lundi 28 septembre 2020 - par Jacques-Robert SIMON

Conte : une réalité virtuelle

 Il était une fois, sur une planète loin de tout, surtout de la Terre, vivait, la plupart du temps paisiblement, une multitude de vivants. Par une série de hasards, oiseaux, reptiles, poissons, arbres, fleurs de toutes sortes égayaient l’horizon. Toutefois, une espèce ne rêvait que de se goinfrer, de s’accoupler (la reproduction était encore partiellement sexuée) et d’essayer de dominer autant d’Autres que possible. Après un très long temps pour eux, mais bien court pour la planète, quelques uns se rendirent compte qu’on ne pouvait pas manger la même tartine deux fois de suite. Leur soleil leur fournissait bien une débauche d’énergie, mais cela ne leur suffisait pas, il était plus facile de puiser dans le sol ce qu’ils jugeaient nécessaires à leur bien-être, à leur confort, à leur volonté de puissance. Cette énergie quasi-miraculeuse viendrait sans nul doute à manquer un jour, mais quand ? Personne ne le savait vraiment.

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 De multiples savants, malgré leurs manques de certitude inhérents à leur métier, essayèrent d’éveiller la planète aux périls menaçants. Les dirigeants firent ce qu’ils savaient faire c’est à dire des comités, des tribunes, des assemblées. Personne ne trouva la moindre idée pour appliquer concrètement les idées proposées.

 

 Une première piste se dégagea cependant : le problème étant mondial, il fallait qu’une gouvernance mondiale soit établie. Bien entendu, aucune attention ne fut prêtée aux Hommes politiques qui essayaient par tous les moyens de sauvegarder les privilèges de leur propre pays. Les Nations devaient donc être rayées de la carte. La seule valeur commune à l’ensemble de l’espèce, indistinctement des philosophies, des cultures ou des religions, était l’argent, c’est donc lui qui gouvernerait, sans incarnation et sans états d’âme.

 Au delà des querelles de mots, il fallait une démonstration claire de ce qu’on appelait à présent le changement climatique dû à l’excès de consommation des énergies fossiles. L’unité de compte qui fut proposée comme moteur de toute activité fut l’énergie, en calories, en kilocalories, en kilowattheures. Un homme presque seul mais persévérant disséqua le problème et examina la possibilité d’utiliser des sources d’énergie alternatives. Sa conclusion fut sans appel : on ne pourra pas remplacer le charbon par le vent, une maîtrise des consommations est la seule arme raisonnable pour vaincre le fléau qui s’annonçait.

 Comment convaincre une humanité entière d’aller d’un même pas vers une certaine sobriété qui risque, à maints égards, d’être plus traumatisante qu’heureuse. La pure coercition était exclue. Les explications les plus détaillées ne suffiraient pas. Restait à trouver une force plus importante que l’intérêt de chacun afin de sauver tous.

 Un principe fut posé tellement général qu’on sous-estima son importance : malgré l'absence de certitudes techniques, scientifiques ou économiques, il convient de prendre des mesures afin d’anticiper la gestion de risques concernant l'environnement ou la santé. Il n’était plus nécessaire d’être certain du péril pour préserver les bien considérés comme essentiels. Malgré tout, peu de pays agréèrent à cette proposition posée en principe.

 Deux possibilités s’offraient pour changer le cours des choses à l’échelle mondiale, les guerres et les épidémies. La première guerre mondiale entre 1914 et 1918 fit de l’ordre de 20 millions de morts. La seconde guerre surpassa considérablement ce nombre. Toutefois, une fois enclenchée, le cours des événements n’est pas maitrisable, la fureur, la haine prenant le pas sur la raison on ne sait plus où on va. Une épidémie apparut au printemps 1918, elle fut au début jugée bénigne. Le virus toucha surtout les 20-40 ans, il s’agissait de la grippe dite espagnole (mais qui ne provenait pas d’Espagne). Elle fera entre 50 et 100 millions de morts. Le choix était fait, le cocktail qui convenait le mieux était réuni : virus, réchauffement climatique, énergies fossiles, baisse des consommations, impossibilité d’une action démocratique éclairée.

 Il fut déclaré un peu plus tard par quelqu’un aussi avisé qu’influent : «  Les épidémiologistes estiment qu’un agent pathogène transmis dans l’air et se propageant rapidement peut tuer 30 millions de personnes en moins d’un an.  ». La voie à emprunter se précisait. Des moyens technologiques avancés étaient proposés tels des puces sous-cutanées susceptibles de tenir à jour un carnet de santé numérique personnel.

 La maîtrise des émissions de dioxyde de carbone CO2 faisait l’objet d’un quasi-consensus mais personne n’avait vraiment trouvé comment s’y prendre pour la mettre en œuvre jusque là. Les État s’étaient transformés en organismes de distribution de subventions, d’allocations, de subsides afin de s’attacher le plus de clientèles possibles qui, une fois réunies, permettaient de gagner les élections. La route alternative fut donc suivie. Puisqu’une régulation volontaire des émissions des gaz à effet de serre s’avérait impossible par les voies rationnelles, il fallait qu’elle soit le résultat d’un accident, d’un péril auquel on ne pouvait rien. L’épidémie allait de soit, restait à la conduire intelligemment.

 Le premier cas rapporté tomba malade le 17 novembre 2019 en Chine. Le 15 décembre, le nombre de cas s'élève à 27, le 20 décembre à 60, le tout dans la ville de Wuhan qui a 11 millions d’habitants. Le 21 décembre, les médecins réalisent qu'ils sont en présence d'un nouvel agent infectieux. Le 31 décembre 2019, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) est informée de la survenue de nombreux cas d'une pneumonie d'origine inconnue. Le 6 janvier, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis indique qu’il existe des risques d’une épidémie. Le 7 janvier 2020, les autorités chinoises confirment qu'il s'agit bien d'un nouveau virus de la famille des coronavirus. Le 9 janvier 2020, l'OMS lance une alerte internationale et le 30 janvier elle déclare que l'épidémie constitue une urgence de santé publique de portée internationale.

 À compter du 22 janvier, le gouvernement chinois place sous confinement trois villes de la province de Hubei afin de contenir les risques de pandémie. D'autres villes comme Shanghai et Pékin sont également concernées. Les mesures de confinement seront levées début avril.

 Le 16 mars 2020, le président français Emmanuel Macron annonce qu'il prendra « des décisions exigeantes dans les prochaines heures ». Le confinement de la population en France est mis en place le 17 mars 2020 à 12 h. Il durera plusieurs mois. Dans le monde, au total, ce seront plus de 3,4 milliards de personnes, soit la moitié de la population mondiale, qui seront confinées ou appelées à rester chez elles dans près de 80 pays.

 La planète est quasiment à l’arrêt.

 Il ne peut pas être affirmé que la totalité du cheminement était coordonnée entre des pays volontaires. Il peut être affirmé que cet état de fait était désiré par la fraction la plus éclairée des décideurs mondiaux depuis longtemps. « Fermeture de certaines usines, transport ralenti, l'être humain confiné... il fallait une énorme crise sanitaire comme le Coronavirus pour obliger l'homme à stopper la maltraitance de la planète. »

 Avec cette optique tout ce qui était incompréhensible s’éclaire. Il s’agissait de créer un Homme nouveau, universel, pour peupler tous les coins même reculés de la planète. Les Nations étaient obsolètes, le capitalisme financier étendu au monde permettrait de les éliminer. Les cultures nationales étaient si différentes qu’il fallait pour le moins les gommer en favorisant la formation de communautés chapeautées par le plus riche, le plus connu, le plus méritant du clan. Les richesses des pays développés étaient tellement plus importantes que celles des pays émergents que seule l’immigration pouvait venir à bout de la différence en diluant les uns dans les autres. L’Homme nouveau, de sinistre mémoire en d’autres temps, sera individualiste et ne reconnaitra que les valeurs quantitatives dont l’argent comme unité de mesure. 

 Est-ce le début d’un cauchemar ou le signe d’une espérance ?

 



17 réactions


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 28 septembre 2020 12:50

      @Arogavox
      Merci de la référence.


    • Arogavox Arogavox 28 septembre 2020 18:07

      https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-scientifique-et-universitaire/veille-scientifique-et-technologique/etats-unis/article/la-recherche-sur-l-allongement-de-la-vie-progresse

      « ... De nombreux chercheurs s’accordent aujourd’hui à dire que l’espérance de vie pourrait assez aisément être repoussée aux alentours de 120 à 150 ans chez l’homme à courte échéance, au vu des progrès actuels en la matière.

      La décision récente de la FDA ouvre dans tous les cas le champ à une nouvelle catégorie de médicaments à venir, dont la cible sera la maladie la plus répandue au monde : le vieillissement. ... »


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 28 septembre 2020 19:54

      @Arogavox
      Je ne pense pas que le premier problème à régler soit celui-là.


    • RÂ-Zorg-Shaw-Leeloo-NéO-H 28 septembre 2020 19:56

      @Jacques-Robert SIMON

      Humain ou Sylvia KRISTEL dans le vrai #U42 ?

      Fais ton choix Saturnin, et fissa ! ^^


    • Arogavox Arogavox 28 septembre 2020 21:16

      @Jacques-Robert SIMON
      à moins que les problèmes urgents à regarder en face ne soient liés ?


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 29 septembre 2020 08:17

      @RÂ-Zorg-Shaw-Leeloo-NéO-H
      J’ai rêvé de Sylvia durant la quasi-totalité de ma jeunesse. Pour trouver un palliatif, j’ai dû me marier.


    • Arogavox Arogavox 29 septembre 2020 09:24

      @Jacques-Robert SIMON

      Nous entrons dans un régime « globalitariste ». Paul Virilio

      Pour ce qui est de traiter des urgences, un voisin m’avait confié que, selon sa grand-mère :

      « Pour faire de grandes choses, il faut savoir faire les petites »

       alors, à propos de petites choses, il ne me semble pas inintéressant de se demander si un avatar qui code des verbigérations plutôt louches, mais dont un ’cousin’ sait par ailleurs s’exprimer beaucoup plus clairement lorsqu’il prétend conspirer contre des « trolls », ... pourrait avoir l’aval de la Justice patentée ?

    • eau-mission eau-pression 29 septembre 2020 09:52

      @Arogavox

      Etant son petit-fils, vous auriez pu lui répondre : pour l’instant, je ne suis qu’une toute petite chose ; sauf si, comme c’est probable, il ne fut évident que, ni enfant, ni grand, un humain n’est pas une chose.

      Blague à part, je crois comprendre ainsi : peut-on rêver d’une justice absolue ou faut-il se contenter d’une justice patentée, donc déléguée à des individus faillibles ?


    • Arogavox Arogavox 29 septembre 2020 12:20

      @eau-pression
      Cela peut être vu sous cet angle philosophique, mais ma précédente remarque témoigne d’observations de faits tout à fait tangibles. (Même si, probablement, seul un tout petit pourcentage des lecteurs de ce site les aura retenus, il reste par contre plutôt probable qu’au moins un soit en mesure de comprendre l’allusion)


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 29 septembre 2020 20:21

      @Arogavox
      Certes, mais définir un système en si peu de mots va être difficile.


    • Arogavox Arogavox 29 septembre 2020 22:28

      @Jacques-Robert SIMON
      Au temps pour moi ; j’ai sans doute eu tort de mélanger deux types de ’réactions’ :
        la citation du mot ’globalitariste’ peut effectivement évoquer un ’système’
       (sans que je n’aie pour autant la prétention de le définir)
        mais, plus prosaïquement, le contexte local, et les autres ’réactions’ (à noter que leurs sources étaient restreintes) ont surtout inspiré cette réaction elliptique à une forme d’intervention dont je me moque pourtant de concurrencer les traits tortueux et glissants, qui peuvent se révéler parfois fort louches voire suspects.


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 1er octobre 2020 09:42

      @Arogavox
      C’est vrai que certains s’essaient à la rouerie mais "les habiles finissent toujours par avoir tort’.


  • JPCiron JPCiron 28 septembre 2020 22:39

    L’Homme nouveau, de sinistre mémoire en d’autres temps, sera individualiste et ne reconnaitra que les valeurs quantitatives dont l’argent comme unité de mesure. >

    .

    Lévi-Strauss parlait lui aussi de cette manière dès 1961 (Race et Histoire) :

    <(...) la civilisation occidentale cherche d’une part (...) à accroître continuellement la quantité d’énergie disponible par tête d’habitant ; d’autre part à protéger et à prolonger la vie humaine.

    (...) la civilisation occidentale s’est (...) adonnée à ces tâches avec un exclusivisme où réside peut-être sa faiblesse (...)>.

    Pour la première partie, il mentionnait lui aussi par ailleurs la responsabilité de nos doctrines monothéistes où l’homme devient le partenaire privilégié, chéri et protégé d’un Dieu désormais unique, créateur et tout-puissant. De la sorte, «  »en vertu de ce statut particulier, l’homme est habilité, de par la volonté divine, à commander à la nature et à la regarder comme son bien.«  »

    .

    Il n’est pas bon de raconter des salades aux enfants !!!





  • Shaw 28 septembre 2020 23:36

    Pense-bête pour bibi de dans 30 jours : quand Saturnin aura fusionné avec l’auteur ici présent, penser à lui faire demander à BriBri de repeindre aussi le couloir qui mène au bouton atomique.


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