De l’Intelligence Artificielle au Bangladesh
Que ceux qui sont nés dans les vingt premières années du XXIᵉ siècle se méfient. Leur monde, de par le développement du numérique, n’a rien à voir avec celui de leurs parents, dont certains, heureusement, n’ont pas connu ChatGPT et autres illusions de cette Intelligence artificielle, qui est à l’intelligence, ce que l’orgue de Barbarie est à l’orchestre symphonique.
Á force d’inventer des outils sophistiqués pour remplacer les humains, ces derniers vont disparaître et les outils se rouiller. Et demain, les singes les regarderont avec circonspection.
Ceux qui s’extasient sur leurs nouveaux jouets osent annoncer que de nombreux métiers vont disparaître. Ils ne s’en soucient guère tant ils méprisent les peuples dont ils ont tant besoin, pourtant, répétons-le, pour leur vendre ce que des esclaves fabriquent, depuis plus de vingt ans, dans les pays pauvres. Mais jusqu’à quand cette Mondialisation heureuse ?
Rappelons que le 24 avril 2013, au Bangladesh, il y eu plus de mille morts, dans l’incendie d’un immeuble abritant plusieurs ateliers de confection. Comme certaines ouvrières, qui n’en pouvaient plus, désertaient leur machine à coudre, les portes et les fenêtres avaient été cadenassées. Elles étaient enfermées et n’ont pu s’échapper.
Le scandale des délocalisations fit les gros titres de la presse, bien vite oublié, c’est si bon pour le "pouvoir d’achat", et surtout pour engraisser les multinationales !
Dix années après, le 10 novembre 2023, Le Monde titre « Au Bangladesh, des milliers d’ouvriers du textile dans la rue ». Six cents usines ont dû fermer leurs portes. Certaines ont été incendiées ou vandalisées. Les salariés vivant dans la misère réclament que leur salaire mensuel, 68 euros (8000 takas), soit triplé. Sans cela, disent-ils, « il nous est impossible de survivre ».
« Le Bangladesh est le deuxième plus gros exportateur de vêtements de prêt-à-porter derrière la Chine, pour les grandes marques occidentales comme Gap, H&M, Hugo Boss ou Adidas ».
Après plus d’un siècle de luttes sociales, oubliées de l’école et des médias, il n’en reste que quelques bonnes intentions aussi mensongères que cyniques. La classe ouvrière fut abandonnée, les services publics réduits à leur plus simple expression, tout cela sur l’autel de la Mondialisation, un mot qui ne veut rien dire. Le commerce international existe depuis quelques millénaires, mais il n’était pas dans les mains de quelques oligarques bénéficiant de milliards de clients, amassant des fortunes installées dans des paradis fiscaux, et leur permettant de corrompre jusqu’aux plus hautes autorités.
Nos nouveaux esclaves ont besoin d’énergie pour travailler, il leur suffit donc de manger un minimum pour nourrir leurs neurones.
L’Intelligence artificielle a besoin d’un nombre faramineux de données dans tous les domaines et de les analyser à très grande vitesse.
Elle consomme donc énormément d’énergie. Un véritable gaspillage pour les résultats d’aujourd’hui.
En réalité, cet amusement pour ploutocrates, décrit comme un bienfait pour l’humanité, n’est qu’un instrument de guerre, de compétition économique permanente provoquant de gigantesques investissements privant la masse humaine du minimum, ainsi qu’ouvrant encore et encore, la voie à toutes les arnaques de plus en plus inimaginables pour le pauvre vulgum pecus.
Un enfer qui ne durera, heureusement, que le temps de l’électricité bon marché. À moins, qu’après avoir obligé tout un chacun à acheter sa voiture électrique, on lui interdira de l’utiliser pour économiser l’énergie, si nécessaire à l’IA !
Philippe Annaba, auteur de « Homo sapiens, un animal dénaturé ».