Du ruissellement des richesses de la société
Quoi qu’en pensent ceux qui refusent la théorie du ruissellement, cette métaphore est d’autant plus judicieusement utilisée pour illustrer les avatars de la distribution des richesses de la société, qu’elle est associée à la représentation pyramidale de celle-ci ; c’est la raison pour laquelle il en est d’abord rappelé quelques une des caractéristiques :
- La base de la pyramide sociale – là où se situe le niveau zéro de la richesse – est inamovible, alors que son sommet n’a pas d’autres limites que celles des ressources de la nature.
- Le volume de la pyramide sociale étant admis comme représentatif de l'importance de la population qui l’habite, ses variations expriment la diminution ou l’augmentation de cette dernière.
- La hauteur de la pyramide sociale exprimant l'écart de richesse entre les plus pauvres et le(s) plus riche(s), croît proportionnellement à son développement en volume (augmentation de la population globale).
- Dans une société répartie en 3 catégories sociales (pauvres, classe moyenne et riches) face à l’échelle de sa richesse collective, le volume de chacun des 3 segments de la pyramide sociale indique la population se partageant chaque partie correspondante de cette richesse.
Ceci rappelé, le processus de ruissellement peut être décrit comme suit :
D'abord remontée vers les niveaux supérieurs de la pyramide sociale, comme par convection, la richesse de la société y est réinvestie, ou épargnée en attendant de l’être. Par cet investissement, par la rétribution de cet investissement et de cette épargne, telle que requise pour assurer leur renouvellement constant ; sous forme de rémunération des populations contribuant par leurs activités solvables et non solvables à l’enrichissement commun ; par l'assistance apportée aux populations inactives, etc., la richesse ruisselle alors vers la base de la pyramide sociale, à la manière d'un flux entraîné, comme par gravité, par la consommation de tous pour remonter ensuite vers son sommet, en vertu de l'effet de convection déjà évoqué. Ceci dans un mouvement perpétuel semblable – pour demeurer dans la métaphore – à celui de la pluie qui, tombée de sa source qu’est l’accumulation nuageuse, ruisselle, s’infiltre, irrigue une masse fertile pour s’évaporer à nouveau selon un cycle où rien ne se perd ni se crée ; sauf qu’en ce qui concerne les richesses de l’humanité, leur partie non consommée s’accumule à chaque cycle.
Au cours de sa descente, le flux de richesse s’est dispersé dans un réseau capillaire parcourant la pyramide sociale et s'y est diffusé, hormis la part qui en a été distraite par "pertes de charges", "évaporation", "transpiration”, naturellement récupérée par le flux ascendant. Mais ce flux descendant subit un double effet de dispersion croissante ; d’une part du fait que les habitants de la pyramide sociale sont de plus en plus éloignés de sa source, et d’autre part en raison de l’augmentation de leur nombre, proportionnelle à cet éloignement. C’est ainsi que le flux qui s'est progressivement réduit, finit par se tarir avant d'atteindre la base de la pyramide sociale, lieu du dénuement total. Alors qu'inertie et capillarité devraient en assurer l'irrigation totale, la captation du flux par consommation, détournement, gaspillage, rétention, au cours de sa descente – et pas seulement aux niveaux les plus hauts.– conduit à son assèchement avant qu'il atteigne les niveaux les plus bas. Et plus la pyramide est peuplée, quel que soit l'accroissement de la richesse collective qui puisse résulter de la production et de la consommation de cette population, plus son sommet s'éloigne d’une base que le flux a de plus en plus de mal à atteindre.
Le recours à la métaphore met donc en évidence ce que la plupart des théories économiques ignorent ou masquent : 1° le fait que les inégalités sociales (ici considérées en termes de richesse matérielle) vont croissant avec le temps. 2° que les causes de cette augmentation résultent conjointement de l’accroissement de la population humaine et des richesses qu’elle crée par ses activités.
Il est dès lors clair qu’une meilleure répartition des richesses de la société passe moins par une archaïque lutte des classes et ses errements que par une maîtrise de la démographie humaine et de sa production de richesses ; ce qui exclue nullement une lutte contre toutes formes de déperdition au cours de leur ruissellement.