mardi 22 février 2011 - par Michel Koutouzis

Demi-jambes, aisselles maillot et lèvres

Je discutais à Genève avec un crack de l’informatique, lors d’une réunion organisée par l’OMS. J’étais très embêté par ce que mon ordinateur n’acceptait plus les DVD, va savoir pourquoi, et donc je ne pouvais plus montrer certains passages de mon film sur les faux médicaments. Embêté c’est peu dire, puisque je n’étais ici que pour cela. Pendant qu’ils cherchaient un autre lecteur, la discussion allait bon train sur des sujets ô combien inintéressants (tout simplement par ce que je ne comprends rien à l’informatique) pendant que ce dernier bidouillait mon mac quant survint une brunette fort jolie, qui s’avéra être la femme de l’informaticien. Tout ça pour dire que dès lors, la discussion devint intéressante puisqu’elle porta sur l’esthéticienne d’où venait de sortir la jeune femme. Du coup j’ai appris que l’informaticien était originaire d’Alexandrie, que la jeunette était beurette et l’esthéticienne feuj. Une feuj qui faisait certes le shabbat mais adorait les fruits de mer. La beurette était en mini jupe, mangeait hallal, mais se faisait (chez la feuj), et au moins une fois par mois, la totale : demi-jambes, aisselles, maillot et lèvres. C’est quoi ce truc là ? M’aventurai-je. Elle se mit à m’expliquer cette galère existentielle vécue au rythme des menstruations (autre galère) et qui consiste à chasser le poil partout où il se manifeste ou déborde. Entre temps l’ordinateur aux mains du crack céda et la séance pouvait ainsi commencer. 

Mais ce n’était que partie remise. Je retrouvai le jeune couple peu après, pour continuer notre discussion mystérieuse sur une terrasse bordant le lac Léman. Ne croyez pas que la discussion se résuma aux poils. Très vite, des questions esthétiques et philosophiques surgirent ; les Adonis (le grec et le libanais) - intemporels tous les deux – remplacèrent en tant que sujet les pilosités envahissantes, puis survint dans la conversation Georges Tarabichi grand connaisseur de Hegel, et Hichem Charabi pour aider la beurette de consolider son discours, déjà très solide, sur le fléau du néo-patriarcat qui sévit en terre d’islam. Les choses se corsèrent. Me voilà parti, docte et insouciant, à la charge avec ma cavalerie légère et que vois-je pointer à l’horizon ? La redoutable artillerie russe. Je répliquai (voulant insister sur le registre léger) avec Lysistrata elle me sorti illico Médée.

Je me sentis très vite conquis, que dis-je, submergé. Ce jeune couple nord africain, désormais résidant en Suisse, par son existence même, ici, aux bords du la Léman, était une réponse vivante à la campagne xénophobe menée tambour battant avec l’aide des affiches comparant les minarets aux baïonnettes d’une armée de l’ombre et pourtant exhibitionniste. Nous n’avons rien demandé me dit le crack. Et encore moins des minarets. On a appris ce « truc » par la presse. Ils ont tout fait tous seuls : la demande, le referendum et la réponse.

Je leur ai fait remarquer que cette histoire de baïonnettes était une référence à une déclaration du premier ministre turc. On sait, on sait, répondirent-ils en rigolant. Ce monsieur doit bien dire quelque chose face à sa propre armée. Mais en quoi cela nous concerne-t-il ? A les voir comme ça, bien sûr que tout cela me paraissait futile, d’autant plus que l’Egypte et la Tunisie étaient passées par là. Tu sais, avant cette histoire, il y avait les kosovars. Et demain ça sera autre chose. Les voitures sales par exemple. Ou les gangsters marseillais. Il leur faut toujours quelque chose, mais au fond ils ne sont pas si terribles que ça… Ca ne nous empêche pas de siroter notre pastis.

La beurette philosophe regarda sa montre. Il faut aller chercher les enfants à la crèche. Les enfants ? Oui, il y a certaines habitudes qui sont chez nous increvables : faire des gosses par exemple. 

On se fit la bise.

Dans le TGV de retour je pensais à ces retours sans fin sur l’islam, l’identité et  les mosquées, servis en France jusqu’à l’écœurement. Et je me suis dit que cette fois, c’était la fois de trop. Cette fois je ferme ma gueule. Et voilà le résultat. 



7 réactions


  • frugeky 22 février 2011 09:20

    Oh la belle tolérance, pleine de poésie moderne.
    Allez faire entendre ça à des haineux de base nourris à TF1 (style hortefeux).
    Et la belle beurette et son mari sont musulmans, certainement.
    Musulmans et modernes. Mais, mais,mais, on nous ressasse qu’ils sont obscurantistes !


  • volpa volpa 22 février 2011 11:29

    Des cas particuliers ne font pas des généralités.

    Par exemple les princes saoudiens en voyage en Europe sont très très larges d’esprit.


  • Philou017 Philou017 22 février 2011 13:38

    La réflexion d"un Musulmane voilée, fille de prédicateur, sur la démocratie. Bien loin des préjugés, cette analyse est d’une profondeur que devraient envier certains de nos compatriotes :

    Islam et Démocratie

    • Miss Fischer-Brown 22 février 2011 17:21

      Autres réflexions 


      Les fausses considérations ne nous sont d’aucun secours sur le plan politique. Aucune femme ne souhaite une ‘culture’ de l’avilissement, aucune femme ne souhaite la violence. (…) De nombreux hommes politiques européens sont simplement naïfs en continuant par exemple de tolérer le port du hijab, le voile, par les petites filles. Ne se demandent-ils jamais pourquoi la majorité des musulmans se taisent sur les questions élémentaires ? » Mina Ahadi

      Le totalitarisme islamique. Chahdortt Djavann, considérant que le droit de critiquer les religions et leurs dogmes est un droit essentiel, indispensable à l’existence de la démocratie, a publié, une contribution au débat dans Le Figaro du 10 février 2008, dans lequel elle demande que l’Union européenne reconnaisse les fatwas incitant au meurtre comme un acte criminel et engage des poursuites internationales contre ceux qui décrètent de telles fatwas

      Une femme musulmane qui se lève contre l’Islam : Wafa Sultan

      Elles sont nées dans l’islam. Elles savent pourquoi elles le rejettent
      Lire la suite ▼

  • Georges Yang 22 février 2011 16:21

    Il semble que le Dieu monothéiste n’aime pas l’exhibition du poil et du cheveu féminin.
    Les femmes juives orthodoxes cachent leurs cheveux d’un foulard et désormais d’une grosse casquette. Les religieuses mettaient il n’y a pas si longtemps des cornettes et il fallait aller à l’église catho ou orthodoxe les chveux couverts . On se souvient des mantilles des belles Espagnoles.
    Quant aux musulmanes, inutile de rapeller toutes ces histoires de niqab, hidjab et burquas.
    Par contre les vraies croyantes juives, chrétiennes et musulmanes ne s’épilent pas les sourcils et les lèvres, comme si la coquetterie était une insulte à Dieu.
    Heureusement, nombre sont celles Pour qui la religion n’est qu’une coutume et qui se permettent des accomodemments.


  • antonio 22 février 2011 17:51

    Une anecdote intéressante qui bat en brèche bien des stéréotypes d’autant plus complaisamment répandus que les élections approchent...


  • Asp Explorer Asp Explorer 22 février 2011 22:45

    Si on considère qu’un informaticien Suisse doit gagner dans les 70000 euros annuels, peut-on réellement considérer ce couple comme représentatif de l’immigration nord-africaine en Europe ?


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