mardi 21 juin 2011 - par guylain chevrier

Ecole de la république et immigration : Plus d’égalité et d’intégration contre la logique des cultures et des séparations

Bien des déclarations ou réflexions font débat actuellement sur les rapports entre immigration et école, avec une tendance médiatico-politique à faire de la moindre mise en cause, de la première en regard de la seconde, un procès. Faire le constat que les enfants issus de l’immigration sont plus touchés que les autres par l’échec scolaire est une chose, le dire en expliquant qu’ils sont responsables des problèmes que rencontre l’Education nationale en est une autre qui ne rend service à personne. Pour autant, finalement, la vraie question n’est pas de savoir si c’est stigmatisant ou pas d’identifier qu’il y a du côté d’un certain nombre d’enfants de familles d’origine immigrée des difficultés, mais ce qu’il y a à faire pour que cela évolue, si c’est bien la réalité.

Un constat d’échec, avec des difficultés croissantes, fait par les parents eux-mêmes que l’on nie !

Des parents de plus en plus nombreux fuient l’école publique pour aller vers le privé qui croule sous les demandes. Une attitude qui touche particulièrement les catégories intermédiaires, mais plus seulement, qui pose une grave question de mixité sociale. Des catégories qui voient dans cette école de la République un fiasco pas seulement parce qu’elle manque de moyens, ce qui est une des causes, mais aussi parce que l’afflux d’enfants de familles d’origine immigrée, en difficulté parce qu’accumulant des handicaps sociaux mais aussi culturels, posent de plus en plus de problèmes de niveau et de réussite pour tous sans être pris sérieusement en compte, avec aussi des effets de comportement qui ont à voir avec une adaptation à la culture du pays d’accueil qui ne parvient plus à trouver son chemin.

Il existe des problèmes de comportement d’enfants qui peuvent être mis en rapport avec une réalité culturelle totalement différente de celle qui était avant leur référence, pour leurs parents tout autant, qui sont en mal d’adaptation en regard de pays d’origine où souvent l’école n’a rien à voir avec les exigences de la nôtre, des pays dominés par la religion, qui n’a jamais été très favorable en France ou ailleurs à la libération des esprits, voire des formes de croyances emplies de mysticisme (animisme par exemple), des pays fréquemment dominés par des régimes autoritaires qui n’ont que trop souvent de démocratiques que le nom où la pauvreté est la règle et la corruption des élites, ou tout du moins un certain dénuement matériel, social, culturel prédomine à côté d’une mince couche de la population qui tire son épingle du jeu, où la « transition démographique » n’est pas faite, autrement dit où on fait de nombreux enfants et où les femmes sont encore essentiellement dominées par leur fonction de mères pour ne retenir que cet aspect.

Il y a de réels problèmes concernant l’intégration qui rejaillissent sur l’école et la politique

Il a de réels problèmes qui, à être sous-estimés ou même gommés au nom de ne pas stigmatiser, en ne faisant appel qu’à des problèmes sociaux dont ces populations seraient victimes, voire que de racisme pour expliquer leurs difficultés, reviennent en force à travers un rejet de l’école publique ou politiquement par un renforcement continu de l’extrême-droite. Il faut prendre les choses au sérieux ici et arrêter de jouer ce jeu dangereux pour notre démocratie qui consiste à nier l’évidence.

C’est un grand saut que d’immigré d’un pays lointain, en voie de développement, fait en rejoignant la France, et pas seulement en termes de distance, mais de changement profond de société, ce qui ne se règle pas avec une carte de séjour. Ceux qui prétendent que celle-ci suffit sont des irresponsables qui se bercent de bonne conscience, mais sont les fossoyeurs de ceux qu’ils disent défendre en les jetant au contraire en pâture à la colère de ceux qui voient les problèmes, des problèmes frappés d’interdiction d’être posés, par voie de conséquences aussi leurs solutions.

Ils fournissent de très bons arguments à ceux qui justement utilisent l’immigration comme un épouvantail à rabattre des voix, que ce soit ceux qui font de la xénophobie un instrument politique de manipulation des électeurs en recherche d’un votre contestataire ou ceux qui n’ont que l’extrême-droite comme argument de vente politique, « voter contre eux en votant pour moi », ce qui évite d’avoir à présenter un programme cohérent, exigeant, qu’il faut défendre en argumentant.

Voir que l’immigration pose problème n'est pas au service du raccompagnement des familles aux frontières, mais nécessite d’analyser les causes et de proposer des remèdes

Pourquoi nier par exemple, que dans bien des familles d’origine arabo-musulmane, le garçon est l’enfant roi, ce qui a pour conséquence que les filles dans ces milieux réussissent deux fois mieux que leurs frères. Cette façon culturelle de concevoir la place du garçon, peut poser très tôt des problèmes à l’école, dans le quartier et au domicile. C’est un fait. Il est aussi un fait que, dans les familles africaines, c’est fréquemment la famille élargie qui a un rôle très important dans l’éducation de l’enfant et que l’oncle par exemple joue le rôle du père… Des cadres qui ne sont plus efficients dans notre société et qui, s’ils ne sont pas très vite remplacés peuvent nuire à l’évolution de l’enfant dans ce nouveau milieu qu’est le pays d’accueil. On sait aussi que le taux d’enfants par famille est plus élevé dans les familles d’origine immigrée récentes que dans les autres, ce qui renforce ces difficultés.

Tous ceux qui voient qu’il y a un problème ne sont pas pour qu’on raccompagne aux frontières ces populations mais que, pour leur permettre de trouver une place dans notre société, si notre société a des efforts à faire, il y aussi pour ces populations à jouer le jeu et à se conformer à la logique des droits et devoirs, d’adopter nos valeurs communes et d’être à l’écoute d’un modèle d’éducation qui a fait ses preuves, qui s’inspire des valeurs de la République, dont l’école est l’expression.

Il ne s’agit pas que ces populations se déshabillent de leur passé, mais qu’elles soient mises en conscience, alertées correctement sur l’adaptation à réaliser pour faire réussir leurs enfants dans un pays d’accueil qui a ses spécificités, qu’elles sont souvent d’ailleurs venues chercher. Leur culture n’a pas à disparaître, mais la culture du pays d’accueil dont les luttes du peuple ont amené à la création de l’école publique, à la conquête d’un modèle social unique qui bénéficie à tous, à des droits du travail sans commune mesure avec aucun autre pays, doit passer avant. C’est ainsi pour que le passage se fasse d’une référence à l’autre, pour que tous puissent vivre ensemble en respectant les mêmes choses, en se donnant des repères qui convergent dans une conception du bien commun qui n’est pas à géométrie variable selon le pays d’où on vient ou sa religion.

Ceux qui veulent en finir avec l’égalité au nom du respect des cultures favorisent l’auto-exclusion ethno-religieuse et l’échec de l’école de la République

Ceux qui lancent des appels aux populations d’origine immigrée à faire sécession au nom du droit à la différence et de la revendication à une différence des droits qui rompt avec l’égalité, pour satisfaire au respect abstrait des cultures, ont une responsabilité considérable dans la résistance de certaines parties de ces populations à s’intégrer, quand elles ne rejettent pas purement et simplement l’intégration.

Il y a d’ailleurs de ce point de vue un véritable retour en arrière qui touche des populations qui étaient la génération d’avant parfaitement intégrées, en forme de piège. Le soutien de certains à gauche aux mères voilées accompagnant les enfants lors de sortie scolaire, dans le cadre d’une mission de service public qui impose normalement pourtant neutralité et impartialité, va exactement dans le sens contraire de l’intérêt des enfants en général mais aussi des enfants de ces mères, en n’indiquant pas le chemin qui est celui du respect de la laïcité à l’école, comme dans la société.

Oui, le rejet de l’intégration est devenu une cause politique pour certains groupes ethno-religieux qui n’a rien de favorable au respect de l’école ou de nos valeurs communes. Est-il normal qu’au nom du retour à une pureté de l’origine ou encore la revendication au respect de la vertu d’une foi authentique on justifie des mises à part, des auto-exclusions ? Alors que précisément, ces revendications cachent des volontés de séparation sur une base raciale et religieuse fabriquant une fracture entre population au sein du peuple, avec des risques d’éclatement de la cohésion sociale et donc de tout modèle éducatif commun, qui pèsent lourd dans cette situation à laquelle l’école se confronte aujourd’hui !

Ceux qui ne cessent de vouloir faire entrer la religion dans l’école pour intégrer les populations d’origine immigrée par la leur, en croyant résoudre ainsi la question de la place de chacun dans l’école de la République ne font qu’encourager des séparations aux conséquences incalculables en regard de l’idée de faire nation, ce cadre où notre modèle social, notre république laïque et démocratique, prend ses appuis. Le fait religieux ne doit pas avoir une place plus prépondérante que les autres faits dans une histoire où il s’agit de restituer sa place, au lieu d’en faire un enseignement, comme c’est le cas actuellement, qui tourne à la seule découverte des religions telles qu’elles se définissent elles-mêmes en regard de leurs différents livres sacrés et pratiques, et donc sur un mode non- scientifique.

En s’attaquant à la laïcité de l’école on ruine l’idée de faire peuple et on nuit à l’émancipation collective

La France n’est pas un menus à la carte, sinon elle disparaîtra bientôt avec ce qui fait d’elle ce modèle de société malgré la crise dont on dit qu’en raison de ses acquis sociaux elle l’a mieux amorti que les autres, des acquis sociaux qui furent conquis selon une lutte pour l’égalité sociale qui a considérablement joué dans le sens de la conquête des droits politiques, en se détachant sans ambiguïté du religieux. Est-ce donc un hasard si la France est le pays qui a les acquis sociaux les plus avancés au monde, malgré le recul de certains, et en même temps celui qui a imposé la laïcité, c’est-à-dire la séparation stricte entre l’Etat et la religion et en même temps le droit de croire et de ne pas croire, la séparation finalement du politique et du religieux qui en est interdit d’accès. Sûrement non !

En s’attaquant à la laïcité de l’école par cette entrée en elle de plus en plus tonitruante des religions sous couvert de lutter contre « l’analphabétisme religieux » cause soi-disant de mésentente, on fait reculer l’esprit rationnel, la pensée spéculative, le libre-arbitre et la liberté de pensée et surtout on contribue à ébranler un modèle commun fondé sur un peuple rassemblé autour de valeurs collectives portées au-dessus des religions à travers la notion de l’intérêt général. C’est plutôt ce dernier dont il faudrait beaucoup plus enseigner le sens à tous les enfants comme un bien commun inaliénable ! C’est l’intérêt général qui donne son sens au civisme ! C’est la seule voie pour que l’école soit celle de la réussite de tous à travers un esprit nouveau porteur d’espoir et de fraternité. C’est la seule voie vers des luttes communes futures pour l’émancipation de tous du système qui nous spolie ensemble, le capitalisme, qui ne verront jamais le jour si la société devient une addition de différences !

La France, une belle terre d’asile, dont il faut accepter la règle essentielle : égalité et laïcité !

La France est une grande nation respectable que l’on doit respecter. On y naturalise 108.000 étrangers chaque année, largement deux fois plus qu’il y a quinze ans. Il y a bien trop de pays où la logique de séparation par cultures ou l’individualisme dominent, pour ne pas nous rendre compte de la chance que nous avons d’y vivre, Français ou étrangers. Nous sommes la seconde destination d’asile au monde après les Etats-Unis avec un chiffre avoisinant, sauf que nous sommes cinq fois moins nombreux que les Américains. Ce qui souligne que la France est un pays où l’on sait que l’on va trouver des conditions d’existences qui font partie des plus enviables au monde. Ceux qui ne cessent de la mettre en cause en demandant que l’on rompe avec l’égalité qui serait contraire aux droits à un traitement spécifique des populations immigrées sous prétexte de respecter leurs cultures, concourent à détruire cette France de l’égalité et de la laïcité justement qui est une belle terre d’asile, à condition que tous en respectent les règles. C’est un choix de société !

Guylain Chevrier



6 réactions


  • Numero 19 Numero 19 21 juin 2011 14:28

    Permettez-moi d’exprimer une indignation tout à fait factice et exagérée.

    Il y en a marre des articles RACISTES qui ne prennent jamais en compte les immigrés asiatiques !
    Non, on n’a pas de problèmes particuliers d’intégration, non on n’échoue pas spécialement à l’école, non on ne saupoudre pas la langue française d’un accent spécifique, on essaie de s’intégrer en collant des prénoms français à nos gosses, le chomâge n’est pas un fléau chez nous, on ne vient pas vous faire chier et vous imposer nos baguettes.
    Alors arrêtez de tous nous foutre dans le même panier des « immigrés ».
    Parce qu’on est asiatiques, on est obligés de ne jamais être mentionnés. C’est ra-cis-te.


  •  C BARRATIER C BARRATIER 21 juin 2011 21:53

    Assez ok avec l’article ; Un élan et des moyens en enseignants bien formés et efficaces est indispensable pour développer l’école de la république et en refaire le creuset de la nation. Si nous cultivons le communautarisme ; nos descendants le paieront cher ! Et tous !
    Voir Ecole publique attaquée ici

    http://chessy2008.free.fr/news/news.php?id=149


  • LE CARDINAL 21 juin 2011 22:27
    Pas de mosquée saoudienne en Norvège, tant qu’il n’y a pas de liberté religieuse en Arabie Saoudite !

    Le gouvernement saoudien et de riches donateurs privés d’Arabie Saoudite, voulaient financer des mosquées en Norvège à hauteur de dizaines de millions d’euros. Légalement, ils en ont le droit ; conformément à la loi norvégienne il est permis aux pays étrangers de soutenir financièrement les communautés religieuses, mais vu l’importance de ces sommes, le gouvernement doit approuver le financement.
    Or, le ministère des Affaires étrangères vient non seulement de refuser d’approuver ce financement, mais il a également répondu au Centre islamique Tawfiiq, qu’il serait
    « paradoxal et contre nature d’accepter le financement venant d’un pays qui n’accepte pas la liberté religieuse . »

    Le ministre norvégien des Affaires étrangères Jonas Gahr Støre a déclaré au journal VG : « Nous aurions pu simplement dire non, le ministère n’approuve pas, mais nous avons profité de l’occasion pour ajouter que l’approbation serait paradoxale, tant que vouloir établir une communauté chrétienne en Arabie saoudite sera considéré comme un crime ».


  • guylain chevrier guylain chevrier 22 juin 2011 03:59

    Il faut toujours faire preuve de bonne mesure lorsque l’on parle de racisme. Le racisme c’est la négation de l’autre parce qu’il est d’une origine ou d’une autre qui conduit à son rejet. Il n’y a rien de cela dans cet article concernant les immigrés en général en regard desquels il est dit qu’il est question de mieux les intégrer ni envers les immigrés asiatiques auxquels il n’était pas question de faire un sort particulier, bien que les immigrations qui sont en référence sont identifiées par rapport à leur part la plus importante, celles venue d’Afrique du nord ou d’Afrique noire. Numéro 19, vous vous trompez de colère. Il vaudrait mieux échanger sur les idées que de s’opposer sur des aspects qui peuvent vous paraitre importants mais sont largement secondaires en regard du débat qui est posé avec ses questionnements d’actualité. Débattons du fond !


  • Néo-Résistant Néo-Résistant 22 juin 2011 10:45

    Je suis d’accord avec certaines réactions, l’immigration n’est pas le vrai problème, c’est l’éducation elle même qui est totalement à revoir... mais cela demanderait des moyens et surtout une volonté politique totalement absente actuellement dans ce monde libéral où l’argent prime sur toute autre considération.

    Voici une vidéo qui donne un éclairage très intéressant sur le fond du problème éducatif :

    http://www.youtube.com/watch?v=e1LRrVYb8IE

    http://twitter.com/NeoResistant


  • guylain chevrier guylain chevrier 23 juin 2011 02:28

    Marc Gelone, je crois quant à moi qu’il est possible de faire un « nous » de nos différences à condition de considérer que l’intérêt général y est supérieur ; Celles-ci peuvent néanmoins être entretenues dans la sphère privée, avec une certaine déperdition de génération en génération qui fait que les différences s ’estompent, et c’est bien ce qui s’est passé depuis des siècles sur notre sol et c’est même de ce mouvement d’assimilation dont découle la notion de nation elle-même, par le dépassement qu’elle représente, des particularismes religieux, ethniques ou régionaux.

    Le mythe de Thésée unifiant Athènes est l’exact reflet de cela. Il fonda Athènes en unissant des clans aristocratiques convaincus par lui de faire union en faveur d’un bien commun politique, social et culturel, qui leur donnait une valeur supérieure. C’est la même chose avec les populations venues d’ailleurs qui s’agrègent à la France, sous le principe d’égalité et de laïcité, ciments de cette capacité à faire un tout, de faire de gens différents un « nous », à condition qu’ils prennent à leur compte la dimension de la nation.Cela s’apelle l’intégration. Faut-il encore qu’on ne les égare pas dans l’impasse du droit à la différence aboutissant à la différence de droits, organisant la sécession de tous à la façon d’une tour de Babel.


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