mardi 5 janvier 2010 - par Furax

Come back Africa

Il a suffi d’un film. Un petit film de rien du tout sur Arte.

"Echos du fleuve  Sénégal"

Simple. Magnifique. Chaleureux.

Avec le grand rire, l’humanité profonde des africains face à quelques blancs intelligents et passionnés. El la « nostalge » est revenue en boulet de canon.

J’ai retrouvé un texte  datant de l’époque où nous revenions en Gaule, ma famille et moi.

Je vous le livre tel quel, sans changer une virgule.

Ce n’est ni une énième lamentation, ni une fine analyse politique, ni un constat économique.

Un cri du cœur.

L’Afrique

Elle est notre matrice. A tous.

Elle ne doit pas mourir. Si c’était le cas, nous serions condamnés.

Tous.

L’Afrique est le cordon ombilical qui nous unit aux Dieux. Elle est mère de la JOIE.

La joie, c’est la beauté qui explose. T’es plus là, t’es plus toi, on est tous, on est un, il n’y a plus rien, il reste la musique du monde !

Les orientaux sont bosseurs. Cherchent le nirvana. Ils y parviennent de temps à autre en se tapant une palanquée d’exercices.

Nous aussi, on travaille. On a des hardis travailleurs de l’âme, les Saints, les grands mystiques qui, parfois, se carbonisent dans l’ultime lumière.

L’ Africain parvient à ça de la petite enfance à la mort, à coup sûr et en chœur. Des mains qui claquent la peau d’un tambour, les pieds martèlent le sol et c’est parti !..

Tu peux l’envoyer au loin sur tes galères, Satchmo trouvera bien une trompette pour faire swinguer la planète.

C’est la joie instantanée, totale.

Qui n’a rien à cirer du rang social, de l’âge, de l’état de santé.

Si le tambour bat, le ministre danse avec le clochard, le vieillard avec le bambin, la donzelle avec l’unijambiste (eh oui, ils dansent sur une jambe).

Et ça danse juste, la roue cosmique tourne, ensemble, toujours ensemble, des heures et des heures, des nuits durant. Quelquefois, le dieu répond à l’appel et un danseur se prend la transe. Ca n’arrête rien, le tam-tam résonne dans l’Univers, fait tourner autour de lui les cycles de l’harmonie joyeuse.

Rien à voir avec l’enfermement autiste de ces gosses abrutis de « techno ». Avec la sensualité rapace du tango argentin ou le narcissisme égotique de la valse viennoise.

Nous, on cherche le bonheur. Comme des morts de faim.

Dis monsieur Flaubert, c’est quoi le bonheur ?

« Ëtre stupide, égoïste et jouir d’une bonne santé sont les trois conditions nécessaires pour être heureux ».

L’Africain danse la joie .

Elle met en jeu la partie à la fois la plus haute et la plus profonde de soi-même, celle qui ne vieillit pas, qui est insensible à la fatigue, qui n’est jamais malade, qui danse, même chez l’unijambiste.

Qui est là chez le nouveau-né et qui ne meurt pas !

Elle met en jeu plus que soi même. Elle est le fruit des Dieux, doit être partagée avec eux, avec les ancêtres, avec l’Invisible qui nous crée.

La transcen-danse.

Elle est collective. Accessible à tous, tout de suite. Personne n’est spectateur, on ne regarde pas, on danse.

Pauvres fils handicapés de Freud et de Marx, admirons et essayons de les protéger, c’est tout ce qui nous est permis.

Senghor a dit quelque chose comme :

« A quoi sert-il de vivre si c’est pour ne pas DANSER L’AUTRE » ?

S’ils meurent, le tambour ne battra plus. Nos cœurs non plus.

J’ai vu mourir des hommes sous le ciel africain. C’est curieux mais ce que j’ai ressenti devant la mort n’avait rien à voir avec mes sentiments dans la même situation, ici, en Europe.

Il y a, dans l’air ? Sur le visage de ceux qui sont présents ? Une impression d’irréalité, un déni de disparition.

Pour aucun Africain la mort ne signifie la fin, le néant.

Ca, c’est vraiment une « connerie de blanc ».

Il n’y a même pas à réfléchir, ça va de soi. Le défunt va partir, c’est triste, comme tous les départs. On va le pleurer et le fêter mais très vite, la conversation avec lui et tous les autres va reprendre.

Conviction profondément ancrée, qui ne se discute même pas, qui s’éprouve par l’expérience (iboga, vaudou, transes et danses rituelles, rêves) et qui donne une toute autre perspective à l’existence que notre pauvre petit saut dans le vide.

Décrété par des « intellectuels » qui ont lu des livres.

Et qui, bien souvent, au dernier moment, font dans leur pantalon et envoient chercher le curé.

Dans le deuil africain la joie est toujours présente ;

Que dire de nos hôpitaux nos morgues et nos églises !

Chaque Africain sait, au plus profond de lui-même ; qu’il vient du règne de l‘Esprit. Qu’il passe dans ce corps pour jouir de la vie, la propager et la danser. Ensemble, jamais seul. Et qu’il rejoindra, le moment venu ; tous les ancêtres présents, passés et à venir.

Et qu’il n’a rien à foutre du PIB.

Il y a, chez les Africains, quand ils vivent, dansent, aiment, et même quand ils tuent, une distance au monde, qui laisse toujours sa place au rire.

Chaque Européen est de plus en plus conditionné à croire qu’il est un morceau de viande sorti du néant par hasard et y retournant après un bref tour de piste.

Faut quand même pas trop s’étonner si les uns se marrent comme des billes alors que les autres tirent des tronches de pot de chambre style métro à huit heures du matin.

Le morceau de viande veut toujours avoir l’air frais. Ferme, la peau tendue. Les lèvres gonflées comme des pompes à bites.

Ne pas penser à la pourriture, à la fin. Ni en parler c’est d’un vulgaire !

Ne pas penser du tout, c’est encore bien mieux.

Compter.

Pour terminer une petite citation de Yannick Noah (à Nouvelles Clés)   N.C. : Comment ressentez-vous cette crise mondiale que nous vivons ?
Y.N. : Encore une fois, je crois que c’est une crise spirituelle. Je ne ressens pas la "crise" quand je suis en Afrique. Je crois que c’est d’abord un problème occidental, et mondial compte tenu de l’influence de l’économie et du pouvoir de l’Occident. Les gens, les jeunes ne croient plus à rien. Ils rêvent. La télé, la femme, les gosses, le job… Il n’y a plus rien. On a un métier, on rentre à la maison, et on se dit je n’ai rien. Moi, je rentre de Roland Garros, je gagne un match : je n’ai rien, rien par rapport à cette pauvre femme que j’ai rencontré lors d’une visite dans un hôpital au Mozambique, à qui on avait amputé les deux jambes. Elle m’a regardé droit dans les yeux et elle m’a souri. En Afrique on n’a pas peur de la mort. Ils ont la foi. Une petite cure d’humilité.

Et une petite dernière, pour la route. Une phrase prononcée par Nelson Mandela pendant son discours d’investiture :

"Nous naissons pour révéler la gloire de Dieu qui est au fond de nous…"



6 réactions


    • Vladivostok 1919 Vladivostok 1919 5 janvier 2010 14:08

      J’ai aussi noté « Il n’y a même pas à réfléchir, ça va de soi. » qui semble aussi bien représenter l’état d’esprit de l’auteur.


    • Furax Furax 5 janvier 2010 18:11

      Et je vous la dédie avec plaisir, ainsi qu’au comique qui suit. C’est du sur mesure !


  • chapichapo 5 janvier 2010 14:41

    L’Africain danse la joie .

    J’hésite à vous mettre la photo d’une petite fille qui danse la joie après son excision...

    j’hésite à vous mettre l’image de joie d’un noir albinos découpé pour en faire des amulette et améliorer la pêche...

    J’hésite à vous mettre un africain qui danse la joie un pneu en flamme autour du cou...

    j’hésite à vous mettre la photo d’un rwandais qu’un groupe jovial de soldat fait danser la joie à coup de machette...

    J’hésite à vous mettre la photo d’une bébé d’un moi violé en afrique du sud par un séropositif pour se guérir du sida...

    J’hésite à vous mettre l’image des lynchage de « voleur de penis », ces hommes qui par sorcellerie réduisent le penis de ceux à qui il sert la main...





    • Furax Furax 5 janvier 2010 20:16

      Désolé chapichapo, mon commentaire s’adressait aux deux autres clowms. Le diaporama que vous nous proposez est celui que nos médias nous VENDENT. Rien de faux bien sûr. ..Mais, je vous l’assure, l’Afrique est autre. Je vous souhaite de vous y rendre les yeux grands ouverts.


    • chapichapo 5 janvier 2010 20:37

      J’avoue ne pas avoir une grande passion pour ce continent et l’histoire de ces peuples.

      Mais il est vrai que, la vision miserabiliste m’exaspère autant que l’angélisme sur la bonté africaine...
       

    • Oceane 7 mars 2010 17:53

      Le boulot serait donc la marque déposée du Blanc ?


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