mercredi 5 mars 2014 - par Gabriel

Dans la forêt de Brocéliande

   Dans la forêt de Brocéliande, au rythme d’une cascade à la chute cristalline, dansent les derniers Elfes au pied d’un arc en ciel fraichement éclot par le décès d’une soudaine averse. Dans un ciel aux couleurs écossaises traverse une météorite égarée et pressée de rejoindre son univers. A un jet de pierre des angéliques farfadets noceurs, dans une masure adossée aux ruines d’une ancienne centrale désaffectée, Merlin agonise rongé par le cancer de la modernité.

   Les laboratoires de la chimie ont remplacé sa pharmacopée et, les notices bourrées de contre indications, son herbier. Servier avec son Médiator, Roche avec l’Avastin, l’Herceptin, le Tarceva etc, assassinent chaque jour des milliers de personnes à travers le monde au nom d’une insatiable et gloutonne finance. Le sang contaminé est vendu à prix fort par des vampires accrocs aux bénéfices et Boiron avec ses placebos est devenu une insulte à l’intelligence et au respect des malades.

   Pour son dernier repas, avant de quitter ce monde en déliquescence, il fait cuire dans son éternel chaudron champignons et légumes de son potager agrémenté de quelques aromates prélevés dans les sous bois brumeux de sa vieille Bretagne. Une caille sauvage agrémentera cet ultime ordinaire et pour clore le festin, le miel de sa ruche fera l’affaire. Dernière récolte de l’apiculteur magicien qui regarde avec chagrin ses ouvrières ailées succombées sous les nuages de phytosanitaire.

   Loin des barquettes de repas surgelés préparées par les usines à poison où, les poissons se nourrissent de farine animale issue des cadavres bovins, les volailles de leurs propres excréments recyclés en grains, où les fruits et légumes assaisonnés aux colorants et produits de synthèses poussent prisonniers dans des serres saturées d’engrais. Mac do et consœur ont fait des émules qui iront grandir la liste des patients en chimiothérapie pour le plus grand bonheur des gros actionnaires de Chemical Industry. 

   Après avoir jeté ses reliefs au composte, le voilà qui part errer dans la campagne environnante pour digérer et réfléchir en marchant sous le feuillage des diverses essences qui composent sa forêt. Il identifiera encore les variétés d’herbacé et, en fin mycologiste, la chanterelle, la gorge de loup, le lactaire délicieux et autres bolets. N’ayant rien perdu de son acuité auditive, il reconnaitra l’aigüe de la fauvette, le chantant du merle et le sifflement de l’hirondelle. 

   A quelques kilomètres de là, dans une ville quelconque aux ruelles gangrénées de boutiques aux vitrines tapageuses, aux murs maquillés d’affiches chargées de fausses promesses, dans la pollution et le bruit des véhicules, des visages blêmes attendent crispés que la circulation se libère afin de pouvoir rentrer chez eux. Fourbus et harassés de fatigue nerveuse, à peine la porte du logis refermée, ils iront s’avachir dans le cuir pleine fleur de leur canapé à crédit, hypnotisés par l’écran plat qui vomit sa téléréalité imbécile et ses informations mensongères.

   Il longe le cours d’eau jusqu’à la clairière de sa forêt imaginaire et là, à l’orée, s’accumulent des montagnes de détritus, la rivière est chargée de rejets industriels aux relents pestilentiels, alevins et batraciens agonisent sur ses berges et seule une végétation de ronce s’épanouie dans ce cloaque. Son hibou s’est envolé effrayé face aux hordes de rats et de corbeaux qui prospèrent en ces lieux. 

   De retour dans sa demeure après ce dernier périple, il s’allonge sur sa couche les yeux rivés sur un tableau représentant une poignée d’hommes autour d’une table ronde symbolisant l’égalité, la fraternité et l’honneur. Des valeurs d’une autre terre, d’un autre temps. Dans l’encadrement de sa lucarne le soleil en sang s’écroule sur l’horizon la face lacérée par deux avions de chasse qui crachent leur kérosène dans un boucan d’enfer.

   Le monde de Merlin a sombré lentement face à la mondialisation et l’uniformisation des êtres, des produits, des vérités et des sens. Morgane a triomphé. Les gaz d’échappement, qui stagnent les jours d’excessive chaleur, ont remplacé les brumes d’Avalon. La dame du lac est noyée sous les carcasses rouillées des automobiles volées et des vieux réfrigérateurs éventrés. Lancelot icône du showbiz vient de décédé d’une overdose de coke, Perceval a vendu le Graal aux receleurs, les chevaliers sont en prison pour délit d’opinion et Escalibur rouille oubliée dans une roche radioactive sur les bords d’un océan pollué.

   Ainsi finissent les contes, ainsi meurent les légendes. Les utopies et les rêvent sont pour les enfants que le profit, le paraître et l’avoir ont épargné, ceux qui maintenant passent pour des fous et qu’il est bon, afin de les faire taire, d’ignorer, de salir ou de moquer … Maintenant, place à la réalité, place au cauchemar. Merlin vient de partir par une porte dérobée…



28 réactions


  • jako jako 5 mars 2014 14:00

    Un grand merci pour ce très beau texte Gabriel.


  • gaijin gaijin 5 mars 2014 17:11

    gabriel
    vous voilà bien sombre .......
    au delà de ce triste constat de plus en plus de gens réalisent qu’il faut revenir a d’autres valeurs et que les bois étaient plus sympathiques habités par des dryades que par le bruit des tronçonneuses
    on a du mal percevoir toutes ces voix dans la cacophonie ambiante et pourtant nous marchons sous les mêmes étoiles et foulons la même terre que les hommes des temps anciens .....
    je vous dirais comme gandalf
    « dans cette dévastation d’un monde je ne crois pas qu’aucunes ténèbres dureront »


    • Gabriel Gabriel 5 mars 2014 17:50

      Vous avez raison gaijin, ce qu’il y a de merveilleux avec le bois ce n’est pas qu’il brûle, mais c’est qu’il flotte. Quant aux ténèbres, elles ne durent qu’ici et maintenant et comme Merlin, nous trouverons tous un jour la porte dérobée pour enfin entrer chez nous. 


  • Gollum Gollum 5 mars 2014 17:16

    Désolé de vous décevoir mais Merlin s’est reconverti dans la finance. Autre époque, autres enjeux… smiley


    • Gabriel Gabriel 5 mars 2014 17:53

      Excellent Gollum, comme quoi dans ce monde, qu’il s’agisse du rêve, du sacré ou de la vérité qu’importe si en les détournant on en fait de l’argent…


  • Jean Keim Jean Keim 5 mars 2014 22:11

    Bel article, nostalgique d’une époque que nous ne pouvons qu’imaginer. Il fut peut être un temps où la magie - à moins que ce ne soit le rêve - guidait le destin de l’homme mais toute civilisation se corrompt et meurt de ses excès. La nôtre a pris la relève et à son tour, elle est en passe de disparaître, victime de ses outrances et des outrages faits à la vie. Le passé est mort, imaginer le futur ne serait qu’une projection de nos désirs. Une ère nouvelle commence à luire comme un nouveau défi, accueillons la avec simplicité.


    • Gabriel Gabriel 6 mars 2014 08:03

      Merci de cette belle synthèse de nos rêves qui s’effacent et du temps qui se meurt dans l’enfer que l’homme s’est créé. Espérons, comme le phœnix, qu’une meilleure époque renaitra des cendres de celle-ci. Je garderai un œil sur les générations futures qui n’auront pas d’autre choix que de faire mieux que leurs prédécesseurs. 


  • gruni gruni 6 mars 2014 08:07

    Dommage Gabriel qu’on ne puisse voter qu’une fois pour ce remarquable article.

    C’est un peu les dérives et les dégâts causés par la modernité que vous dénoncez dans ce texte. Le progrès n’est pas une mauvaise chose lorsqu’il est raisonnable et respectueux de la nature, mais aujourd’hui le veau d’or s’appelle le profit. Et si un jour la planète se vengeait de ses invités irresponsables.

    Bonne journée et merci


    • Gabriel Gabriel 6 mars 2014 08:31

      Bonjour Gruni, malgré tous les dégâts causés et a venir par l’homme, la nature reprendra ses droits. A se sentir et se comporter comme si il était supérieur à elle, cela causera irrémédiablement sa perte. Il est triste qu’il en ignore les avertissements de plus en plus nombreux qu’elle lui donne. Cette civilisation est sur son déclin et les quelques voix sensées qui s’élèvent ca et là pour prévenir et soigner sont immédiatement étouffées par le sale argent devant lequel s’agenouillent la majorité des hommes.


    • BABAYAYA BABAYAYA 6 mars 2014 10:40

      Ce qui est sur, c’est que dans un certain nombre d’années, la terre se débarrassera de ce qui la recouvre pour s’habiller autrement, comme les 5 autres grandes extinctions... d’ici là on ne sera qu’un souvenir éphémère... incapable que nous aurons été de trouver un moyen d’avancer dans le temps....


  • BABAYAYA BABAYAYA 6 mars 2014 10:43

    Bonjour Gabriel, 


    Merci pour ce joli texte qui me rappelle mes origines (étant breton j’ai été bercé par ce mythe)...
    Je n’aurai pas de commentaires à y faire, il se suffit à lui-même, je pense que tous nous avons les images qui nous sont venues à l’esprit en le lisant....
    certains hommes acceptent ce fait, d’autres, comme moi, le pleurent...
    Bien bonne journée à vous.

    • Gabriel Gabriel 6 mars 2014 12:02

      Bonjour BABAYAYA, n’ayez pas de regret, tout ce qui a commencé doit finir pour recommencer ailleurs car rien ne se créer, rien ne se perd, tout se transforme. Merci de votre commentaire


  • alinea Alinea 6 mars 2014 11:13

    Rien ne dure, même pas l’enfer ; pourtant il est le plus court le chemin de la destruction que celui de la reconstruction ; comme disent les indiens, la Nature aura toujours le dernier mot, mais, c’est bien dommage pour nous et notre amour du Beau, nous n’y serons sans doute plus, quand la terre grouillera à nouveau de vies, quand les eaux des ruisseaux seront à nouveau bues, il restera les touffes de chiendent qui fendent le goudron, les lierres qui envahissent des ruines de ferrailles et de PVC ; personne, s’il reste des hommes, ne sera fier de sa civilisation passée !!


    • Gabriel Gabriel 6 mars 2014 12:04

      Bonjour Alinea,

      Espérons que les erreurs commises par cette civilisation servent d’exemple à ne pas suivre aux générations futures.


  • ETTORE ETTORE 6 mars 2014 11:20

    Merci, Gabriel !


  • Neymare Neymare 6 mars 2014 11:54

    Faut pas etre si pessimistes ! Evidemment que cette civilisation va s’écrouler, elle repose sur du sable
    Mais l’homme va survivre (on sera certes moins nombreux, mais c’est pas un mal), pour reconstruire sur du solide
    Au lieu de pleurer sur des paradis perdus, faites comme Merlin : soyez conscient, car c’est de la conscience qu’il tire son pouvoir, comme chaque homme peut le faire, soyez conscient jusqu’à dépasser l’illusion de ce monde, et vous vous rendrez compte que la situation n’est pas si catastrophique que ça : c’est une histoire qui vous est raconté, vous en etes partie prenante, mais c’est quand meme une histoire, apprenez à reconnaitre la vérité de l’illusion en étant conscient, et vous passerez du bon coté de la barrière


    • Gabriel Gabriel 6 mars 2014 12:15

      Point de pessimiste ici Neymare, juste un constat, une réalité. Quant à être conscient que tout n’est qu’illusion, c’est, si vous le permettez et sans aucune prétention, acquit. Je ne pleure pas sur des rêves qui ont, malgré ce que l’on en pense, une grande part de réalité. Je me désole simplement que les hommes aient oublié la magie de la vie et ses possibilités infinies pour des chimères aussi inutiles qu’éphémères. Mais il est vrai, et j’en fait ici l’aveu, que je suis très tenté par la porte dérobée…


    • Neymare Neymare 6 mars 2014 13:41

      "Je me désole simplement que les hommes aient oublié la magie de la vie et ses possibilités infinies pour des chimères aussi inutiles qu’éphémères"

      Malheureusement, c’est en se trompant qu’on apprend le mieux. Vous le savez, la meilleure façon d’aider l’homme c’est en empruntant la porte dérobée. C’est en agissant en haut qu’on obtient les résultats en bas, que ce soit à titre individuel ou collectif. En tout cas merci pour ce très beau texte


  • Francis, agnotologue JL 6 mars 2014 12:45

    Beau texte, Gabriel,

    mais à ne pas faire lire aux enfants si possible, hélas.


    • Vipère Vipère 6 mars 2014 13:04


      Bonjour Gabriel

      Très beau texte smiley

    • Vipère Vipère 6 mars 2014 13:09

       « Maintenant, place à la réalité, place au cauchemar. Merlin vient de partir par une porte dérobée… »


      Ne pourrait-on pas dépêcher un messager et rattraper Merlin pour réenchanter nos vies ?

    • Gabriel Gabriel 6 mars 2014 13:10

      Pourquoi pas JL, les enfants sont souvent plus responsables que leurs aînés et ils ont encore la magie dans leurs âmes que le monde des adultes n’a pas encore pollué. Cordialement 


    • Gabriel Gabriel 6 mars 2014 13:11

      Merci Vipère.


    • Francis, agnotologue JL 6 mars 2014 13:25

      Gabriel,

      je ne voudrais pas qu’ils se désespèrent.

      Cordialement.


  • soi même 6 mars 2014 12:50

    Nous vivions une drôle d’époque, d’un côte dans le prolongement romantique de l’Histoire, véhiculer par des exhumations d’œuvres littéraires moyenâgeuse, par l’élan qui en suivie de la réhabilitation des monuments et des lieux historiques et de l’autre le grand saccage sans vergogne de cette nature qui nous a été léguer par des générations d’hommes qui ont entretenues et façonner nos paysages.

    Et il est assez symptomatique autour de lieux historiques, d’avoir un semblant respect de l’environnement et il suffit de s’en écarté pourvoir le dégât affligeant de notre civilisation scientiste qui afflige à la nature des dégâts irréversibles !
       


    • Gabriel Gabriel 6 mars 2014 13:16

      Vous faites là une judicieuse remarque. L’homme est tout autant capable de se battre pour sauvegarder son environnement proche (Exemple : la forêt en face de chez lui) mais utilisera un 4x4 pour ces déplacements urbains. Merci de vos remarques.


Réagir