Digressions
Quand on n’a rien à dire, soit par incompétence soit par résignation, il reste toujours un sujet prompt à attirer l’attention des foules qu’un rien suffit aujourd’hui à intéresser.
On parle alors immigration épicée aujourd’hui d’un pincée de salafisme, une recette bien éprouvée depuis qu’elle fut mise en avant par le père Le Pen, rusé renard qui, se sachant inaudible sur ses sujets de prédilection qui rappelaient trop l’ancien régime et fleuraient bon le révisionnisme vichyssois, a trouvé là un thème que n’importe quel fait divers savamment sélectionné dans un tas informe d’affaires criminelles en raison de l’origine de son initiateur venait appuyer dans son argumentation xénophobe.
A cet égard, il faut lire l’excellent ( du point de vue de la langue ) livre de Jean-Marie Le Pen ( Mémoires d’un fils de la nation ) qui nous offre une anthologie de tous les stéréotypes qui l’ont accompagné dans sa vie politique et qui explique sa haine à la fois du communisme ( en voie d’extinction ) et des Arabes et des immigrés musulmans ou supposés tels.
Sachant qu’expliquer n’est pas nécessairement comprendre et encore moins adhérer à ses lubies mais sachant aussi que l’intolérance n’est pas contagieuse, on peut se laisser bercer par la prose de l’ancien leader du Front National qui nous donne aussi un éclairage singulier sur des décennies de compromissions politicardes d'apprentis sorciers dépassés par leurs propres sottises.
Le Pen agit comme révélateur mais c’est aussi bien entendu l’hôpital qui se moque de la charité.
Le menhir ne faisait jamais que s’inscrire dans une tradition xénophobe dont ceux qui ont assez vécu connaissent bien l’évolution depuis le temps où ils se sont intéressés même de loin à la chose publique. C'est d'ailleurs le seul point intangible de la rhétorique de Front National qui, dans le domaine économqiue, a été successivement reagano-thatchérien, voiolemment étatiste pour devenir sans trop savoir de quoi il retourne trumpiste,bre une palenquée de sentiments aussi divers que contradictoires.
Les Italiens, « bandits de grand chemin » et interdits d’accès dans certains établissements de bouche ou autres estaminets au début des années 50 et qui se sont, vaille que vaille, intégrés à la population en dépit de leur mauvaise image de marque initiale, d’abord en mettant en place leurs propres lieux de rencontre, ensuite de macaronis devenus ritals puis enfin et heureusement citoyens comme les autres.
Leur succédèrent les Yougos qui confluèrent - y compris, c’est vrai, des gens de sac et de corde - à la suite de la guerre civile dont, avec un sens de l’opportunité qui interroge encore aujourd’hui, l’Allemagne de Kohl facilita grandement l’émergence en assurant financièrement le passage à l’indépendance de la Slovénie, région contiguë de l’Autriche et dont la résistance à l’hitlérisme ne fut pas jadis la caractéristique majeure ; le chancelier allemand mit ainsi mettant ainsi en branle la destruction de la fédération yougoslave.
Vint ensuite ou simultanément le temps des Arabes, nom générique englobant Kabyles ou Berbères, venus échanger leur force de travail en France à la demande d’une industrie dont les métiers pénibles peinaient à trouver embauche auprès de la population française taillée, semble-t-il, pour de plus prestigieuses destinées.
Ajoutons pour faire bonne mesure qu’à l’indépendance de l’Algérie une partie des rapatriés gardaient une dent contre les vainqueurs dont ils avaient fui les foudres et qui avaient valu à certains de grands déboires sur le territoire métropolitain peu chaleureux dans l’accueil de ces vaincus de l’histoire.
Pendant les trente Glorieuses, le parti Communiste organisait autour de ses organisations la vie dans les cités ouvrières et se gardait bien de porter le chaudron à ébullition d’abord parce qu’à l‘époque se respectait encore dans un monde ouvrier éduqué le principe d’internationalisme prolétarien et qu’il n’était pas question de rompre les solidarités quelle que soit l’origine du travailleur.
Vint la crise ( qui a fêté son demi-siècle avec de brèves périodes de rémission ), pain bénit pour les libéraux « pur jus » qui y virent non seulement l’opportunité de réduire l’influence de tout ce qui était censé représenter le monde des travailleurs - dont l’état - mais encore d’accroître leurs profits par la division internationale du travail qui mettait en concurrence les forces ouvrières de pays engagés dans une épreuve de force qui se résumait in fine au moins-disant social et dont nos friches industrielles témoignent de l’incontestable réussite.
Aubaine aussi pour les mouvements xénophobes plus ou moins en veilleuse depuis la fin de guerre et que même l’affaire algérienne n’avait pas réussi à propulser politiquement sur le devant de la scène sinon par de politiquement peu convaincants attentats au demeurant meurtriers.
La crise aidant qui lui taillait des croupières et à laquelle il ne put répondre de manière convaincante, Mitterrand eut cette idée saugrenue mais au demeurant très démocratique de favoriser l’entrée des frontistes au parlement en rétablissant la proportionnelle qui avait fait les délices de la Quatrième République et le tourment de la nation.
Bien qu’il ne soit pas à l’origine de cette organisation politique, Mitterrand a ainsi grandement favorisé son éclosion et le monstre drivé de main de maître par le matois Le Pen lui a échappé des mains, ne faisant que se raffermir d’échéance en échéance.
On est bien vite revenu au scrutin majoritaire qui ramenait la formation d’Extrême-Droite au rang de groupuscule du moins en termes de représentation parlementaire.
Tout le monde était content : la Gauche de gouvernement avait son péril fasciste à agiter pour faire oublier ses errements et ses compromissions qui la portaient lentement mais sûrement vers la droite de l’échiquier, la Droite dite républicaine et souvent ripoublicaine se posait en recours contre l’aventure et le Front National prenait la place du PC démissionnaire dans l’embrigadement des forces populaires abandonnées à elles-mêmes et reportant leur hargne sur les éléments exogènes, eux aussi laissés comme quantités négligeables à l’emprise d’agitateurs, analphabètes parfois et le plus souvent illettrés, mercenaires des intérêts de pétromonarchies à l’obscurantisme de façade ( il suffit d’assister sous les cieux cléments des stations balnéaires de prestige à la vie débridée de ces nababs fort éloignée des vertus strictes qu’ils prônent pour leurs propres populations en assurant leur domination par l’exigence de règles strictes ou l’absurde le dispute à l’intolérance)
Bref nous assistons à la grande castagne des cocus sous les regards intéressés de ceux qui les trompent et sous le regard amusé de ceux qui profitent de leurs divisions tout en jouant d’ailleurs, il faut leur reconnaître ce mérite, franc jeu sur leurs intentions.
Comme on ne peut décemment pas reprocher à Macron d’appliquer son programme que l’électeur aurait sans doute dû étudier plus attentivement, on assiste à de lamentables échanges sur des sujets connexes ( ce qui n’est sans doute pas l’adjectif qui convient le mieux au vu de l’insignifiance des faits qui alimentent la soupe médiatique ) qui tiennent lieu de débat politique dans les sphères dites informées mais qui sont surtout déformées par leur insignifiance.