samedi 1er février - par Paul ORIOL

Droit du sol : Trump, Retailleau, même combat

Donald Trump et Bruno Retailleau, chacun à sa taille, le premier pour les États-Unis le second pour Mayotte, parlent de remettre en question le droit du sol. Bruno Retailleau doit se sentir tout ragaillardi dans sa politique par ce vent qui vient du large, en droite ligne.

Les situations sont cependant bien différentes.

Aux États-Unis, le droit du sol est adopté par le 14ème amendement de la Constitution, en 1868.
«  Toutes les personnes nées [quel que soit son statut] ou naturalisées aux États-Unis et soumises à la juridiction de ces États sont des citoyens [des nationaux] des États-Unis et de l'État dans lequel elles résident. Aucun État ne peut adopter… une loi qui restreindrait les privilèges ou immunités... aucun État ne peut... refuser à quiconque relevant de sa juridiction l’égale protection des lois  » (section 1).
«  Le Congrès aura le pouvoir de faire respecter, par une législation appropriée, les dispositions du présent article  » (section 5).

Ce droit du sol, quel que soit le statut de la mère, est bien illustrée dans Alambrista, film primé de la Caméra d’or en 1978 à Cannes. Dans la dernière scène, une femme court, éperdue, s’accroche au poste frontière, accouche et déclare : « C’est un Américain ». Malgré son immigration récente et illégale.
Ce droit du sol s’applique même à un enfant, né dans un avion étasunien, qui obtient automatiquement la nationalité étasunienne quel que soit le statut migratoire des parents !

Par l’abolition de l’attribution de la nationalité étasunienne à la naissance des enfants en situation irrégulière, Donald Trump prétend diminuer l’attraction des États-Unis et pouvoir expulser ces « immigrés de l’intérieur ».

Il s'agit de supprimer le droit du sol, seulement, pour les enfants de femmes en situation illégale. Avec de probables difficultés juridiques et politiques.
Pour modifier la Constitution, il faut le soutien des deux tiers des élus au Congrès !

Le but réel du Président Ronald Trump est-il de supprimer la loi ou de déstabiliser les immigrés, de montrer, de façon spectaculaire, sa détermination, de renforcer le soutien populaire à sa politique ?
Il est impossible d’expulser les enfants nés sur le territoire, donc étasuniens, et difficile d’expulser leurs parents. Si les adultes sont expulsés ou partent avec des enfants nés aux États-Unis, ceux-ci, Étasuniens, pourront revenir plus tard. Sauf nouvelle loi leur retirant cette nationalité…

Un décret, signé par Ronald Trump, le 20 janvier 2025, remet en cause le 14ème amendement concernant les enfants de parents immigrés en situation irrégulière mais aussi les titulaires d’un visa temporaire. Ce décret a été suspendu, le 23 janvier par un juge fédéral, comme « manifestement inconstitutionnel  ». Donald Trump a annoncé aussitôt que son administration ferait appel de cette décision…
Cette bataille pourrait aller jusqu'à la Cour suprême.

Une telle décision toucherait 150 000 enfants par an et pourrait même faire des enfants apatrides, certains pays d’origine ne connaissant pas le droit du sang !

Ces batailles juridiques sont aussi politiques et ne sont pas sans influence en France !

Le droit du sol est appliqué aux États-Unis comme dans d’autres pays d’immigration : Argentine, Brésil, Canada, Chili, Équateur, Mexique… La France et de nombreux pays européens, Allemagne, Belgique, Danemark, Irlande, Luxembourg, Portugal, Royaume-Uni n’appliquent pas le droit du sol mais un droit du sol partiel avec des conditions variables.

Est français à la naissance, l'enfant né en France de parents inconnus ou apatrides ou lorsque l'un de ses parents au moins y est lui-même né (double droit du sol).
Les personnes nées en France de parents étrangers obtiennent automatiquement la nationalité française à leur majorité, à condition qu'elles résident en France depuis l'âge de onze ans, pendant une durée minimale de cinq ans.
Cette disposition n’est ni logique, ni intégrante : dire à un enfant, à un jeune pendant 18 ans qu’il est différent, il n’en a pas besoin, il le sait, il le sent. Lui dire en plus qu’il n’est pas français, comme ses petits camarades, n’est pas très intégrateur. C’est plutôt l’enfermer dans sa différence. Le pousser à se construire dans son altérité.
Et le jour de ses 18 ans, d’un seul coup, d’un seul, on lui dit il est français. Plus que la veille ? Comprenne qui peut !

Paradoxalement, pour attribuer la citoyenneté (droit de vote…), il est nécessaire de modifier la Constitution  : ce qui a été fait lors de l’instauration de la citoyenneté de l’Union européenne avec le traité de Maastricht approuvé par référendum en 1992.
Pour l’attribution de la nationalité, qui implique la citoyenneté (droit de vote…) une loi simple suffit.
Ainsi Charles Pasqua a pu la modifier en 1993.
Pour modifier les conditions d’attribution de la nationalité, une loi simple suffit en France et donc à Mayotte, quand, aux États-Unis, il faut une loi constitutionnelle.

Par l’abolition du droit à la nationalité étasunienne à la naissance des enfants en situation irrégulière, Donald Trump prétend diminuer l’attraction des États-Unis et pouvoir expulser ces « immigrés de l’intérieur ». La modification de la loi à Mayotte a la même prétention. Leur coté dissuasif est très incertain !

Dans les deux cas, une telle loi a surtout un but politique. En France, elle répond à une demande qui n’est pas nouvelle. Elle peut être un premier pas vers une extension à l’échelle nationale comme le signalait la Lettre de la Citoyenneté, déjà, en mai-juin 2018 : « Le mouvement social contre l’insécurité et l’immigration illégale qui a secoué l’île de Mayotte en début d’année, a été l’occasion pour certains politiques dont le président du parti Les Républicains de réclamer la remise en cause du droit du sol sur l’île. À droite et à l’extrême-droite, plusieurs demandent la remise en cause du droit du sol sur l’ensemble du territoire français. Au gouvernement, on n’exclut pas d’instaurer l’extraterritorialité de la maternité de Mamoudzou, plus grande ville du département, pour éviter que les enfants nés de femmes en situation irrégulière puissent réclamer la nationalité française au titre du droit du sol  ». Dix-huit ans pus tard !

En fait, une mauvaise réponse à une mauvaise question, fruit d’une politique !

L’archipel des Comores, colonisé depuis 1841, dont fait partie Mayotte, obtient son indépendance en 1974, par référendum avec 96 % des voix. Mayotte vote «  non  » à 63 %. Au lieu d’appliquer le principe de respect des frontières héritées de la période coloniale, la France décide d’appliquer un droit à l’autodétermination, séparant Mayotte des Comores, et maintient la souveraineté française sur l'île.
Cette séparation a été condamnée par l’Onu, refusée par les Comores, confirmée par les Mahorais. Qui ont, finalement, voté en faveur de la départementalisation.

Si, à plus de 8000 km de Paris, Mayotte est française suivant le droit français, elle l’est beaucoup moins sur les plans géographique, économique et social. Elle compte, en 2022, 310 000 habitants dont plus de 50 % sont des résidents étrangers, essentiellement Comoriens (Anjouan, île comorienne, est à 70km), 77 % de la population vit sous le seuil national de pauvreté contre 14 % pour la France hexagonale, le niveau de vie médian est 7 fois plus faible qu'au niveau national. Mais 7 fois supérieur à celui des Comores !

Conséquence : chaque année, 10 à 20 000 Comoriens feraient le passage à bord de kwassa-kwassa, de bateaux de pêche ou de passeurs et plusieurs centaines y laisseraient la vie.
L’éventuelle nouvelle loi sur la nationalité ne changera rien au désir de changer d’île et à ses conséquences !

La fermeture des frontières, les barrages et les murs rendent les migrations plus difficiles. Plus dangereuses. Mais elles continueront à Mayotte, en Méditerranée, sur le Rio Grande et ailleurs.

Dans un monde où les inégalités persistent ou s’accentuent. Où les aides au développement diminuent dans la plupart des pays développés, notamment en France dans les dernières prévisions budgétaires pour 2025, très loin du 0,70 % du PNB annoncé depuis longtemps.

Autrefois, les pays démocratiques et sociaux accueillaient les réfugiés fuyant les pays dictatoriaux. Aujourd’hui, les démocraties libérales et illibérales, moins démocratiques et moins sociales, s’entourent de miradors pour filtrer les réfugiés économiques, politiques, écologiques...



16 réactions


  • sylvain sylvain 1er février 16:08

    je ne crois pas qu’il y ai deja eu de nations suffisamment democratiques pour meriter le nom de democraties. La democratie n’est pas une chose formelle, aucune institution ne permet de definir si une nation est democratique, c’est un etat de fait et un sentiment partage par les personnes constituant le peuple.

    Et bien sur ca n’a aucun rapport avec l’election d’un chef en soit.

    A ma connaissance, les nations ont toujours gerees l’immigration sur des considerations de besoins industriels : manque de main d’oeuvre, ou main d’oeuvre pas assez docile.

    Les nations industrielles n’ont ete acueillantes que quand leur industrie etait florissante et necessitaient de la main d’oeuvre


    • Seth 2 février 16:41

      @sylvain

      Le terme « démocratie » est difficile à cerner, la première et soi disant exemplaire n’étant pas forcément positive : elle se passait entre privilégiés, éliminant d’office les femmes, les métèques et les esclaves (car elle était esclavagiste).

      De plus il n’y a aucune trace des rapports qu’ils entretenaient entre eux ni des probables conflits qui y existaient.

      Elle reste un idéal jamais atteint, l’homme étant par nature grégaire et créant donc naturellement une hiérarchie, c’est une constatation simple relevant de l’éthologie humaine.

      Il ne faut pas non plus se mordre le pipi et ne pas se laisser aller à des idéaux anars purement utopiques et irréalistes.


  • Paul ORIOL 1er février 17:04

    Bonjour,

    Je suis d’accord, il n’y a que des démocraties relatives. Mais cette relativité peut aussi être relativisée.

    L’acceptation de l’immigration dépend de beaucoup de choses dont le besoin de main oeuvre. Mais actuellement, les pays occidentaux ont besoin de main d’oeuvre et n’acceptent pas l’immigration. Sauf le patronat qui l’utilise bien, y compris sous forme illégale.
    Bien à vous


    • sylvain sylvain 1er février 20:15

      @Paul ORIOL
      je ne suis pas sur que la france ai besoin de main d’oeuvre. Il doit y avoir plus de dix millions de chomeurs reels en france. Sans industrialisation massive, il n’y a pas de besoin strategique de travailleurs.

      Mais vous avez raison, le patronat l’utilise bien, les etrangers acceptent plus facilement les bas salaires, les boulots pourris et eventuellement illegaux. Il traine trop de capital et d’aides sociales pour faire accepter des jobs de merde aux francais


  • Seth 1er février 20:07

    Bruno retailleau aurait déclaré

    Que tous les cocus doivent être noyés.

    Madame retailleau lui aurait demandé

    S’il était certain de savoir bien nager.


    Taïaut retailleau taïaut...

    Ferme ta gueule répondit l’écho.

    (air bien connu)


  • L'apostilleur L’apostilleur 2 février 10:22

    @ l’auteur 

    Vous préférez l’abandon de Mayotte ou du droit du sol ?


    • Paul ORIOL 2 février 15:29

      @L’apostilleur
      Je ne suis ni décideur, ni responsabe de la situation actuelle. Ce qui permet de dire n’importe quoi.
      J’ai voulu simplement montrer qu’à Mayotte où le droit du sol n’existe pas comme aux États-Unis, la suppression de la loi ne résoudra aucun paroblème.
      En retour, je peux vous demander, mais vous n’êtes ni décideur, ni responsabe de la situation actuelle. Ce qui permet de dire n’importe quoi : comment voulez-vous multiplier le niveau de vie de Mayotte par 7 pour en faire un « vrai » département français ?
      La France n’a pas su et ne sait pas gérer la décolonisation. La question se pose pour la Nouvelle-Calédonie et...
      Bien à vous


  • L'apostilleur L’apostilleur 2 février 11:14

    @ l’auteur

    Mélenchon l’incendiaire tyrannique harangue ses troupes communautarisées et leur dit :

    « à ceux qui comme moi sont nés au Maghreb je dis qu’ils sont ici dans leur pays, comme moi » 

                       Mélenchon Tebboune même combat.

    Ces gens ignorent que 80% de vrais français refusent d’abandonner leur pays à la culture islamique des charias 


  • yakafokon 2 février 11:18

    Suggestions :

    supprimer le droit du sol pour les nouveaux arrivants, et les renvoyer dans leur  pays d’origine, s’ils n’ont aucun contrat de travail en France.

    Interdire le regroupement familial.

    accélérer les naturalisations des immigrés en situation régulière depuis 5 ans.

    —uniformes obligatoires dans les établissement scolaires, comme dans la majorité des pays du monde ( jupes longues pour les filles, pas de voile, visages découverts ).

    les gendarmes étant des militaires selon le Code de la Défense : autorisation de tirer à balles réelles, si leur vie est menacée ( par des balles de 7,62 Kakachnikov ) sur celui qui tire, quel-que-soit son âge !

    utilisation des herses, lors des contrôles routiers, en veillant à ce qu’elles ne puissent être contournées ( elles sont efficaces, comme j’ai pu en juger durant la guerre d’Algérie ).

    rompre toutes relations avec l’état algérien, qui soutient le terrorisme au Sahara marocain, rétrocédé aux sahraouis du Polisario ( avec un délai de 6 lois, pour permettre aux familles binationales de se retourner ).

    Entre autres idées !!!


    • Eric F Eric F 2 février 14:05

      @yakafokon
      On peut mettre en place des mesures en ce sens, même moins radicales.
      Droit du sol conditionné par la légalité de la présence sur le territoire, suppression du regroupement familial, naturalisation selon critères d’intégration, code vestimentaire dans les établissements scolaires mais sans besoin d’uniformes imposé...
      Par contre on n’avait pas à prendre parti concernant le Sahara occidental, mais il faut utiliser tous les moyens de pression pour exiger la reprise des expulsés par le pays d’origine (’’à la Trump’’).


    • Paul ORIOL 2 février 16:39

      Quel rapport avec Mayotte ?


  • Eric F Eric F 2 février 13:57

    Le statut de département attribué à Mayotte est une supercherie, en fait tout est artificiel et dérogatoire. Inventer des dispositions spécifiques pour la question de nationalité est un pas de plus dans la cacophonie.

    En fait, conditionner le ’’droit du sol’’ à la légalité de présence sur le territoire d’au moins un des parents est une solution cohérente, la nationalité ne devrait résulter ni du hasard, ni de l’effraction ; pas plus à Mayotte, en Guyane que partout ailleurs -droit le même partout, du fait de l’indivisibilité de la république-. Pas besoin de changer la constitution pour cela.

    PS : la légitimité (je ne parle pas de légalité formelle) de la souveraineté française sur l’une des îles d’un archipel devenu indépendant, et plus largement sur des îles situées à des dizaines de milliers de kilomètres de la métropole et faisant partie d’autres continents, est extrêmement discutable. Cela crée des disparités et tensions, avec des subterfuges pour appliquer des lois, règles et contraintes inadaptées à l’environnement régional (selon l’article, ’’le niveau de vie médian est 7 fois plus faible qu’au niveau national. Mais 7 fois supérieur à celui des Comores’’ mais le critère de mesure ne tient pas compte des disparités de prix en terme de pouvoir d’achat local).


    • Paul ORIOL 2 février 15:49

      @Eric F
      Bonjour,
      ’’le niveau de vie médian est 7 fois plus faible qu’au niveau national. Mais 7 fois supérieur à celui des Comores’’ mais le critère de mesure ne tient pas compte des disparités de prix en terme de pouvoir d’achat local.
      D’accord avec cette remarque. Mais trop difficile pour moi.
      Comment faire pour tenir compte de l’environnement
      régional ? En comparant avec les Comores ? La Réunion ?

      Remarque de mauvais joueur : je crois que Mayotte est à 8 000 km de Paris...
      Bien à vous


    • Eric F Eric F 2 février 18:31

      @Paul ORIOL
      Merci de la rectification pour la distance ; disons que le gap économique et civilisationnel est considérable.


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