Écologie, baise & Néo-libéralisme
Suffit-il d’être contre le nucléaire et pour les partouzes pour être écologiste et libéral ?
On peut faire débuter l’ère de l’écologie avec René Dumont, agronome diplômé et renommé. En 1974, il se réclame de la défense de l’environnement et il accepte d’être le porte-drapeau des futurs verts aux élections présidentielles. Son programme ? Les questions de pollution, le recyclage des déchets, la remise en cause du nucléaire, les économies d’énergie, la mise en place d’une agriculture propre. Des changements aussi drastiques de société ne pouvaient pas se faire sans efforts, sans douleurs. Les femmes n’étaient pas absentes de son programme puisqu’il préconisait leur émancipation dans le cadre d’un contrôle de la démographie.
Dans le même temps, le leader des émeutes de mai 1968 se livrait à des jeux érotico-maniaques. Il est interdit d'interdire ! Jouir sans entraves ! Ces slogans devinrent les points cardinaux de la ‘révolution’. Le désir sans entraves s’allia avec les nécessités environnementales pour fournir un premier lot d’écologistes, au moins dans l’imaginaire de ceux qui n’y avaient aucune part. Le ‘deal’ fut ainsi présenté : bien entendu vous ne ferez plus 7 500 km pour passer un week-end à Hawaii, vous devrez vous contenter d’une voiture électrique, vous devrez utiliser un presse-purée mécanique, vous aurez froid l’hiver, chaud l’été… mais vous pourrez baiser !
Cette libération sexuelle eut-elle lieu réellement ?
L’âge de la première relation sexuelle s’est abaissé plus brutalement pour les femmes que pour les hommes, elle passa de 20 ans en 1960 à 18 ans en 1970 pour les femmes, de 18 à 17 ans pour les hommes. Les âges des premières aventures ont ensuite continué à diminuer légèrement. Si l'on considère le nombre de partenaires sexuels tout au long de la vie, les rencontres fructueuses des hommes n’augmentent pas entre 1970 et 2006, ce qui n’est pas le cas des femmes qui voient le nombre moyen de leurs partenaires sexuels multiplié par 2,5 dans le même temps. Vers 20 ans, les filles des années 2000 ont eu en moyenne plus de 5 partenaires sexuels, soit trois fois plus que leurs aînées des années 60, ce qui démontre une claire émancipation. Ceci démontre également que parmi elles une fraction se comporte en gaillardes luronnes afin de permettre aux hommes de rencontrer le nombre moyen requis de partenaires (12 en 2006). À partir des années 1970, le nombre de mariages diminue concomitamment. 15 % des enfants, c'est-à-dire presque 3 millions au total, vivent maintenant au sein d'une famille monoparentale. Après un pic en 1976 de 19,6 avortements pour 1 000 femmes, le taux oscille ensuite autour d’une valeur sensiblement plus faible. On estime que près de 40 % des femmes auront recours à l’avortement dans leur vie.
L’essor de l’écologie s’est donc accompagné d’une révolution parallèle des mœurs, à laquelle les femmes participèrent en tout premier lieu. Le ‘faire l’amour’ devint une version attrayante du fitness.
La baise n’est évidemment pas le seul dérivatif proposé pour tenter d’éteindre le sentiment d’absurde qui étreint toute personne avide de comprendre. Les jeux vidéos, la drogue, les raves-parties, les doses massives d’alcool, le football, faire la queue à Pôle Emploi… constituent quelques uns des autres divertissements (qui détournent de l'essentiel) possibles. Tous furent proposés par le néo-libéralisme.
La reproduction sexuée naturelle permet d’allier le hasard de rencontres chromosomiques avec la nécessité d’aller vers une stabilité pour transmettre savoirs et codes sociaux. Les technologies modernes d’aide à la procréation (IVG, PMA, GPA, tri d’embryons, modifications de l’ADN, gestation extra-utérine…) conduisent à terme à la gestion entièrement rationnelle des facteurs permettant la perpétuation de l’espèce humaine. On choisira ses embryons, son ventre, ses gamètes, ses ADN et les divers greffons qu’on leur fera en fonction de ses moyens financiers. Les triturations technologiques artificielles deviendront la base de la vie oubliant la fortune des hasards.
La libération des mœurs devait s’accompagner de la libération de toute espèce de contrainte. Il fallait donc être libéral, le néo-libéralisme était prêt. Se débarrasser du Père, c’était, selon les dires, lutter contre toute forme d’autorité jugée nécessairement arbitraire. La recherche du seul plaisir semble pourtant peu compatible avec l’objectif écologique qui ne peut être fait que d’efforts pour remplacer les 300 esclaves énergétiques qu’offrent les combustibles fossiles. L’autorité immédiate fut cependant remplacée par la soumission à une autorité diffuse et insaisissable que l’on a nommé les ‘marchés’ qui avaient l’intérêt d’être hors de portée des quidams et donc apparemment moins prégnants, mais qui n’ont que faire du bien commun et de l’écologie.
Les individus ont donc choisi la liberté, celle des marchés, ils peuvent choisir entre Durex et Manix, entre Carrefour et Lidl… mais pas entre l’Amour et l’argent, pas entre services publics et entreprises privées.
Le début de la révolution sexuelle et les premiers balbutiements de l’écologie correspondent donc, ce qui n’est pas un hasard, avec l’essor du néo-libéralisme, qui n’est ni nouveau, ni libéral. Les points saillants des quelques dizaines d’années qui nous séparent du commencement des politiques néo-libérales montrent que le taux de pauvreté des ménages jeunes augmente dans le même temps que le nombre de familles monoparentales, le patrimoine augmente pour toute la population sauf pour les 20% les plus démunis, la part de l'emploi public par rapport à l'emploi salarié est passé de 10,5 % à 3,4 % entre 1985 et 2011, sur la même période le nombre d'entreprises publiques a diminué de moitié.
La sobriété heureuse se concrétise par un appauvrissement des classes laborieuses et démunies en préservant, pour l’instant, les autres, mais qui doivent cependant s’y préparer. Depuis les années 1980, les 50% les plus pauvres en patrimoine voient leur part en richesse diminuer tandis que les 10% les mieux dotés s’enrichissent continûment. La ‘décroissance’ se met bien en place mais en commençant par les plus démunis, les moins puissants. En absence de justice immanente, seules les lois pourraient endiguer les désirs frénétiques d’accumulation et de paupérisation, elles ne le font pas et ne peuvent pas le faire car elles sont rédigées par ceux qui ne risquent pas de se noyer.
Le Futur peut se schématiser simplement. Soit un monde dual où une petite minorité jouit de ce qui reste du naturel, tandis que l’immense majorité des autres se partagent le reste principalement sous forme virtuelle. Soit une sobriété (plus ou moins heureuse) se met en place pour tous. Veut-on un monde régi par les algorithmes et les zombies 2.0 ou souhaite-t-on faire confiance au hasard et à la nécessité, clés du vivant jusque maintenant ?