mercredi 21 mai 2014 - par Fab81

Construire une alternative de gauche à l’union oligarchique européenne

Conservateurs, libéraux et socio-libéraux feignent de s"opposer pour le contrôle politique de l'Union Européenne. Mais cette comédie ne trompe plus grand monde, tant il est devenu évident que ces forces défendent les mêmes idées, les mêmes valeurs et les mêmes intérêts. Face à ce sytème destructeur, le mécontentement est profond, comme on l'a vu lors du référendum de 2005. Mais la colère seule ne suffira pas à abattre la domination de l'oligarchie européenne : il faut construire une alternative. Malgré toutes les limites de l'exercice, les européennes peuvent être une première étape.

A l'instar du monde de la finance que dénonçait hypocritement François Hollande, cet adversaire là n'a pas de nom, n'a pas de visage. Il n'a pas de parti, il en a plusieurs qui feignent de s'opposer pour mieux contrôler les votes. Il présente bien des candidats, qui sont presque toujours élus. Il gouverne, sans partage. Cet adversaire, nommons-le Union Oligarchique Européenne. L'Union Oligarchique Européenne (UOE) impose sa loi et ses modes de fonctionnement à l'Union Européenne à tel point qu'on est parfois tenté de les confondre.

L'UOE ne se limite pas au domaine politique, elle impose aussi son hégémonie dans les grandes entreprises et les médias, qui se chargent de diffuser ses idées. L'UOE n'a pas besoin de comploteurs se réunissant en grand secret dans quelques arrière salle obscure. En son sein, le consensus s'établit de façon spontanée. L'UOE est une structure très fermée. Elle peut toutefois à l'occasion faire coopter en son sein certains de ses adversaires les moins scrupuleux, excellente façon de les neutraliser.

 L'UOE n'est pas monolithique. Il peut y avoir des nuances en son sein. Des conflits d'intérêt, parfois violent,s peuvent l'agiter. Le commun ne les entrevoit que très rarement. En revanche, on met volontiers en scène à son intention des oppositions purement factices. Ces simulacres sont destinés à faire oublier que l'UOE sait toujours se retrouver quand l'essentiel.

La comédie jouée par la branche politique de l'UOE en apporte un excellent exemple. PPE, PSE et ALDE feignent de s'opposer pour prendre la tête de la commission européenne à l'issue des élections européennes. Pourtant, au parlement européen, le PSE vote plus souvent avec ses compères du PPE et de l'ALDE qu'avec les forces de gauche. idem pour les conservateurs du PPE, plus souvent en accord avec le PSE qu'avec les nationalistes. Fort logiquement, les trois compères se sont déjà entendus pour se partager le gâteau des responsabilités politiques européennes, et notamment désigner d'un commun accord le président de la commission. Aucune surprise, ils font cela depuis fort longtemps déjà. En France, leurs succursales sont l'UMP, l'UDI/Modem, et le PS.

Les démonstrations de la complicité qu'entretiennent les membres de l'UOE sont légion. Le référendum de 2005 en a apporté une excellente démonstration, seul exemple de mise en échec du système oligarchique (on y reviendra). Autre exemple récent : l'Ukraine. L'UOE, on s'en doutait, défend l'agenda impérialiste. Elle le fait avec un acharnement et une mauvaise foi qui laisse médusés les observateurs indépendants. On notera par ailleurs que les écologistes joignent ici leur voix à l'UOE.

Pas tout à fait intégrés à l'UOE, mais encore moins en opposition face à elle, la position de ces derniers est quelque peu incertaine. Certains sont franchement partie prenante du système oligarchique, à l'instar d'un Daniel Cohn-Bendit, qui y jouait avec un indéniable talent le rôle du bouffon. D'autres furent opposants mais ont été promptement domestiqués. C'est le cas d'un Jose Bové, ancien altermondialiste devenu partisan fanatique de l'euro-libéralisme. Ce nouveau chien de garde a été tout particulièrement dressé par ses maitres à aboyer contre un Jean-Luc Mélenchon, avec qui il partageait naguère les estrades du NON au TCE. On a de l'humour à l'UOE...

D'autres écologistes sont moins compromis, mais l'ensemble ne fait pas une force d'opposition constante et cohérente à l'oligarchie européenne. L'UOE peut à l'occasion compter sur l'aide, bien involontaire, de certains de ses adversaires. Ainsi, ceux qui appellent à l'abstention aux élections européennes. Mécaniquement, le poids de l'UOE s'en trouvera renforcé. Et c'est mal la connaître que croire qu'un taux d'abstention aussi massif soit-il pourra la faire douter si peu que ce soit. L'autocritique n'est pas son fort et il faudra bien plus que des bureaux de vote désertés pour bousculer l'UOE.

Certains débat mal posés aident aussi grandement l'UOE par leur pouvoir de diversion. Pendant que les ennemis de l'oligarchie (et quelques autres avec eux) s'écharpent pour savoir s'il faut ou non sortir de l'euro, qui songe à replacer dans le système oligarchique dont il n'est qu'un des multiples outils ?

Les adversaires de l'UOE sont faibles et divisés, le système oligarchique fort et uni. D'où vient alors le miracle de 2005 ? L'arrogance et les invectives de l'oligarchie ont bien aidé les adversaires du traité. Face au rouleau compresseur politco-médiatique, les citoyens ont été poussés à s' approprier le débat, à bousculer les fausses certitudes, et l'ont fait magistralement.

L'exploit, hélas, n'a pu être renouvelé. A gauche, les forces opposés à l'oligarchie sont retournées à leur querelles de chapelle. Le Front de Gauche tente de reprendre ce combat. Mais le chemin est encore long. Il faudra encore bien des efforts pour saisir la nature de l'ennemi, pour oser le nommer, pour trouver le courage de refuser quel qu'en soit le prix de passer avec lui des compromis boiteux.

Sur ce dernier point, certains sont tentés d' utiliser les ressources, notamment politiques, de l'adversaire oligarchique pour réussir à survivre en espérant les utiliser contre lui le moment venu. Cette stratégie se heurte à deux obstacles majeurs. D'une part, elle demande une grande force de caractère pour ne pas se laisser circonvenir. D'autre part, elle risque fort de semer le trouble et la confusion dans l'esprit des citoyens hostiles à l'UOE, qui ont grand besoin de clarté et de franchise.

La bataille contre l'oligarchie est politique, mais elle est aussi culturelle et sociale, se place sur le terrain des idées. Les moyens de l'adversaire sont colossaux. Les citoyens libres ne réussiront pas dans leur combat sans inventer sur ce terrain des formes inédites d'unité, d'organisation, et de solidarité. Il y a urgence !



18 réactions


  • eric 21 mai 2014 10:25

    Oui, il y a urgence, d’autant que le scrutin se déroule dans moins d’une semaine... !

    Du coup, on en vient a se demander ou vous étiez et ce que vous faisiez dans les 50 dernières années avant de vous réveiller subitement ?
    Soit vous construisiez déjà l’alternative et alors, c’est clair, il faut changer d’analyse et de méthodes. Soit vous appeliez déjà a la construire sans rien faire de concret et on ne voit pas que ce nouvel appel change quoi que ce soit.
    Dans les deux cas, n’avez vous pas le sentiment d’être un peu inutile a répéter en boucle les mêmes trucs sans conséquences aucunes ?


  • BA 21 mai 2014 10:56
    Depuis mai 1974, la France est devenue un laboratoire.

    Depuis mai 1974, les Français votent pour des savants fous.

    Depuis mai 1974, les savants fous de gauche, les savants fous de droite, les savants fous du centre font une expérience : la construction européenne.

    En France, des savants fous veulent continuer l’expérience européenne, en nous expliquant que cette expérience va nous apporter la croissance économique et le progrès social.

    Mais 40 ans plus tard, les Français commencent à comprendre le résultat de cette expérience : cette expérience a complètement foiré.

    Le résultat de l’expérience est exactement le contraire de ce qui avait été prévu par les savants fous.

    Aujourd’hui, si les Français ne veulent plus servir de cobayes à ces savants fous, ils peuvent virer les savants fous qui dirigent la France depuis 40 ans.

    - Les Français peuvent arrêter cette expérience de tarés.

    - Les Français peuvent sortir du laboratoire des savants fous.

    Sortons de l’Union Européenne !


  • Diogène diogène 21 mai 2014 11:17

    Vous écrivez :


    « A gauche, les forces opposées à l’oligarchie sont retournées à leur querelles de chapelle. »

    C’est bien pire : elles vont de renoncement en renoncement, de compromission en compromission pour conserver les quelques positions de notables assises sur un clientélisme provincial et quelques sièges dans les collectivités locales et les chambres parlementaires.

    Et puis qui sont ces forces de gauche ?
    Ça devient compliqué Il ya des forces de gauche pro oligarchie (la majorité, c-a-d le PS
    et des forces de droite (et extrême-droite) anti oligarchie (FN et souverainistes.

    Ils serait temps de rebaptiser les forces.



  • Alpo47 Alpo47 21 mai 2014 11:22

    Il ne sert à rien de faire des« incantations » d’idées irréalisables. Occuper les esprits, peut être ? Le système actuel est verrouillé.

    Le changement est d’abord une évolution intérieure et personnelle. Elle est en cours.
    Je me demande si toute organisation, y compris et surtout avec des objectifs « humanistes » n’est pas aujourd’hui, et au constat de la force du système en place, destinée inévitablement à être corrompue ... ou détruite ?

    Le changement de système passe donc d’abord par une évolution personnelle d’un « certain nombre » d’individus qui montreront la voie. Et « ils » nous le montrent en s’attaquant à toute personne qui se lève ou adopte un autre mode de vie.


    • lsga lsga 21 mai 2014 11:45

      N’importe quoi. 

       
      Les représentations éthiques et morales personnelles ne sont que le fruit, le produit, de l’évolution de l’appareil de production et des rapports de force dans celui-ci.
       
      Changez le monde, et l’esprit des gens changera. Demandez aux gens de changer, alors que leur vie reste la même, et vous échouerez. 

    • Alpo47 Alpo47 21 mai 2014 12:30

      Ah, la révolution dans la rue ... 

      Elle parvient quasiment toujours à changer les têtes au pouvoir pour les remplacer par d’autres qui joueront le même rôle. D’ailleurs, le mot révolution ne signifie t-il pas faire un tour complet ... pour revenir au point de départ ?

      L’évolution, elle, pousse en avant .


    • lsga lsga 21 mai 2014 12:35

      Oh oui, bien sûr, et le Capitalisme, c’est exactement la même chose que le féodalisme, qui est exactement la même chose que le tribalisme !


      n’importe quoi...

    • Alpo47 Alpo47 21 mai 2014 12:38

      Et la dictature du prolétariat est meilleure que la dictature des financiers ?


    • lsga lsga 21 mai 2014 12:43

      oui, bien entendu. 

       
      D’ailleurs, la dictature du prolétariat, c’est la démocratie mondiale directe organisée en conseils (tu devrais lire Engels).

    • Alpo47 Alpo47 21 mai 2014 12:48

      Je pense qu’à ce niveau d’aveuglement, argumenter ne sert plus à rien.


    • lsga lsga 21 mai 2014 12:51

      Alors :


      « Pour Marx et Engels, la dictature du prolétariat s’identifie exactement à la démocratie révolutionnaire. »
       
      Tu as le droit de lire et de te cultiver tu sais, ce n’est pas interdit. 

    • Alpo47 Alpo47 21 mai 2014 14:44

      Merci de cet « éclairage » ... mais je ne souhaite pas adhérer à une quelconque secte. Comme celui qui ne verrait le monde que baignant dans une seule couleur.

      Je crois être relativement cultivé et pourtant je n ’ai jamais envisagé comme un passage obligatoire de lire spécialement ces auteurs. Il y a évidemment TOUJOURS quelque chose de positif à conserver chez tous les auteurs, quelque soit leur forme de pensée et pourtant, l’erreur est de penser que l’un détient la seule VERITE.

      Une dictature reste toujours la soumission d’hommes à d’autres hommes. Pol Pot voulait certainement construire quelque chose de positif en éradiquant tous ceux qui représentaient une autre vision de société. Il n’en a pas moins construit une tragique dictature.

      Alors, Pol Pot, mieux que Goldmann Sachs ? Pour ce qui me concerne, ni l’un, ni l’autre.


    • lsga lsga 21 mai 2014 14:48

      Moi, je considère comme obligatoire d’étudier une pensée et son courant adverse. Cela permet de se faire une idée objective des choses. 


    • Alpo47 Alpo47 21 mai 2014 15:03

      Et vous pensez être objectif dans votre analyse ?


  • leypanou 21 mai 2014 16:11

    « La bataille contre l’oligarchie est politique, mais elle est aussi culturelle et sociale, se place sur le terrain des idées  » : par exemple, se cultiver en lisant La Malfaçon de Frédéric Lordon.

    Quant à l’enfumage FN, lisez Pauvres actionnaires de Fakir qui démonte le grand écart du parti prétendument patriote et nationaliste.


  • taktak 21 mai 2014 17:32

    "L’Union Oligarchique Européenne (UOE) impose sa loi et ses modes de fonctionnement à l’Union Européenne à tel point qu’on est parfois tenté de les confondre."

    Eux l’union européenne est une construction depuis l’origine par l’oligarchie capitaliste. Ce que vous êtes vous tentez de confondre c’est votre rêve d’europe et la réalité de l’UE. Certain vende le mensonge de la réorientation social de l’UE, tel Hue ou Herzog, et maintenant Laurent.... Herzog est maintenant appointé par l’UE. Tout comme le président du PGE.... et Hue émarge au PS.

    Ce qu’il faut c’est sortir du carcan de l’UE capitaliste.

    Lisez donc le livre d’Annie lacroix riz aux origines du carcan européen


  • Hermes Hermes 21 mai 2014 17:40

    Bonjour Alpo : à 100% d’accord. Le changement intérieur est aussi un pré-requis. L’afficher et le revendiquer crée immédiatement une réaction ou une assimilation : soit l’individu est détruit, soit il est utilisé (récupération des concepts). La bête est sans aucune nuance, et c’est là sa force et sa faille. Tout pour elle est objet. Ne nous identifions pas à un objet (ni mental ni réel, ni « virtuel »), et avançons avec patience et tranqullité.
    Bonne soirée smiley


  • alinea alinea 21 mai 2014 21:31

    Excellent article Fab, merci !
    Ça me fait penser au livre de Pinçon sur les riches : eux savent se tenir les coudes !
    À nous d’en tirer leçon. Seulement, nous sommes nombreux et nous n’avons pas tous les mêmes intérêts !! On y arrivera, quelque chose me dit qu’on y arrivera !


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