samedi 8 janvier 2011 - par Raphael JORNET

Dans le paradis des classes réconcilliées

 Allez donc savoir pourquoi « Gestion Sociale, la lettre hebdomadaire des dirigeants » place sur l’avant scène de sa parution du 30 décembre 2010 un billet sur « Les clubs très privés des partenaires sociaux ».

Pour nous y faire intéresser peut-être. Ou pour nous montrer que le monde institutionnel du « dialogue social » travaille la main dans la main pour le meilleur des mondes possibles ? Voyons.

Le dialogue social, cet échange entre deux acteurs, n’a jamais été si maltraité. L’épisode de la réforme des retraites en est le dernier avatar. Pourtant, chacun s’en recommande, assure s’y employer.

Mais le dialogue social s’institutionnalise et patine parce que la négociation qui « suppose à la fois des acteurs reconnus, une volonté d’aboutir à un accord et un contenu à négocier » n’est plus de mise.

Il ne s’agit plus que de canaliser les revendications, d’éviter les confrontations. L’encéphalogramme plat, les salariés sont invités à l’ordre et à la paix sociale dans l’entreprise qui seule leur apporterait la garantie de pouvoir ne plus avoir peur du lendemain de leurs emplois précaires.

Dans ce paradis des classes réconciliées, d’autres, à leur place, veillent et phosphorent.

 

Pour se retrouver dans le « maquis où les partenaires sociaux eux-mêmes s’égarent", l'association  « Réalités du dialogue social (RDS) » vient de sortir un  « dictionnaire des instances d’exercice de mandats (DIEM), qui recense « 292 instances de dialogue social où les associations, conseils, comités ou fonds dans lesquels syndicats et organisations patronales délèguent des représentants". Le Larousse de la France qui réfléchit au social.

« Si l’association RDS est crédible dans ce rôle, c’est parce qu’elle fait phosphorer les acteurs des deux camps dans un cadre non institutionnel. » écrit Gestion sociale. Notez ces "deux camps"...

Et de poursuivre que « bien que ses ressources financières proviennent d’une quarantaine d’entreprises, ténors du Cac 40 et stars de l’économie sociale, son bureau se veut œcuménique. Bernard Van Craeynest (CFE-CGC), Guillaume Sarkozy (MalakoffMédéric) et Bernard Chambon (Rhodia Chimie) s’y côtoient. Aux think tanks monoculturels où l’on reste entre gens de bonne compagnie se substituent des clubs non moins sélects, mais plus ouverts à la confrontation constructive. ». Message reçu.

Un regard sur le site de RDS vous rassure. RDS promeut un « dialogue social de qualité… en contribuant à une bonne articulation entre démocratie sociale et démocratie politique  ». Un liant, un faciliteur, en quelque sorte.

Ses adhérents pratiquent « l’écoute mutuelle », ont le courage « d’assumer les différences » en ayant la « capacité à anticiper l’avenir ». C’est un « lieu privilégié » où ils peuvent « débattre librement hors du champ de la négociation, prendre du recul, anticiper sur les sujets à instruire, comprendre les causes de certains échecs du dialogue social, aborder sans tabou des sujets sensibles  ».

Voilà qui doit combler le Président de la République qui s’exprimait le 6 janvier sur les 35 heures : « je considère qu'il n'est pas de sujet tabou, et je le dis d'autant plus clairement que la crise à changé la donne"…

Qui sont donc ces membres responsables qui n’ont pas de tabous ? Ils sont là :

 

Gestion Sociale cite aussi l’association « Dialoguesthink tank fondé par Jean Peyrelevade, ancien patron du Crédit Lyonnais. Soutenue par plus de 60 entreprises, dont la moitié du Cac 40, qui versent chacune 10 000 € par an, elle bénéficie aussi de l’appui de la CFDT, de la CGT et de FO.

Ses dîners-débats, réunissant une centaine de happy few, ne désemplissent pas.

Au nombre des convives que l’on y croise,Bernard Thibault, patron de la CGT,Laurence Parisot, présidente du Medef, François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, Jean-Denis Combrexelle, directeur général du Travail.  ».

La lettre rajoute cette précision, qui vaut son pesant d’or : « C’est de cette alcôve qu’ont été lancées les premières idées qui aboutiront à la loi d’août 2008 sur la représentativité syndicale. »… L’idée du laminoir des petits syndicats, l’adaptation du syndicalisme au fait majoritaire de la Vème, c’était là, donc. Il faut croire Gestion Sociale, qui sait de quoi elle parle.

D’autres « conclaves », créés « sur le même Modèle », ont pour mission de favoriser « le dialogue social sans œillères ». Par exemple« la Fondation Croissance responsable, qui a tenu son premier forum le 9 décembre dernier… Ce cercle rassemble dirigeants de grandes et petites entreprises, syndicalistes, figures du monde associatif et intellectuels, pour « faire bouger les lignes ». « Au nombre de ses donateurs : Microsoft, Boston Consulting Group, Société générale et Total. Signe de diversité, la fondation, hébergée par l’Institut de France, fait plancher aussi bien Franck Mougin, DRH de Vinci, queJean-Christophe Le Duigou, monsieur économie de la CGT, ou encore le sociologueJulien Damon sur le thème de l’ascenseur social. »

Il n’est pas indifférent de constater qu’un blog comme «  Tous Ensemble, Front Syndical de classe  » (création de militants CGT etFSU) a repris le billet de Gestion Sociale sous le titre « Vous avez dit collaboration ? ».

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Ø Gestion Sociale en PDF ci-dessous.

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Ø Et puis, en prime, issu de ce blog, écoutez le "fichier son des mots du pouvoir, capture de 15 jours d'émissions radiophoniques". Le « dialogue social » y trouve sa place. 9’48" impressionnantes.




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