Comment les mollahs gèrent-ils la crise iranienne ?
Les États-Unis ont appelé à des négociations directes et indirectes avec l’Iran par le biais du secrétaire d’État Mike Pompeo, du sénateur républicain et membre de la commission des relations étrangères du Sénat Rand Paul dans une réunion avec Javad Zarif, Ministre iranien des affaires étrangères, le mois dernier à New York. Mais toutes les demandes ont été rejetées par le régime des mollahs iraniens. Pour autant, cela ne veut pas dire que les mollahs refusent les solutions politiques et préfèrent la voie militaire.
La stratégie du régime iranien est bien d’aller le plus loin possible dans la mise en œuvre de la politique de la corde raide. Ils continuent à jouer avec le feu contre le gouvernement de Trump tout en gardant le cap sur la crise afin qu’elle ne dérape pas.
De temps en temps, ils envoient des signaux occasionnels pour confirmer le désir d’une solution politique. L’un de ces signaux est l’appel lancé par le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif au président américain Donald Trump, de rejeter ce que Zarif a appelé la « soif de guerre » du conseiller américain pour la sécurité nationale John Bolton.
Zarif a égalé la diplomatie avec la prudence, « pas la faiblesse, » dans une sorte de message codé adressé au président américain que le régime iranien acceptera une solution politique après que ce dernier s’est mis dans le pétrin et a fait tomber un drone américain. Cela signifie clairement que les mollahs craignent la guerre. Mais, ils refusent néanmoins de négocier avec les conditions et les données actuelles.
La question est donc de savoir pourquoi le régime des mollahs n’accepte pas encore les appels au dialogue tant qu’il craint la guerre et négocie un moyen de sortir de la crise.
La réponse est simplement que ce qui se passe à ce stade est un conflit politique de volonté.
Le Président Trump et les mollahs essaient de renforcer leur position et d’améliorer les conditions des négociations en atteignant le maximum de bellicisme et de menaces, en drainant les énergies de l’autre et en les mettant en alerte.
Les mollahs ne sont pas pressés non plus. Le mal est déjà fait puisque l’économie iranienne est au bord de la faillite ; il ne sert donc à rien de faire des concessions à ce stade. Par conséquent, ils considèrent la résilience et la menace d’une escalade militaire suicidaire comme une carte forte susceptible de pousser la Maison-Blanche à revoir ses calculs et changer son positionnement politique.
Pour sa part, le président Trump parie que la crainte d’un effondrement économique amènera le Guide suprême iranien à se livrer et à avaler l’appât comme il l’a fait auparavant quand il perçoit un grand danger.
Sur cette toile de fond, comment les deux parties vont-elles se porter ?
Si l’on essaie de comprendre leur gestion de crise, il semble logique que les deux parties s’efforcent d’être prudentes, d’éviter les malentendus et l’escalade si la situation s’enlise dans une spirale de tension.
La tension peut soudainement venir avec une décision de l’une des parties, comme dans la crise de l’abattage du drone américain Global Hawk. Cette fois-ci, la Maison-Blanche a su contrôler ses instincts et a réussi à promouvoir sa position politiquement de restreinte pour éviter qu’il n’y ait des victimes civiles iraniennes. La Maison-Blanche a alors établi une nouvelle règle d’engagement, à savoir qu’il y ait des pertes américaines dans toute attaque iranienne.
La partie iranienne fait de même. Il faut savoir que les milices des Gardiens de la révolution ont reçu plusieurs frappes militaires en Irak et en Syrie. Il n’y a pas eu de réaction immédiate.
La confrontation entre les États-Unis et l’Iran ne se limite pas aux eaux du détroit d’Ormuz, mais se déroule en Irak, en Syrie et au Yémen. Ces champs de bataille sont peut-être plus importants et plus prioritaires pour les Américains que ce qui se passe dans les eaux du Golfe.
Les États-Unis cherchent à limiter la capacité du CGRI de menacer la sécurité d’Israël. Cet objectif, me semble-t-il, est plus que d’autres objectifs stratégiques tels que réduire la menace de l’Iran pour la navigation maritime dans le Golfe. Ce dernier est un objectif international partagé par toutes les puissances régionales et internationales concernées, tandis que mettre fin ou réduire la présence de l’Iran en Syrie en Irak est un objectif prioritaire pour les États-Unis.
En fin de compte, le régime des mollahs se rend compte qu’il a peu de temps pour régler sa crise par la voie politique. Le temps disponible pour ce faire prendra fin avec l’élection présidentielle américaine, après laquelle le président Trump, s’il remporte un second mandat comme il est attendu, sera libre de toute contrainte ou promesse électorale. A cette échéance, la décision de lancer une frappe militaire pour soumettre les mollahs sera plus facile qu’aujourd’hui.
Ainsi, le succès de la Maison-Blanche à pérenniser des sanctions de plus en plus sévères contre l’économie iranienne jusqu’au début de l’année prochaine poussera les mollahs à se raviser et à accepter les négociations. La condition pour cela est que le scénario soit bien présenté de sorte que le régime ne se mette pas dans l’embarras devant ses partisans, au pays comme à l’étranger.