lundi 9 avril 2012 - par Eric de Trévarez

Discipline, pédagogie et capacité cognitive : Une relation sous estimée !

Des expériences ont montré que la capacité de compréhension des élèves en primaire diminuait d'environ 21% dans un environnement bruyant. Dans les mêmes conditions, celles des adultes diminuaient de 14%. En 1980 les psychologues Baddeley et Salamé ont été les premiers à mettre en évidence qu'un bavardage, en bruit de fond, diminuait les performances de la mémoire à court terme, et ceci à l'insu de celui qui perçoit ce bavardage sans pour autant y prêter lui même attention. Les méfaits ne résulteraient pas d'un défaut de perception mais plutôt d'un parasitage. Il semblerait d'ailleurs que se soit la cacophonie et le brouhaha, qui perturbent le plus la mémoire. Tout ceci peut paraître évident mais dans le contexte idéologique de la pédagogie actuelle, il est bon de le rappeler, surtout lorsque des expériences sur les capacités cognitives viennent le confirmer !

Les capacités cognitives sont diminuées par le bruit. La mémoire à court terme et, globalement la capacité de mémorisation, seraient particulièrement affectées. A un moment où tout le monde s'interroge sur la baisse de performance de notre système éducatif, on pourrait s'étonner du silence officiel des autorités sur le tapage qui règne dans la majorité des établissements scolaires. Il est vrai que nous sommes confrontés maintenant aux conséquences d'un ensemble de pédagogies qui ont favorisé cette situation. Mais par delà cette constatation, l'enfant dans sa famille, baigne dans un univers bruyant où les parents depuis longtemps ont renoncé à établir une quelconque règle du jeu. L'enfant roi, à la maison, et souvent dans sa propre chambre, évolue entre les écrans, les micros et les téléphones, dans un bruit de fond perpétuel et incessant. La question est de savoir, si à l'école, nous devions être complice d'un tel dérapage sonore. La réponse est très certainement non, car dans une salle de classe, le bruit et les voix perturbent l'apprentissage et la compréhension des élèves.

Des études, très sérieuses, ont démontré que des bavardages en guise de bruits de fond, perturbent la capacité de mémorisation des élèves. Dans ces conditions se concentrer sur ce que dit le professeur est impossible. On a constaté en particulier que les élèves atteints de troubles de l'apprentissage ont des difficultés de compréhension en présence d'un bruit de fond. Un environnement bruyant perturbe les apprentissages du langage et de la lecture, mais aussi des mathématiques et des autres disciplines. Plusieurs études ont confirmé que les conditions d'apprentissage sont essentielles pour les élèves. En effet, les expériences ont bien montré que la capacité de compréhension des élèves en primaire diminuait d'environ 21% dans un environnement bruyant. Dans les mêmes conditions, celles des adultes diminuaient de 14%. En 1980 les psychologues Baddeley et Salamé ont été les premiers à mettre en évidence qu'un bavardage, en bruit de fond, diminuait les performances de la mémoire à court terme, et ceci à l'insu de celui qui perçoit ce bavardage sans pour autant y prêter lui même attention.

Les méfaits ne résulteraient pas d'un défaut de perception mais plutôt d'un parasitage. Il semblerait d'ailleurs que se soit la cacophonie et le brouhaha, qui perturbent le plus la mémoire. Il est à noter que les activités ne faisant point appel à la mémoire, ne sont pas perturbées par un bruit de fond. En effet, en 1992 l'équipe du psychologue Dylan Jones de l'université de Cardiff, a mis en évidence que c'est le caractère désordonné d'un ensemble de bruits qui perturbe au maximum la mémoire à court terme. Un son qui se répète sans modulation ni variation d'intensité, ne diminue en rien les performances de mémorisation. Il faut aussi souligner que se sont les sons hautes fréquences et le bruit des voix qui perturbent le plus la capacité de mémorisation.

Voilà des études qui se passent de commentaires. La pollution sonore des établissements scolaires et en particulier des salles de classe, a atteint depuis longtemps un niveau insupportable. Cette pollution sonore qui va en permanence, du bavardage au brouhaha et au chahut, constitue à la lumière de ces études, une cause supplémentaire de l'échec à l'école. Le silence, si j'ose dire, des sciences de l'éducation sur ce problème bien précis, est incompréhensible : il tranche dans le brouhaha des pédagogies nouvelles et le bruit de fond des innovations permanentes et des réformes. Il est vrai que rétablir le silence dans les établissements scolaires remettrait au devant de la scène, la vieille question de la discipline. Pourtant vous avez bien lu, plus de 20% de capacité de mémorisation en plus, et en particulier chez les enfants en difficulté d'apprentissage et de compréhension, et pratiquement sans moyen supplémentaire …

Les neurosciences et maintenant la neuro économie et le neuro marketing, ont mis en évidence le caractère exclusivement pulsionnel de notre société qui fonctionne sur le mode de l'automatisme émotionnel. Nous avons encouragé ce mode de fonctionnement à l'école. Le bavardage incessant dans les salles de classe est pulsionnel. Il est devenu chez les élèves un véritable automatisme. Nous avons oublié que le rôle principal de l'éducation est de transformer les pulsions, en investissement social. Mais c'est une autre histoire !

 A un moment où la crise va nous obliger, tôt où tard, à augmenter les effectifs des classes, il serait bon de revoir les fondamentaux de la pédagogie, à commencer par la discipline... 

Eric de Trévarez
 

Pour approfondir ( à remarquer qu'il n'existe surtout des études anglo-saxonnes) :

  • 2010 M. Klatte : Effects of classroom acoustics on performance and well-being in elementary school children.
  • 1992 D. Jones : Privileged acces by irrelevant speech to short-term memory


Mais aussi dés 1982...

  • P Salomé : Disruption of short-term memory by unattented speech implications for the structue of working memory, in journal of learning and verbal behavior.


5 réactions


  • ottomatic 9 avril 2012 09:26

    «  A un moment où la crise va nous obliger, tôt où tard, à augmenter les effectifs des classes, il serait bon de revoir les fondamentaux de la pédagogie, à commencer par la discipline... »

    Et c’est bien mal engagé ! 
    Plus de devoir puisque ça favorise les méchants dont les parents sont plus cultivés que les autres ! Notez que bien souvent ceux qui vendent ce genre d’idée mettent leurs gosses dans des écoles privés où les gamins ont des devoirs et la discipline règne...

  • jacques lemiere 9 avril 2012 12:13

    Oui pas faux c’affaire là...on apprend mieux dans le calme...il faut toutefois un peu de bruit. ;celui du professeur par exemple...

    On s’en doutait un peu mais maintenant il y a des chiffres...ça fait sérieux.
     La capacité d’apprentissage diminuée de 21%..pour un plouc comme moi, qui ne sait pas trop comment mesurer une capacité d’apprentissage ça impressionne.

    Notez bien qu’il n’existe pas d’outils pour régler le volume sonore dans un classe ( le baillon ?) par contre on peut contrôler le nombre d’élèves par classe..
    Désolé d’être ironique ce n’est pas méchant, c’est tout à fait vrai..mais c’est aussi tout à fait su...
    tiens il y a les cantines qui peuvent être un enfer sonore....les couloirs qui résonnent..le bruit incohérent est une agression ..
    encore un problème il faut distinguer les bruits, ce que l’auteur fait d’ailleurs ..mais cela nécessite un set de variables considérable dont certaines sont en plus liées à la physiologie humaine et à la culture...la musique est ce du bruit ?

    Pour faire plus court il est parfois des questions qui sont plus faciles à trancher par le bon sens et l’adaptation que par un méthodologie scientifique.
    Ajoutez à cela..qu’une méthode valable pour un élève peut être non valable pour un autre...
    La pédagogie repose sur le bon sens....curieusement on préfère scientiser la pédagogie mais oublier d’évaluer son efficacité de façonvraiment rationnelle.



  • jef88 jef88 9 avril 2012 12:19

    je suis « sorti » de l’école en 1961..... avec un BEPC !
    quand je vois ce que mes camarades et moi avons fait grace à
    - des profs réellement pédagogues (ils nous ont donné le gout d’apprendre)
    - une discipline de fer en classe (personne ne parlait sans être interrogé)

    Je me dis que des prfs à BAC + 5 sans formation à l’enseignement ’est une vaste connerie ...


  • gordon71 gordon71 10 avril 2012 07:28

    bonjour, 


    pas mal vu 

    la stratégie du chaos, jusqu’au fond des salles de classe

    pour moi le silence est un forme de respect, tant de la discipline enseignée 

    que des élèves qui ne peuvent penser dans le bruit (et la fureur)

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