’Action Française et d’aller jusqu’à l’excommunication de ses acteurs, voire de ses sympathisants les plus notables !

Cela étant il n’est pas inutile de revenir à ce stade sur l’affaire du cœur de Louis XVII...

Au-delà des doutes émis sur la provenance et la nature véritable de ce cœur, analysés avec autant de rigueur que de talent par l’historien Philippe Delorme qui est plus que sceptique, on peut s’interroger sur les motivations qui ont conduit le monde légitimiste, sous la conduite de l’IMB, à faire accréditer cette thèse et à l’avérer en faisant enterrer ce cœur à la basilique Saint Denis !

Pour ma part je n’ai jamais compris que les « légitimistes » aient pris ce risque : dans d’autres domaines on appelle cela « se tirer une balle dans le pied » !

Je le dis sans ironie...

Accréditer ainsi la mort de Louis XVII enfant, chose jusque là jamais définitivement confirmé sur un plan strictement historique, conduisait immédiatement à laisser assoir la légitimité dynastique de la branche cadette Orléans, ce qui était précisément évoquée déjà plus d’un siècle auparavant par le comte de Chambord !

Franck ABED : Les primaires de la droite et du centre ont démontré l’incapacité des catholiques à peser sur le jeu démocratique, à s’organiser et à être efficaces. En choisissant le candidat Poisson qui n’avait aucune chance de gagner, tout le monde a pu constater que le vote catholique ne représentait rien. Comprenez-vous cette faculté chronique des catholiques à faire les mauvais choix ?

Claude TIMMERMAN : Je vous trouve un peu injuste là !

Le vote Poisson n’a rassemblé qu’une infime fraction des électeurs pouvant se revendiquer de la mouvance catholique, même si les « poissonnistes » ont fait un forcing incroyable sur tous les blogs et les média proches de la Tradition et des royalistes.

L’immense majorité des catholiques ont tenu à peser sur ces primaires avec un vote utile, même si hélas nombre d’entre eux ont voté...pour Sarkozy !

Voter Poisson était évidemment un vote stupide et contre productif contre lequel je me suis battu avec la dernière énergie au nom de l’efficacité, mais aussi des principes.

La première question, la seule qui personnellement m’a posé un réel problème, a été la signature de la « charte des valeurs ».

Je m’étonne de ce que personne n’ait soulevé cette question pourtant essentielle : je ne crois pas qu’un catholique puisse « adhérer aux valeurs républicaines », et encore moins un royaliste.

Signer un tel manifeste était donc un réel problème de conscience, le seul d’ailleurs dans cette primaire.

Mais quand les gens des partis de gauche encourageaient leurs troupes à aller y voter, on comprenait mieux cette évidence : les engagements des électeurs ne valent que pour les appareils politiques qui les reçoivent, tout comme les promesses électorales, à l’inverse n’engagent que ceux à qui elles sont faites...

Cela étant dit, il était évident que le but du jeu, dans une primaire est de sélectionner le candidat qui a des chances, et non pas celui qui vous plait en sachant pertinemment que se serait sans effet.

La primaire n’est pas l’élection présidentielle et voter pour un candidat, s’il se trouvait par miracle finalement retenu, qui se ferait éliminer dès le premier tour de la véritable élection est non seulement sans efficacité, mais à la limite serait criminel !

Le contexte actuel semble indiquer, et chacun devrait s’en réjouir, que la gauche maçonnique, dogmatique et laïcarde n’a aucune chance de figurer au second tour.

La présence de Poisson, par son inanité, pouvait suffire à retourner cette situation.

Et ne nous plaignons pas : nous avons pu, de justesse, éviter Hervé Mariton !

De quoi éparpiller un peu plus des voix déjà inutiles !

Les électeurs, dont de nombreux catholiques, ne se sont pas laissé piéger et ont massivement voté utile pour rejeter les chats noirs : Sarkozy comme Juppé, imposés par les états-majors politiques.

En ce sens, ils ont su faire preuve d’une réelle maturité politique : ils n’ont pas fait le mauvais choix en contribuant à faire passer Fillon qui sans être le modèle souhaité était, sinon la meilleure, la moins médiocre des options offertes.

Il reste quelques dizaines de milliers d’électeurs se revendiquant catholiques, idéalistes, fanatiques ou inconscients (au choix, ou les trois à la fois) qui n’ont pas compris l’enjeu, ont voté Poisson et s’en glorifient...

C’est encore plus dommage pour les personnalités catholiques, laïcs comme religieux, qui ont encouragé ce choix, montrant ainsi leur non capacité d’analyse et perdant pour des années leur crédibilité.

De ce fait, pour le plaisir d’exister et de se faire remarquer, ils baptisent « vote catholique » leur propre option qui n’est pas même représentative de l’électorat des catholiques en général...

C’est un problème récurrent qui conduit évidemment à penser en terme numérique et qui amène à dire que « le vote catholique ne représente rien ».

En ce sens, ces gens-là contribuent à minimiser et à faire déconsidérer le monde catholique.

Il faut en être conscient !

Tout le programme de Poisson tournait autour de la question de la famille et de l’avortement.

Le reste était pratiquement éludé ou traité d’une façon primaire sinon infantile.

Il y avait pourtant des choses essentielles à stigmatiser et à défendre, par exemple :

- la lutte contre l’immigration

- la liberté de l’enseignement

- la lutte contre le laïcisme

- l’abrogation des lois liberticides et mémorielles

- la dissolution des milices communautaristes

- la sortie de l’OTAN

- le référendum sur le « frexit »

etc...

On ne construit pas un programme électoral présidentiel crédible sur aussi peu d’éléments autant controversés que la loi Taubira ou l’avortement.

On peut l’imaginer au niveau de l’élection d’un député ou d’un sénateur, mais certainement pas au plus haut niveau de l’état !

Le résultat de la primaire a été à la hauteur de ce constat.

Et comme vous le soulignez, c’est une propension récurrente...

Espérons seulement, sans trop y croire, que cette n ième manifestation de l’inutilité des options promues par cette catholicité servira enfin de leçon pour les vraies élections présidentielles...

Franck ABED : En 2016 le royalisme intellectuel et politique (toutes tendances confondues) a brillé par son incapacité à se faire entendre et à peser sur les débats de notre temps. Avec la présidentielle de 2017 les royalistes ont-ils une chance de faire entendre leurs voix ou resteront-ils dans la marginalité  ?

Claude TIMMERMAN : Je n’y crois pas du tout, d’autant qu’il n’y a pas de candidat de sensibilité royaliste en course...

A part peut être, car il a clairement déclaré sa sympathie pour l’idée royale et son respect pour la monarchie : Emmanuel Macron !

De toute manière on parle d’une élection présidentielle, donc les royalistes ne devraient pas y prendre part.

Cela étant, le péril que représente la gauche dogmatique, maçonnique et laïcarde est tel aujourd’hui que chacun doit contribuer à essayer de l’écarter : « tout sauf Valls ou Peillon ! » doit être le nouveau mot d’ordre électoral comme l’a été aux primaires « Tout sauf Sarkozy ou Jupé ! »

C’est un devoir aussi pour les royalistes.

Franck ABED : Etant donné que le royalisme politique ne représente pas grand chose, comprenez-vous que les royalistes voulant agir pour leurs idées et la France décident de rejoindre Les Républicains ou le Front national  ?

Claude TIMMERMAN : Bien entendu, nous n’avons guère le choix si voulons exister.

Il faut cependant souligner que le Front National version Marine / Philippot n’a plus grand-chose à voir avec le Front National historique JMLP / Gollnisch.

Voter pour le Front National aujourd’hui soulève bien des questions !

Cependant, une fois de plus, dans le contexte où nous nous trouvons, nous n’avons pas la capacité de faire élire un « meilleur candidat » en accord avec nos valeurs et nos idéaux.

Alors contribuons au moins à éviter le pire en contribuant à l’élection d’un « moins mauvais ».

Et il semble que le Front National, même avec Philippot soit encore le « moins pire » du lot !

 

Propos recueillis le 11 décembre 2016




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