lundi 31 juillet 2017 - par Ariane Walter

« Dunkerque », le film

 Qui, avant « Dunkerque » de Christopher Nolan, connaissait, cet incroyable épisode de la dernière guerre : 400 000 hommes, Anglais et Français, bloqués sur la plage de Dunkerque et encerclés par l’armée allemande ? Pas moi. Voilà la raison pour laquelle, j’ai souhaité voir ce film. Car il témoigne de l’absurdité monstrueuse des guerres et que nous avons besoin, surtout en ce moment, de voir ce que sont ces holocaustes pour des raisons que les faiseurs de fric ne connaissent que trop.

Car, Hitler aurait-il été Hitler s’il n’avait pas été, comme Daesh aujourd’hui, soutenu et armé par l’Empire du fric ? Ces fameux US qui nous ont libéré. (N'oublions pas qu’ils ont pu le faire car vingt millions de Russes sont morts, en particulier à Stalingrad et à Koursk.) Ces fameux US qui avaient permis l’effort de guerre de Hitler pour le dresser contre le communisme, qu’ils soutenaient d’ailleurs aussi. Car, quand il s’agit de vendre des armes et du chaos, nos amis sont là. Et partout.

Bonjour Céline. Bonjour le théâtre de l’absurde.

 

Mais revenons à l’épisode que Nolan a excellemment choisi : l’opération Dynamo.

 Dans la nuit du 13 mai 1940, les blindés allemands traversent la Meuse, la fatale « trouée de Sedan », franchissent les Ardennes et, en une semaine, précipitent les armées anglaises et française dans une nasse dont on ne peut s’échapper que par la mer. 400 000 hommes bloqués sur la plage de Dunkerque.

J’évoque rapidement la critique qui est faite à ce film d’un point de vue historique : ne pas évoquer le sacrifice des armées françaises. Pendant neuf jours, les Français ont tenu tête aux nazis, permettant cette évacuation. Le bilan ? 18 000 morts. 34 000 prisonniers qui seront expédiés dans les camps allemands.

Les chiffres sont effroyables.

Nous appartenons à la génération qui pleurniche pour dix ou cent morts. Un petit tour du côté de la dernière guerre remet les montres de la folie humaine à l’heure.

 

La grande réussite de ce film est sa première partie. Comme un opéra, elle est portée par une musique constante, on dirait plutôt un rythme constant qui est celui de la peur, du désir de survivre, rythmé par une intensité qui ne lâche aucune seconde. Les images de la plage de Dunkerque, couvertes d’hommes qui font sagement la queue, attendant les avions qui vont les massacrer, présentent un espace calme et magnifique, écrin paradoxal d’une horreur qui va s’abattre, que l’on attend, bruits d’avion, mitraillades, tous ces hommes qui se jettent à terre quand beaucoup ne se relèvent pas. Il n’y a pas de mots, il n’y a pas de héros. Il y a un piège fatal que nous partageons.

Un des épisodes les plus puissants, porté par un rythme métallique et incessant, est le moment où le jeune héros, aidé d’un autre malheureux, se déguise en ambulancier pour porter vers le navire un blessé agonisant. Car les blessés ont priorité. Et les voilà courir vers ces hommes qui font la queue avant qu’un autre avion n’explose tout. Avant que les heureux qui ont pu monter soient coulés par une torpille. 

J’ai vu autrefois « Il faut sauver le soldat Ryan » et récemment un film remarquable de Mel Gibson : « Tu ne tueras point. »

Quel plaisir prenons-nous à regarder des films de guerre ?

Avoir peur en étant douillettement installés dans de confortables fauteuils ? Avons-nous besoin de la peur pour vivre ? Avons-nous besoin de nous attacher à des héros qui vont survivre quand tant d’autres vont mourir ? Sommes-nous ainsi le survivant ? Quand nous sortons hébétés dans les rues de la ville nous disant « Putain, j’aurais mieux fait de rester dans ce monde de paix, avec ce joli soleil, sans sacrifier deux heures à avoir peur. »

 

Et si nous étions une espèce, comme les moutons qui sont élevés pour leur chair, que des entités invisibles élèvent pour leurs émotions ? Parce qu’ils se nourrissent de nos émotions ? Et si notre monde n’était qu’un aquarium ? Et nous, des poissons d’élevage ? Transfusant peur et joies à  des invisibles ? Sans autre transcendance. Des animaux de boucherie. Gentille boucherie car la Joie aussi, on s’en nourrit là-haut…

Il faut bien trouver une raison logique au masochisme de notre espèce, encouragé, il faut le reconnaître par les puissants et les religions : foutre la frousse, jeter dans des aventures monstrueuses et si ce n’est dans la vraie vie, sur un écran quand on a le cœur qui bat en croquant des pop-corn.

 

Pour en revenir à Dunkerque, l’épisode central qui suit un bateau et les avions de la RAF est plus conventionnel et la fin, à mon goût, de mauvais goût.

Il faut bien que Nolan remercie ses sponsors. Car ça coûte cher, ce genre de distraction. Le héros lit donc une lettre dans laquelle il est dit que l’Ancien Monde est prêt à retourner se battre et le « Nouveau Monde aussi. »

C’est bon. Les US ont eu leur sucette.

 

Je recommande ce film car il est fourmille de belles qualités.

Après tout, même dans les tragédies de Shakespeare, les fins traînent un peu…

 

Et il faut bien nourrir les espèces supérieures ou inférieures de l’Espace.

Pourquoi ?

C’est une autre question…

 

 

 




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