lundi 12 février 2018 - par

De l’Abbé Bethléem aux bourgeois pédagogues

L'abbé Bethléem était cette figure pittoresque de prêtre de choc qui pendant plusieurs décennies pensait expurger la littérature de tout ce qui était mauvais pour le peuple (voir à ce lien). Il s'est systématiquement trompé sur le talent des auteurs qu'il censurait, y compris les catholiques, et portait aux nues une littérature toute en exemplarité sans couleur, sans saveur, sans odeur. Il était un genre de boussole à l'envers, de celles indiquant toujours le Sud. Il était sincèrement persuadé de faire le Bien en évitant aux âmes de se pervertir. On ne peut véritablement l'en blâmer après tout.

 

Parfois certaines voies sont pavées de bonnes intentions dit-on.

 

Il est de ces personnages permettant aux bien-pensants d'évoquer l'ordre moral d'antan, un ordre noir réputé arbitraire et insupportable. Il était un Don Camillo "réac" en somme. Ledit ordre noir était pourtant tout relatif ainsi que le rappelait Marcel Aymé dans un texte sur la libération sexuelle, les enfants et les grandes personnes, y compris à Paris, avaient quotidiennement tout autour d'eux des animaux, animaux de trait, de labours, chevaux, s'ébattant librement voir se reproduisant sous leurs yeux. Ils avaient des leçons de chose -de "la" chose- en vrai. Le joug moralisateur était donc tout relatif.

 

Et il n'était pas si difficile d'accéder à une littérature plus libre de ces conventions.

 

Ceux qui entendaient moraliser les Arts et Lettres se sont tus pendant un long moment, en particulier depuis "Soissantuite". Ils n'osaient pas trop se remettre en avant. Et depuis quelques années, alors que l'on pensait s'en être définitivement débarrassés, les voilà qui resurgissent par la fenêtre invoquant d'autres motifs tout aussi sincères et tout aussi pleins de bonnes intentions pour expurger la littérature de ce qui les gêne, et qui pervertit selon eux le bon peuple. Ils apprécient de faire de la pédagogie pour son édification. Ils ont un peu changé, ils ne se réclament plus de la religion et de ses valeurs. Mais au fond, c'est la même moralisation parfaitement insupportable.

 

En ce moment, ils s'en prennent aux écrivains qui n'ont -certes- pas été exemplaires durant la Seconde Guerre Mondiale, ou qui ont eu des accointances suspectes à leurs yeux ensuite. Il y eut Maurras, effacé des commémorations de 2018, Chardonne, voué aux gémonies, alors qu'écrivain formidable et si fin du couple, et enfin Michel Déon, royaliste, ancien secrétaire de Maurras un temps. Ne parlons pas de Céline dont la lecture rendrait donc à coup sûr judéophobe. Si on devait ne conserver en rayons que les auteurs ayant eu une attitude noble pendant cette période il ne resterait plus grand monde.

 

A commencer par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, pourtant icônes de la bien-pensance qui n'ont pas cessé d'écrire et de travailler pendant l'Occupation. Les deux résistaient de la terrasse du "Flore", ce qui l'on en convient, témoigne de leur confort d'existence en ces années là.

 

C'est aussi que ces successeurs de l'abbé Bethléem sont tout simplement pour certains d'entre eux parfaitement incultes. Ils ne veulent surtout pas faire l'effort de se cultiver et se justifient en invoquant les "mauvaises" opinions des écrivains qu'ils expurgent des bibliothèques. Ils veulent montrer également par là-même leur orthodoxie avec la "bonne" pensée. Et ils évitent ainsi toute culture, c'est fatigant la culture il faut avouer. Ils le nieraient avec force mais ils sont également des genres de curés d'une nouvelle manière, des curés sans soutane autrement plus dogmatiques.

 

Image empruntée ici 

Sic Transit Gloria Mundi, Amen

 

Amaury - Grandgil




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