Demi-jambes, aisselles maillot et lèvres

Je discutais à Genève avec un crack de l’informatique, lors d’une réunion organisée par l’OMS. J’étais très embêté par ce que mon ordinateur n’acceptait plus les DVD, va savoir pourquoi, et donc je ne pouvais plus montrer certains passages de mon film sur les faux médicaments. Embêté c’est peu dire, puisque je n’étais ici que pour cela. Pendant qu’ils cherchaient un autre lecteur, la discussion allait bon train sur des sujets ô combien inintéressants (tout simplement par ce que je ne comprends rien à l’informatique) pendant que ce dernier bidouillait mon mac quant survint une brunette fort jolie, qui s’avéra être la femme de l’informaticien. Tout ça pour dire que dès lors, la discussion devint intéressante puisqu’elle porta sur l’esthéticienne d’où venait de sortir la jeune femme. Du coup j’ai appris que l’informaticien était originaire d’Alexandrie, que la jeunette était beurette et l’esthéticienne feuj. Une feuj qui faisait certes le shabbat mais adorait les fruits de mer. La beurette était en mini jupe, mangeait hallal, mais se faisait (chez la feuj), et au moins une fois par mois, la totale : demi-jambes, aisselles, maillot et lèvres. C’est quoi ce truc là ? M’aventurai-je. Elle se mit à m’expliquer cette galère existentielle vécue au rythme des menstruations (autre galère) et qui consiste à chasser le poil partout où il se manifeste ou déborde. Entre temps l’ordinateur aux mains du crack céda et la séance pouvait ainsi commencer.
Mais ce n’était que partie remise. Je retrouvai le jeune couple peu après, pour continuer notre discussion mystérieuse sur une terrasse bordant le lac Léman. Ne croyez pas que la discussion se résuma aux poils. Très vite, des questions esthétiques et philosophiques surgirent ; les Adonis (le grec et le libanais) - intemporels tous les deux – remplacèrent en tant que sujet les pilosités envahissantes, puis survint dans la conversation Georges Tarabichi grand connaisseur de Hegel, et Hichem Charabi pour aider la beurette de consolider son discours, déjà très solide, sur le fléau du néo-patriarcat qui sévit en terre d’islam. Les choses se corsèrent. Me voilà parti, docte et insouciant, à la charge avec ma cavalerie légère et que vois-je pointer à l’horizon ? La redoutable artillerie russe. Je répliquai (voulant insister sur le registre léger) avec Lysistrata elle me sorti illico Médée.
Je me sentis très vite conquis, que dis-je, submergé. Ce jeune couple nord africain, désormais résidant en Suisse, par son existence même, ici, aux bords du la Léman, était une réponse vivante à la campagne xénophobe menée tambour battant avec l’aide des affiches comparant les minarets aux baïonnettes d’une armée de l’ombre et pourtant exhibitionniste. Nous n’avons rien demandé me dit le crack. Et encore moins des minarets. On a appris ce « truc » par la presse. Ils ont tout fait tous seuls : la demande, le referendum et la réponse.
Je leur ai fait remarquer que cette histoire de baïonnettes était une référence à une déclaration du premier ministre turc. On sait, on sait, répondirent-ils en rigolant. Ce monsieur doit bien dire quelque chose face à sa propre armée. Mais en quoi cela nous concerne-t-il ? A les voir comme ça, bien sûr que tout cela me paraissait futile, d’autant plus que l’Egypte et la Tunisie étaient passées par là. Tu sais, avant cette histoire, il y avait les kosovars. Et demain ça sera autre chose. Les voitures sales par exemple. Ou les gangsters marseillais. Il leur faut toujours quelque chose, mais au fond ils ne sont pas si terribles que ça… Ca ne nous empêche pas de siroter notre pastis.
La beurette philosophe regarda sa montre. Il faut aller chercher les enfants à la crèche. Les enfants ? Oui, il y a certaines habitudes qui sont chez nous increvables : faire des gosses par exemple.
On se fit la bise.
Dans le TGV de retour je pensais à ces retours sans fin sur l’islam, l’identité et les mosquées, servis en France jusqu’à l’écœurement. Et je me suis dit que cette fois, c’était la fois de trop. Cette fois je ferme ma gueule. Et voilà le résultat.