Démocratie citoyenne : le FN, un allié inattendu ?
Le pays bouillonne. Le peuple commence à montrer les dents, ne supportant plus le gouvernmement d'élites professionnelles qui ne s'occupent pas d'eux.
Aspirant au changement de gouvernance démocratique, de nombreuses initiatives se font jour pour bousculer les équilibres du passé. Mais, paradoxalement, c'est peut-être du Front National, une force qui n'a rien à faire de ces aspirations démocratiques de nouvelle gouvernance, que pourrait venir, en 2017, le premier coup fatal ouvrant les portes du renouveau.
Démocratie signifie étymologiquement « gouvernement par le peuple ». Malgré les apparences soigneusement entretenus autour du suffrage universel il y a bien longtemps qu’elle est morte chez nous, confisquée par les partis, les lois qui placent les élus dans des tours d’ivoire, et les cuisines électorales revisitées chaque fois qu’un « danger » d’origine démocratique menace le pouvoir.
Exemple frappant que nous avons tous vécu il y a 3 ans : l’élection « par défaut » des représentants de Boisemont à la CACP. Ces représentants étaient jusque là élus par les élus, après les élections municipales. Mais, le pouvoir de ces groupements augmentant, l’idée d’avoir des décideurs politiques non élus au suffrage universel a chatouillé des cerveaux officiels dans les ministères, et on a inventé l’élection par défaut. On élit des gens, subrepticement, sans qu’ils aient de programmes (quel était le programme de la CACP en 2013 ?), sans opposition identifiable, et on dort tranquille, le modèle de notre démocratie est « sauf »…
Mais de tout cela le peuple n’est pas dupe, et le désintérêt massif des jeunes pour la politique montre à quel point ces pratiques anciennes sont aujourd’hui hors d’âge. D’une autre façon c’est aussi ce que traduit le mouvement Nuit Debout, un événement remarquable par ce qu’il montre du degré d’ébullition du tissu citoyen.
Et, de fait, le Peuple, c’est à dire ceux qui choisissent de s’exprimer, de la façon qui leur plaît, se prépare à changer les règles du jeu, pour prendre une place plus centrale, plus constante, dans la vie et les décisions publiques. Voici quelques exemples des idées qui circulent et grandissent parmi les citoyens de ce Peuple en mouvement :
- MaVoix.org : cette initiative, initiée en 2015 par une journaliste discrète et modeste, vise à changer les règles de gouvernance à l’assemblée nationale en 2017. Les candidats MaVoix à la députation seront tirés au sort parmi des citoyens non professionnels de la politique, volontaires et formés avant le tirage au sort. À l’Assemblée, leur rôle sera de présenter aux citoyens les mesures en discussion, et de les faire s’exprimer sur ces mesures. Ils seront alors les porteurs de ce que les citoyens auront dit, et voteront selon strictement ce que ceux-ci auront décidé. Un modèle qui répond parfaitement aux demandes du peuple en mouvement, sans proposer de cassure des institutions. Première épreuve du feu à Strasbourg dans quelques semaines. Gageons que ce hacking de l’assemblée, s’il réussit, mettra aussi en son sein des lanceurs d’alerte qui y feront entrer de l’air frais par de multiples fenêtres.
- La primaire des Français ou la primaire.Org : portées par plusieurs partis et mouvements citoyens, ces initiatives visent la présidentielle. L’objectif est d’y amener un candidat de la société civile, choisi directement par les citoyens, sans sélection, parmi des citoyens motivés qui présenteront un programme. Lancée en avril 2016, La primaire des Français a recueilli d’ores et déjà 80.000 supports citoyens, et espère pouvoir compter sur le soutien de maires de petites communes, parfois moins politisés et plus « raisonnablement citoyens » que les professionnels des grandes communes. Les primaires (la primaire, après unification ?) elles-mêmes auront lieu à l’automne 2016. La chance de ces candidats es nulle, mais le mouvement est un fort symbole : il s’agit de ré enchanter cette élection, en offrant aux citoyens désabusés et désespérés par les appareils un autre alternative que le FN ou l’abstension.
- le tiers citoyen : cette idée commence à diffuser dans les mouvements citoyens activistes. Il s’agit d’un exemple des changements constitutionnels « simples » qui rendraient au peuple une place centrale dans la vie publique. L’idée est en effet simple : dans toute assemblée d’élus ou de décideurs publics 2/3 d’élus et 1/3 de citoyens. Ces dernier, tirés au hasard parmi des candidats formés pour la fonction, siègeraient dans les assemblées et les commissions, avec les mêmes pouvoirs que les élus (proposition, étude, rôles dans les commission, accès aux documents, votes, …). Mais ils auraient un pouvoir fort pour assurer que le peuple est entendu directement lors des décisions de l’assemblée : aucune mesure ne pourrait être adoptée si la moitié d’entre eux n’y est pas favorable. Simple à comprendre, pas si difficile à mettre en œuvre, puissante par son impact, cette idée fait partie de celles que, gageons le, vous aurez l’occasion de voir faire surface dans le débat public dans les années à venir.
Dernière approche qui, paradoxalement, pourrait bien faire avancer la citoyenneté dans nos institutions : voter FN. Le programme de ce parti n’a rien de particulièrement citoyen ou participatif mais, même s’ils échouent (ce qui est probable) à prendre la présidence, il est fort possible qu’ils entrent massivement à l’assemblée nationale ensuite. Et si, suite à cette élection, le nouveau président ne dispose pas d’une majorité absolue avec son seul parti, nous pouvons connaître une situation de blocage des institutions, préambule à une remise à plat de la constitution.
Citoyens, nous avons le choix des voies pour nos voix.