Courrier/ Courriel envoyé ce jour (30/09/2020) au Ministre de l’Agriculture et aux députés Français siégeant au Parlement européen
Madame, Monsieur.
L’heure de la décision approche. Le destin de la Ferme France est entre vos mains. La future PAC, Politique Agricole Commune, qui est actuellement dessiné devra répondre aux attentes de nos agriculteurs et des consommateurs, que nous sommes tous.
Dans un contexte sanitaire qui a plus ou moins permis une réflexion sur nos modèles politiques et économiques, les leçons n’ont toujours pas été tirées. Alors que toute une classe politique parle de « relance », de « relocalisations », de « souveraineté », il n’y a pour l’instant pas trace de cela dans la politique menée actuellement, aussi bien par la France que par l’Union européenne.
Il vous incombe donc d’être le fer de lance dans cette prise en compte, dans ce changement de paradigmes politique et socio-économique.
Pour que la prochaine PAC réponde à ce changement profond de mentalités, il est de votre devoir de défendre une certaine idée de la PAC.
Par quels moyens, par quelles idées se définit cette certaine idée de la PAC ?
Tout d’abord, par un protectionnisme intelligent et une régulation. Les agriculteurs doivent bénéficier d’un niveau de vie équitable à travers la garantie de prix rémunérateurs pour leurs produits.
Pour cela, il faut baser la production européenne sur la satisfaction de nos besoins (en réservant les éventuels surplus à l’export ) pour maintenir un équilibre entre l’offre et la demande sur le marché européen, et de ce fait parvenir à des prix stables et justes (comprenant les coûts de production, ET la rémunération normale du travail de l’agriculteur comme tout autre métier).
Cette régulation, européenne des productions, aura pour but de rémunérer les producteurs et de supprimer tout excédent de blé. Nous ne pouvons plus rivaliser sur un marché qui nous échappe, ce marché étant happé par la Russie qui a développé ses capacités de production. Les exportations russes de blé sont tellement à des prix faibles que les Agriculteurs de l’Ouest de l’Europe ne peuvent pas rivaliser.
Notons qu’il est tout à fait anormal de vider de sa substance le premier pilier qui doit servir à protéger les productions, rémunérer les agriculteurs. Le deuxième pilier,lui, est consacré à la politique de développement rural.
La PAC devra s'orienter vers une préférence communautaire pour protéger les agriculteurs de l'Europe, garantir des normes respectées comme en refusant les importations qui ne les respectent pas, notamment le soja OGM. Il faut aussi songer, pour faire face à la distorsion de concurrence, à abaisser drastiquement la limite de résidu (LMR) sur la molécule glyphosate.
De plus, la France doit faire valoir à l'OMC une exception agriculturelle, afin de protéger les produits agricoles. Nous avons su le faire avec la culture, exception culturelle mise en place par André Malraux en 1959 lors de la création du Ministère de la culture sous la présidence de Charles de Gaulle.
Aux frontières de l'UE, mettre des droits de douane réévalués pour les importations à bas prix de façon à donner le prix juste pour les agriculteurs, pour éviter le dumping par les moins-disants mondiaux et permettre des prix agricoles européens viables, accompagnée de l’Observatoire Européen des Productions et des Marchés (OEPM) qui répercuterait vers les organisations de producteurs les consignes d’ajustement de chaque production, pour stabiliser les prix de façon qu'ils restent proches des coûts de production.
Mettre en place un prix minimum d’entrée, nos productions ne peuvent plus subir de distorsion de concurrence.
Sur les marchés intérieurs européens, ajuster l'offre et la demande de chaque filière.
Nous appelons à mettre en place le système EMB pour la filière laitière et l'adapter à chaque type de production agricole.
Enfin, l’Europe doit se doter d’un institut de recherche uniquement financé par les instances européennes afin de rechercher des alternatives à la chimie et à l’amélioration du bilan carbone, et ce en toute impartialité.
Le deuxième axe se constitue dans le soutien aux productions fragilisées.
Mettre en place des aides spécifiques aux petites fermes pour reconnaître leur statut. Nos petites fermes respectent l'environnement, assurent un maintien de l'emploi au niveau local.
La nouvelle PAC doit reconnaître les pratiques pastorales et soutenir les activités agricoles dans les zones à handicap naturel. En effet, le nouveau zonage des aides ICHN menace l'équilibre des exploitations alors que les contraintes naturelles sont avérées. De même que la redistribution des aides pour les surfaces pastorales pénalisent les producteurs. Il est pourtant bon de rappeler que l'élevage est source et défenseur de biodiversité.
Maintenir les aides significatives aux productions soumises à des contraintes naturelles (zones défavorisées), aux productions fragilisées.
C’est le cas en zone de montagne : dans le cadre du premier pilier :
Soutien à l'herbe au niveau de l’exploitation.
Aides à la production, aux bâtiments selon le relief,
Maintien des services publics dans ces zones isolées.
N’oublions pas nos territoires d’outer-mer, cette France sur la mer qui vit grâce au tourisme mais aussi grâce aux activités agricoles. De ce fait, la PAC, avec le Programme d'Options Spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) doit protéger l'alimentation et les productions de nos, territoires face à la concurrence des pays tiers.
Et enfin, le dernier axe, la PAC doit aussi servir à établir un programme de développement des cultures oléagineuses.
Comment ?
-Protéger le marché européen en interdisant toutes marchandises importées qui ne correspondent pas à nos standards de production, comme le soja OGM.
-L’arrêt de la production d'agrocarburants qui est une supercherie et nous demandons qu'un vrai engagement sur les plantes oléagineuses voie le jour pour permettre une meilleure rémunération et reconnaissance à nos agriculteurs.
-Protection des cultures et ne plus considérer les légumineuses (pois, lentilles...) comme des Surfaces d’intérêt écologiques (SIE). .
- Intégration des légumineuses dans la rotation de cultures qui permettra notamment de meilleurs rendements avec des taux de protéines meilleurs, une biodiversité sauvegardée.
-Faciliter les circuits courts en permettant aux céréaliers de pouvoir vendre directement aux éleveurs, ce qui pourra permettre aux éleveurs de ne plus se fournir en tourteaux de soja brésiliens ou de maïs d'Europe de l’Est par un fabricant d'aliments pour bétail (FAB)
-Augmenter la surface des cultures de protéines végétales (colza, tournesol,soja, pois,luzerne),ce qui va réduire les cultures de blé et donc supprimer les excédents de blé européen qui partait vers les pays tiers.
Après cet exposé de propositions pour une PAC plus juste, j’espère que vous ne douterez pas sur l'urgence de réformer la PAC en profondeur dans ce schéma ci-dessus, pour qu'elle retrouve ses premières missions, celles d'assurer un revenu décent à nos agriculteurs en protégeant et régulant nos productions, de permettre une alimentation saine et durable aux peuples européens.
Croyez, Madame, Monsieur, à mes sentiments bien cordiaux.
Valentin Lagorio, secrétaire-général-adjoint à l’Union du Peuple Français.