De la défense de la paix à l’éloge de la guerre
De la défense de la paix à l’éloge de la guerre.
A la suite de la dernière guerre mondiale, la « communauté internationale » s’est mise d’accord pour trouver des mécanismes qui devaient empêcher le déclenchement de nouvelles guerres. Spécialement de guerres provoquées par les forts et dirigées contre les faibles. Petit à petit, dans les faits, la guerre est redevenue le moyen « normal » de règlement des divergences d’intérêts économiques quand l’embargo ne suffit pas. Les organisations internationales encadrant désormais le mouvement et donnant une (apparence de) légitimité à ce qui a été décidé en dehors d’elles (1). Et dont les populations sont, comme toujours, les victimes en fin de course. Et les fauteurs de guerres, comme il est d’usage en pareil cas, conditionnent l’opinion publique à accepter ces conflits, d’autant plus aisément que les opérations militaires se déroulent loin des frontières nationales (et que les soldats ne sont plus des soldats du contingent). Conditionnement de l’opinion publique, effectué selon les diverses méthodes connues. Jouant sur la psychologie (défense des droits, des libertés des populations - qui vont en réalité en ressortir décimées-) et en camouflant l’objet réel des opérations militaires (2). Comme on l’a vu à l’occasion des guerres menées, pour les raisons que l’on a bien évidemment fini par apprendre (mais après coup), contre l’Irak, la Libye, la Syrie ( pour les plus récentes et dans cette partie du monde),
En ce moment, la mode se répand de dire et de redire à l’opinion publique que « nous » sommes « en guerre », et que « l’ennemi, c’est l’Islam ». Et que le Coran porte en lui divers dérèglements, parmi lesquels les attentats ou les tentatives de création d’Etats pratiquant la Charia.
I
Ces formules font mouche (elles sont forgées à dessein) puisque des attentats sont commis, au nom de l’Islam, sur notre territoire. Quant à la guerre, elle concerne en réalité des territoires (dont le sous-sol est intéressant) sur lesquels des opérations militaires en cours risquent de durer. Ce qu’il convient de faire comprendre à l’opinion publique et de lui faire supporter, sans qu’elle pose de questions.
Mais si l’on s’amuse (si l’on ose dire) à transformer ces affirmations péremptoires en questions, on s’aperçoit que lesdites formules sont certes entraînantes, mais qu’elles ne sont ni exactes ni opportunes.
1/ Sommes-nous en guerre ?
Si l’on parle du fait que nous neutralisons les porteurs de bombes et que nous nous apprêtons à empêcher de nuire ceux des « djihadistes » qui, d’aventure, arriveraient à rentrer en France, on ne peut pas parler de « guerre ».
Si l’on décidait de pratiquer des représailles armées (ne serait-ce qu’avec les services spéciaux) contre les Wahhabites et leurs princes s’ils ne cessent pas de financer des opérations militaires (au moins celles que les Américains ne leur ont pas demandé de mener, ou que les dirigeants de pays vassaux ne qualifient pas de « bon boulot »), et s’ils ne cessent pas de confier à leurs agents la direction des moquées qu’ils construisent, on pourrait dire qu’on leur fait la guerre. Mais on ne le fait pas. Alors, on ne peut toujours pas parler de guerre.
2/ L’Islam est-il l’ennemi ?
Des théologiens (surgis de nulle part … ou de partout) ont eu une idée (métaphysique ?) astucieuse : ils partent des actes violents commis par des individus au nom du Coran, et ils vont chercher dans le Coran, dans les sourates et dans les propos de certains imams, les phrases qui peuvent annoncer ces comportements « ennemis » . Et ils les trouvent puisque c’est ce qu’ils voulaient (3). Seulement on pourrait faire la même chose en fouillant dans la Tora, commentée par des hommes savants ou dans les Evangiles éclairés par les conciles et les dignitaires de l’Eglise. On y trouverait nécessairement ce qu’on voudrait y trouver. Pour pouvoir faire la démonstration, au choix, que tel texte portait en lui le germe des guerres de religion ou qu’il donnerait l’explication des guerres de conquête (croisades, et pourquoi pas colonisation). Ou que tel autre texte contenait la programmation de la confiscation –réalisée près de 3500 ans plus tard- des terres des descendants des Hébreux.
Comme ils pourraient sans doute, si on le leur demandait, rattacher à telle des prophéties de Nostradamus, l’installation d’un individu à l’Elysée ou d’un autre sur le trône de Saint-Pierre.
II.
La mise en relation du « nous sommes en guerre » (4) et du « l’ennemi c’est l’Islam » donne par ailleurs des résultats … surprenants
1/ A l’intérieur.
On met d’abord tous les Musulmans « dans le même sac ». Puis « on » reproche à ceux qui pourraient être des bons de ne pas apporter la preuve qu’ils ne sont pas des mauvais.
Alors, certains qui viennent d’Afrique du Nord, retrouvent le réflexe des colonisés, en oubliant un peu que leurs ascendants avaient payé cher pour ne plus avoir à courber l’échine. Et font ce qu’ils peuvent pour essayer humblement d’apporter, … art difficile, la preuve négative. Coincés qu’ils sont entre ceux qui leur présentent cette demande et ceux qui, dans l’autre sens marquent des points (avec parfois l’involontaire, mais efficace concours de quelques membres des corps constitués).
Les autres qui en ont assez d’être pris pour des gens à part et traités comme tels, agissent ès qualité. Et de possiblement bons, passent au franchement mauvais, et de solubles dans la République à inassimilables.
Ce qui fait qu’il est difficile de savoir à quel moment un Musulman peut être présumé « bon », et à quel moment on est certain qu’il ne l’est pas, voire qu’il est un « sayan » ou un « hired hand » de « l’Etat islamique ».
2/ A l’extérieur, il y a les Wahhabites.
Qui, vus de notre côté, sont sans doute les « pires ». Surtout le vendredi, quand, à Ryad ou dans les environs, ils décapitent les apostats et les blasphémateurs (5) . Pour eux, les Chrétiens, les Juifs, et les Musulmans d’autres obédiences, sans compter les Athées, sont des mécréants. Auxquels il faut inculquer, par la méthode forte s’ils sont d’un autre avis, les seules bonnes idées qui existent sur terre. Et auxquels il faut faire adopter, de la même manière, le vrai mode de vie. Pour couronner le tout ils financent ceux qui veulent installer sur terre un Etat religieux de plus (qui s’ajouterait à ceux, de confessions diverses, qui existent déjà), et persuadent de pauvres types d’aller tuer - dans la logique d’une « guerre asymétrique »- les citoyens de pays dont les dirigeants envoient des troupes se battre contre eux.
Mais ces mêmes Wahhabites s’entendent avec les mécréants chrétiens, juifs et athées pour le commerce du pétrole et des armes. Ils s’entendent aussi avec les mêmes pour aller déloger, avec des mercenaires qu’ils paient et que lesdits mécréants arment et conseillent, les gouvernants qui déplaisent aux uns ou /et aux autres. Soit parce que les fâcheux marchent avec les Russes ou les Iraniens pour le pétrole. Soit parce qu’ils désapprouvent la politique expansionniste israélienne. Soit qu’ils sont chiites. Ou les trois. Les gourvenants iranien ou syrien donnant l’exemple de dirigeants « qui les accumulent … ».
Ce qui fait que selon l’angle sous lequel on considère la chose, le Musulman adepte de la Charia peut être un ami s’il est un prince fortuné, ou un ennemi à abattre si c’est un pauvre type.
Dans un tel contexte, on est certain d’avoir un sujet de conversation sur la guerre « juste » ou odieuse et un autre d’excitation contre l’ennemi extérieur ou intérieur … pour un bon bout de temps ! Tant que les opérations ne seront pas terminées. Et, évidemment, tant que les citoyens ne viendront pas à penser qu’on se moque d’eux.
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités.
(1) https://www.youtube.com/watch?v=BH9SHxetO1I
(2) https://www.youtube.com/watch?v=1QuAiqLxT2c ; https://www.youtube.com/watch?v=kq5q17DDzJk
(3) Dans le contexte actuel fait de subtilités (v. notre propos) , il devient de plus en plus complexe de tracer la ligne de partage entre la religion et l’Etat. Surtout qu’on ne peut faire confiance ni aux religieux, ni aux politiques, qui argumentent pour défendre leur job et leur boutique. Peut être faudrait-il poser la question à ceux qui doutent ou ne croient pas. Pour l’agnostique ou pour l’athée, les textes qui sont « sacrés » pour les croyants, et qui sont censés avoir été dictés ou inspirées par Dieu, sont, au mieux, de belles histoires de la même veine que l’Iliade et l’Odyssée. Dont Homère n’a pas eu l’audace de dire que c’était l’un de ses dieux qui lui avait tenu la main pour l’écriture de ses oeuvres. Belles histoires dans lesquelles il a été écrit, entre autres, qu’il fallait changer les habitudes. Que dorénavant, il ne fallait plus croire à plusieurs dieux, mais à un seul, immatériel. Que certains grands peintres respectés de la Renaissance et quelques journalistes détestés du 11ème arrondissement de Paris, ont quand même représenté sous la forme d’un vieillard auréolé à barbe blanche. La réponse du non croyant est alors simple : « Qu’ils croient, mais qu’ils me fichent la paix ». Ce qui se passe dans des lieux fermés ne dérange pas (sous réserve que le lieu fermé ne soit pas une base d’organisation des débordements). Ce qui déborde peut déranger et doit être prohibé, et en tous cas, n’a pas à faire l’objet d’une protection de la part de l’Etat. Et encore moins d’une mise en application.
(4) Cette formule rappelle incidemment que de nos jours on attaque des pays étrangers sans même leur déclarer la guerre, comme c’était jadis d’usage. Formalité devenue d’ailleurs inutile puisque le (pseudo) droit d’ingérence « permet » au plus fort de se dispenser de respecter divers principes du droit international comme celui du respect de la souveraineté ou celui de la non ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat.
(5) On rappelle à l’occasion de ces propos, que dans une République laïque ainsi que la Constitution française le proclame, des députés ont quand même déposé des propositions de loi pour punir le blasphème –sic-.