lundi 18 juin 2012 - par Caroline Courson

De l’influence de la météo sur le moral des troupes...

"Il pleure dans mon coeur

Comme il pleut sur la ville.

Quel est cette langueur

qui pénètre mon coeur ?"

(Paul Verlaine)

Si l’on échappe au moins, maintenant que les écologistes ont rendu les français un peu plus intelligents, aux sempiternels « c’est la terre qui se refroidit » ou « y’a plus de saisons », les visites matinales à ma boulangère sont quand même accueillies ces temps derniers par des lamentations jérémiesques du style « CA VA S’ARRETER QUAND CE MOIS DE JUIN POURRI ??? » auxquelles je réponds logiquement « au mois de Juillet » - mais, la météo n’étant pas une science exacte et mon humour pas toujours compréhensible par les chalands campagnards, la prévision d’un avenir agréablement pavé de journées idylliques en bleu et or ne peut se décliner qu’ en dubitatives promesses de normand…

Et comment pourrait-on l’avoir, ce fameux moral-au-beau-fixe que nous attendons tous, lorsque l’on n’a pour unique horizon qu’un ciel bas et lourd pesant comme un couvercle (merci Baudelaire) et pour seul résultat tangible de la moindre échappée à visée d’oxygénation qu’une chevelure sentant le chien mouillé et des pieds qui pleurent d’avoir trop pataugé dans les flaques ?

Si certains psychologues et médecins revendiquent haut et fort l’influence délétère d’un climat maussade sur la santé humaine, d’autres osent nous affirmer qu’il n’en est rien et que « tout est une question de culture ». Pourtant le soleil, qui n’était encore pas astre, fut vénéré tel un dieu et matérialisé par la puissance de l’or dans toutes les civilisations qui nous ont précédés : du Râ égyptien à l’Utu sumérien et au Manco Capac des Incas, son grand lever de monarque absolu a toujours provoqué des prières d’action de grâces, et sa disparition vespérale derrière l’horizon crépusculaire des crises d’angoisse en tous genres (sauf pour les noctambules, les nyctalopes et autres déviants pervers…)

Le spleen par temps de pluie nous semble une réaction compréhensible alors que, si nous ne sommes pas joyeux lorsqu’il fait beau, nous nous sentons aussitôt exclus du bonheur si fièrement revendiqué par le genre humain actuel. Alors vraiment, nos humeurs tombent-elles du ciel – autrement dit, y a-t-il une relation de cause à effet entre nos intempéries intérieures et le climat ?

Rien n’est moins sûr, nous dit le Dr David Watson dans son ouvrage « Mood and Temperament » (2000) qui, recensant une vingtaine d’études sur le sujet depuis les années 80 n’a pas trouvé beaucoup de corrélation entre ces deux éléments et en arrive à une conclusion totalement contre-intuitive : le temps n’influencerait pas notre moral ! Cette croyance stéréotypée serait fortement culturelle, même si elle remonte à la préhistoire et a des présupposés pratiques et matériels : le soleil permettait aux chasseurs-cueilleurs d’il y a 150 000 ans qui ne connaissaient ni le feu ni les vêtements de s’éclairer, de se réchauffer et de se nourrir. Bref, il était vital… Normal donc, qu’il fût considéré comme bienfaisant avant d’être déifié dans des sociétés plus abouties.

Quoi qu’il en soit, l’homme est un mammifère qui vit sous l’influence des saisons… Et le soleil permet, par la réflexion de ses rayons sur notre peau, la production de vitamine D dont la carence entraîne faiblesse musculaire, grosse fatigue, irritabilité, trouble de la concentration, baisse de la libido etc… Totale déprime quoi ! D’ailleurs, les pays nordiques voient leur taux de suicide augmenter pendant leurs hivers aux nuits presqu’éternelles. De surcroit, en cas de pluie, notre corps produit beaucoup plus de ce cortisol, hormone du stress pouvant se transformer en vecteur d’agressivité potentielle, selon le psychologue Pierre Faubert.

Mais il y a aussi la démonstration inverse : est-il possible, a contrario qu’il y ait une corrélation entre le grand beau temps et la révolte ? Bizarrement, aucun météorologue (sauf peut-être Guillaume Séchet qui, en tant que géographe de formation s’est intéressé, comme son illustre prédécesseur Elisée Reclus , aux implications sociales du climat) ne se réfère jamais au temps qu’il faisait lors des grands évènements historiques. Alors que l’on dissèque le passé au scalpel et dans tous les sens, c’est comme si les caprices du ciel, lors de dates importantes pour l’humanité, étaient toujours relégués au poste profits et pertes. Il y aurait pourtant là matière à des recherches passionnantes autant qu’originales !

 On sait quand même que certaines actions belligérantes (guerres mondiales, 11 Septembre 2001, révoltes populaires…) ont démarré lors de périodes où l’activité solaire était à son paroxysme. Et s’il est à peu près établi que la pluie battante qui détrempait jusqu’à plus soif la morne plaine de Waterloo le 18 Juin 1815 est l’une des raisons du désastre français, peut-on aussi penser que la révolution de 68 n’aurait pas été ce qu’elle fut sans le beau temps insolent qui poussa peut-être les étudiants de Mai à investir la rue et à sortir de leurs gonds ? (par miracle, celle-là n’a pas eu à déplorer les 10 813 morts de la bataille Napoléonienne, les pavés se révélant quand même moins dangereux que les canons et autres « boîtes à mitraille » et le beau soleil, in fine, plus clément pour les vies humaines que le déluge !)

Alors, que croire, que dire, que faire ? Car, franchement, avoir de la flotte plein les yeux et les vêtements dégoulinant des larmes du ciel ( à moins d’être Sa Très Gracieuse Majesté qui s’en délecte, mais après tout elle peut bien se vautrer dans les dérives qu’elle veut …), ça n’est pas vraiment la meilleure façon d’atteindre le nirvana !

Les noires colères de la planète et les débordements climatiques restant, dans notre société occidentale - où l’on a tendance à ouvrir le parapluie avant qu’il ne pleuve et à vouloir se protéger même des impondérables, à tout prévoir, tout diriger, tout éviter - les seuls domaines encore incontrôlables par la technologie, ne peut-on pas se consoler en se persuadant qu’après tout, elles demeurent peut-être, et antinomiquement, notre dernier espace de liberté ?

On n’y peut rien, alors on attend que ça passe… Et on profite de l’hypersécrétion de mélatonine aux vertus somnifères que nous offre en cadeau la grisaille ambiante pour se réfugier plus souvent dans les bras de Morphée qui, soit dit en passant et malgré sa terminaison en e muet virginal, est un très beau spécimen de mâle et pas une nymphe câline et apaisante. Etonnant, non ???



1 réactions


  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 18 juin 2012 15:50

    De l’influence aussi de la météo sur le moral des croupes ,pas beucoup de minijupes et ça m’attriste !
    Bon écrit , merci .


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