Dernier voyage du Clémenceau : et vogue la galère

Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’ultime périple du porte-avion Clémenceau a tout d’une galère.
Parti le 31 décembre de France, pour échouer lamentablement en Inde, sur
le chantier Shree Ram Scrap Vessel, dans le Gujarat, où il sera
désamianté puis démantelé, le fier navire désarmé a bien failli ne pas
faire la moitié du chemin. Pendant dix jours, le vaisseau déjà presque
fantôme s’est retrouvé bloqué aux portes du Canal de Suez, stoppé
d’abord par les autorités égyptiennes, désireuses de s’assurer qu’il
n’allait pas pourrir le célèbre canal de Ferdinand de Lesseps, puis par
des "tracasseries administratives" (sept jours de "tracasseries", quand
même).
Le feu vert a finalement été accordé,
plus pour des raisons politiques qu’autre chose, selon les militants de
Greenpeace, verts de rage que les autorités égyptiennes aient
finalement donné leur accord, pour une traversée de 15 heures le long
des 163 km du canal, remorqué par 4 embarcations. Fin de l’histoire ?
Pas si sûr, puisqu’il n’est même pas sûr que le fameux bâtiment de guerre puisse accoster en Inde. Comment peut-on laisser partir une grosse
poubelle maritime polluante, bourrée d’amiante, peut-être même un brin
radioactive sur les bords, sans (1) s’assurer qu’il pourra passer le
Canal de Suez sans problème, (2) s’assurer qu’il a un point de chute
certain pour son dernier voyage ? Les voies de l’administration et du
droit international sont impénétrables...
Que faut-il donc espérer, alors ? Que
l’Inde, finalement, fasse front pour dire aux Français qu’ils peuvent se
garder leur gros tas de boue rouillé, et que la France ne sache pas
quoi faire de ce gros machin inutile en plein milieu de l’Océan Indien
? De là à ce qu’ils le coulent... Parce que pour repasser par le canal
de Suez, manifestement, il va falloir... repasser, justement. Ou bien que
l’Inde accepte finalement que le bateau rejoigne son dernier
embarcadère pour empoisonner à moindre frais les pauvres ouvriers
indiens ?
Quand je vous parlais de galère...