jeudi 24 septembre 2009 - par Didier Cozin

DIF : il reste 3 mois aux entreprises pour sortir du piège du Droit Individuel à la Formation

En ce mois de Septembre 2009 le parlement met la dernière main à la réforme de la formation professionnelle (engagée depuis septembre 2007).Le Droit Individuel à la Formation va sortir restauré et renforcé de cette réforme (Droit devenant portable, obligatoirement financé chez un nouvel employeur).

Rappelons que le DIF a été inventé en 2003 par les partenaires sociaux et les pouvoirs publics afin de mieux répartir les apprentissages professionnels dans notre pays. L’effort formation (car la formation est un effort) était très inégalement réparti et allait surtout  vers les plus qualifiés. Cet effort formation qui s’élevait à environ 17 h par an et par personne a simplement été porté à 20 h annuelles (soit une augmentation de 15 %). Cet effort, valorisé par le DIF, devient ainsi universel, et équitablement réparti  entre tous les travailleurs du simple manœuvre jusqu’au « top manager ».

Depuis le 7 mai 2004 chaque travailleur en CDI capitalise donc tous les ans 20 heures (pour les intérimaires, les CDD et les saisonniers c’est plus compliqué), cette dette cumulée par les entreprises envers leur personnel se monte à 1 milliard d’heures (100 h multipliées par 10 millions de salariés en CDI actuellement en poste). Crise ou pas la dette formation des entreprises va devoir être honorée par les sociétés. Le DIF sera d’autant plus coûteux et complexe à mettre en œuvre que presqu’aucune entreprise ne se donne encore les moyens de le déployer.

Pourtant le DIF n’est pas une utopie de technocrates, il est le produit d’une laborieuse négociation sociale qui a abouti à un accord unanime en septembre 2003. Ce n’est pas un vœu pieux ou de belles paroles destinés à ne jamais mises en œuvre. Le DIF est une nécessité, une urgence absolue dans le monde du travail alors que la crise économique et sociale fait rage et que des millions de travailleurs doivent reconstruire leur avenir professionnel.

Le DIF est fondamental pour au moins trois raisons

  • Les reconversions professionnelles (32 % des travailleurs ont un projet de reconversion à court terme selon une enquête AFPA en avril 2009). La crise peut être une opportunité de changer de métier, de secteur professionnel, de région, de statut. Pour l’immense majorité le Congé Individuel de Formation sera hors de portée (36 000 CIF par an, un CIF pour 500 salariés !) les bilans de compétences seront eux aussi difficiles à financer (avec un coût unitaire de 1 500 €). Le seul dispositif adapté à la crise, universel  et accessible à tous est le DIF.
  • Le risque de disqualification professionnelle. L’économie des savoirs et de l’information exige une remise à niveau permanente des connaissances. Sans le levier du DIF des millions de travailleurs peu qualifiés ne pourront  trouver ou conserver un emploi durable et de qualité. Ils seront ballotés dans une économie rapide et exigeante où les écarts de culture, d’éducation et les capacités d’apprentissage et d’adaptation cliveront les individus
  • Un vrai capital formation de 120 heures. En 2004 les critiques du DIF estimèrent que 20 h étaient trop peu pour se former, une aumône pour les travailleurs qui ne pourraient rien faire avec des formations si brèves. Ces thuriféraires des programmes de formation étatiques et longs, adeptes du tout ou rien, devront bien admettre que ces 120 h désormais acquises constituent un vrai capital pour les millions de salariés qui n’ont encore  jamais participé à la moindre action de formation.  

En 2010 les qualités attendues d’un travailleur (autonomie, polyvalence, flexibilité, initiative, autodidaxie, résilience, pro-activité, réactivité, mobilité, intelligence émotionnelle, savoir être, savoir vivre, respect de l’éco-système, capacité de travail en équipe…) ne sont plus celles délivrées par la société industrielle des siècles passés. Les travailleurs doivent être accompagnés et formés pour changer et s’adapter aux nouvelles exigences du travail.

En 2000 le sommet européen de Lisbonne avait fixé l’année 2010 comme échéance pour l’entrée de l’Europe dans une économie compétitive et dynamique (« mobiliser les cerveaux européens »). En cette fin 2009 la France aborde l’ économie des savoirs et de l’information avec beaucoup de handicaps : 80 % des français ne maîtrise aucune langue étrangère, 50 % des travailleurs n’utilisent pas l’internet et l’informatique, 60 % des travailleurs n’ont jamais suivi d’action de formation professionnelle, des millions de travailleurs sont illettrés, les jeunes ne connaissent pas les entreprises, les travailleurs seniors sont souvent sans activité, nous ne pratiquons guère le télétravail, nos relations sociales sont souvent conflictuelles et les 35 heures ont stressés plus que libérés les salariés du privé….Nous avons encore d’énormes efforts à entreprendre pour simplement nous hisser au niveau de nos partenaires européens.

Dès 2010 de nombreux travailleurs (20 à 30 % sans doute) vont demander à bénéficier de leur DIF. Ces travailleurs risquent de découvrir que leur entreprise n’a rien anticipé, rien prévu, rien mis en place pour accueillir et organiser leur Droit Individuel à la Formation. Pourtant ce  Droit à la formation n’est ni trop cher, ni trop compliqué, ni  trop décalé face aux attentes des travailleurs. Il est notre nouvel horizon dans la société de savoirs, il y va de l’avenir des travailleurs mais aussi de celui des organisations qui ne demeureront compétitives et solides qu’engagées durablement avec tout leur capital humain.

 Didier Cozin

Ingénieur de formation professionnelle

Auteur des ouvrages « Histoire de DIF » et « Reflex DIF » publiés aux éditions Arnaud Franel.



3 réactions


  • titi titi 24 septembre 2009 12:31

    Vous nous parlez des qualités des travailleurs pour illustrer le besoin de formation.

    Mais ces qualités ne sont elles pas du domaine de l’inné plutot que de l’acquis ?
    Peut on devenir autonome par l’apprentissage ? Je ne pense pas.
    Que dire du savoir être et du savoir vivre !!!


  • faxtronic faxtronic 24 septembre 2009 12:45

    « 80 % des français ne maîtrise aucune langue étrangère, 50 % des travailleurs n’utilisent pas l’internet et l’informatique, 60 % des travailleurs n’ont jamais suivi d’action de formation professionnelle »

    Tes sources SVP, parce que ce que tu dis est complement contraire au rapport europeens sur l usage des langues en europe..... 


  • Didier Cozin Didier Cozin 24 septembre 2009 13:23

    Les étudiants français face à l’anglais :
    ....sont au 69e rang d’un classement mondial opéré sur 109 pays et au 25e dans la liste des 43 Etats européens.....

    Article du journal le monde du 25 aout 2009 « 

     »Les étudiants français toujours aussi nuls en anglais"

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