lundi 13 juillet 2009 - par jy_crevel

EDF & Europe « Des prix les plus bas possibles » +20%

Le 25 juin dernier, le Conseil européen a adopté à l’unanimité le paquet de mesures législatives concernant le marché intérieur de l’énergie, approuvant tous les amendements adoptés par le Parlement européen en deuxième lecture. Tous les textes concernant l’énergie se trouvent ainsi entérinés.

Dans son communiqué, le Conseil précise "La nouvelle législation vise également à mieux protéger les consommateurs d’énergie et à les faire bénéficier des prix les plus bas possibles en matière d’énergie". Ça ne s’invente pas.

C’est au nom de cette législation que la France a été contrainte de privatiser EDF-GDF, qui a été éclaté en sociétés anonymes EDF, RTE et GDF. Ce service public était pourtant envié de tous les pays du monde et les Français y étaient attachés, à juste titre. Encore une fois, c’est au nom de la construction européenne qu’il était soudain indispensable de détruire ce qui fonctionnait.

Héritant de ces entreprises exceptionnelles (GDF et EDF sont classées respectivement 2e et 4e entreprises mondiales du secteur), et dans l’esprit de José Manual Barroso qui déclarait à la tribune de l’Assemblée nationale que "les Français n’avait pas a avoir peur de la mondialisation", Les directions d’EDF et de GDF ont cessé de raisonner en "service public" pour devenir de vraie entreprises libérales, agissant dans un système ouvert. Ainsi EDF a investi en Angleterre en Belgique et au USA.

Pour quels résultats ?

1. En Angleterre

EDF avait acquis la totalité de British Energy pour 15 milliards d’euros à l’automne dernier tandis que tous les experts valorisait l’entreprise entre 3 et 5milliards d’euros maximum... Le conseil et des actionnaires minoritaires étant hostiles à cette entrée, EDF a dû recéder 20% du capital pour 2,5 milliards, soit un rabais de 16,6% et une perte immédiate d’1/2 milliard d’euros. L’aventure libérale britannique d’EDF commence par coûter très cher... aux Français.

2. En Belgique

EDF devait racheté 50% du capital de Segebel détenu par GDF, entité qui possède 51% de SPE, pour 515 millions d’euros. (GDF et SUEZ étant contraint de vendre par la Commission qui, additionnant les parts de marché des deux groupes, considérait qu’il y avait entrave à la concurrence...) Mais le britannique Centrica a décidé d’exercer son droit de préemption et se retrouve ainsi avec 51% de SPE. Mieux, il se paie aussi pour 105 millions d’euros les centrales nucléaires contrôlées par la compagnie Electrabel, filiale de Suez. (dans le cadre de l’accord "Pax Electrica 2"). Les Anglais font les bonnes affaires et se servent avec une indéniable rouerie des contraintes européennes, tandis que les Français sont les dindons de la farce.

3. Aux États-Unis

EDF avait annoncé à la mi-décembre 2008 l’acquisition pour 4,5 milliards de dollars d’environ la moitié des activités nucléaires de Constellation Energy, alors convoité par l’investisseur milliardaire Warren Buffett. En réalité, avec la crise, Constellation ne valait pratiquement plus rien et l’action avait même perdu 60% de sa valeur en une semaine en septembre 2008. Mais le milliardaire Waren Buffet s’était soudain découvert une passion pour le nucléaire et avait fait courir une rumeur du rachat de la totalité du groupe. Dans la foulée, les fins investisseurs d’EDF, avaient surenchéri - avec l’argent public français - et le milliardaire s’était effacé, non sans avoir rendu un fier service à Constellation qu’EDF aurait eu pour une bouchée de pain sans son intervention.

Comme si cela ne suffisait pas, la Commission du Service public de l’État du Maryland a estimé que le groupe français allait acquérir "une influence substantielle" dans une filiale du groupe, Baltimore Gas & Electric (BGE), d’où la nécessité d’obtenir une autorisation. Même les nuls en géographie auront compris que l’État du Maryland ne fait pas partie de l’Union européenne. Évidemment, Constellation a fait appel de la décision, ses dirigeants ne voulant pas rater ses pigeons français pour quelque considération souverainiste de l’État du Maryland.

Conclusion

Chez EDF on sait faire de l’électricité, mais au Monopoly euro-mondialiste, soit on est franchement nul, soit on le fait exprès, ce qui serait plus grave... mais aussi beaucoup plus probable[1].

Mais ces pertes abyssales - qui ne sont pas perdues pour tout le monde - EDF a trouvé le moyen génial de les combler : il suffit d’augmenter les tarifs en France pour continuer de se rater au grand jeu de l’euro-mondialisation !

Le PDG d’EDF réclame donc une hausse de 20% et fait valoir que l’électricité en France est « 30 à 40% moins chère que dans les autres pays européens » et que sans rattrapage, le groupe, lourdement endetté, ne pourra pas financer ses nombreux investissements. La ministre de l’économie (qui aurait appris cette demande en lisant le journal, défense de rire) fait mollement semblant de s’opposer puis déclare qu’il faudrait « envisager des hausses tarifaires » pour financer les investissements d’EDF.

Quand la France sera redevenu un pays normal (Définition : un pays "normal" est un pays gouverné par des dirigeants qui défendent ses intérêts et non les leurs, ni des intérêts privés ou étrangers) il faudra que tous ceux qui sont responsables de la dilapidation du patrimoine national rendent des comptes, avec les mêmes règles de droit, la même rigueur et la même mansuétude qui s’appliquent à tous les justiciables.

Dans l’immédiat, on attend au minimum de la représentation nationale que soit créée une commission d’enquête parlementaire qui devra faire la lumière sur les investissements d’EDF à l’étranger et que soit sérieusement envisagée la nationalisation rapide d’EDF.

Jean-Yves CREVEL

 

[1] Cette nullité ou cette servilité à des intérêts toujours étrangers semble être la ligne directrice de la stratégie d’EDF.

Ainsi, quand le KW nucléaire coûte moins de 0.04 € et que le prix de vente moyen est de 0.06 €, EDF rachète 0.08 € le KW éolien.

Pourquoi EDF choisit de perdre 2 centimes par KW, soit une subvention annuelle de 2 milliards d’euros ?

Pourquoi EDF a interconnecté son réseau ?

La vraie raison est allemande. Les allemands ont refusé le nucléaire et ont opté pour des énergies vertes, énergies qui ont l’inconvénient majeur d’être produite en dehors des pics de consommations.

La particularité de l’électricité étant de ne pas être stockable, cette très « politiquement correct » orientation écologique allemande n’était possible qu’à la condition de disposer de la production du parc nucléaire français. On peut défigurer tous les paysages d’Europe, tant que le vent ne souffle pas l’hiver quand il gèle, il faut construire autant de centrales thermiques à énergies fossiles pour faire face aux pointes de consommation.

En gros, les allemands sont contre le nucléaire chez eux, mais ne voient aucun problème consommer l’électricité des centrales françaises. Ceci est déjà choquant. Mais que pour le masquer, on suive cette politique de multiplication d’éoliennes économiquement indéfendables en générant des pertes structurelles en croissance régulière, c’est simplement délirant.

 



12 réactions


  • Alpo47 Alpo47 13 juillet 2009 11:00

    GDF ayant pris un peu d’avance en matière de privatisation, on peut voir un avant-goût de ce qui nous attend avec EDF.
    L’année dernière GDF a fait 6,5 (de mémoire) milliards d’euros de profit, bénéficiant d’importantes augmentations de leurs tarifs, dont certaines même pas sollicitées (Merci qui ?) et a pu ainsi distribuer de gros dividendes à ses nouveaux actionnaires... Le capitalisme banal ...
    Il en va de même pour nos autoroutes, qui en étaient à 3,5 milliards de profits...

    Question : Ces privatisations bénéficient elles aux abonnés/clients ? En aucune manière. Seuls les actionnaires sont les GROS bénéficiaires.

    Il est grand temps de tomber les masques et de constater ce qui se passe avec ces nationalisations, résultant du libéralisme sauvage de la Commission Européenne et des gouvernements : Augmentation du profit et du Pouvoir pour les uns, PAUPÉRISATION pour la plus grande majorité .


  • ZEN ZEN 13 juillet 2009 11:59

    Merci DSK et Mr Jospin...néolibéraux européens !

    Marcel Boiteux (ancien président d’EDF) « Je ne pensais pas que cela arriverait, que les autorités européennes de la concurrence auraient une vue si dogmatique et voudraient appliquer la concurrence dans le secteur de l’électricité où pourtant cela s’applique très mal », analyse l’ancien président d’EDF. Entré dans l’entreprise en 1949 avant de la diriger entre 1967 et 1987, il a fait EDF. C’est lui qui mit au point la péréquation tarifaire, le service universel, la planification à long terme..Aujourd’hui, il regarde soixante années d’efforts mis en morceaux. « La situation d’EDF n’est pas très heureuse. L’esprit de service public s’effiloche, cela a coûté des fortunes pour assurer la séparation des activités et les prix vont augmenter alors qu’ils étaient censés baisser ».

    EDF privatisée = électricité plus chère


  • stephane 13 juillet 2009 12:22

    Même schéma à la Poste : son président déclare qu’il faut passer au statut de SA pour pouvoir emprunter et se moderniser !

    Or, 2 points seraient à considérer : tout comme EDF, La Poste s’est aventurée ces dernières années dans l’achat de filiales à l’étranger qu’on avait du lui présenter comme des affaires juteuses......

    Par ailleurs, l’entreprise reverse à l’Etat tous les ans plusieurs centaines de millions d’euros une fois payées toutes ses charges et notamment ses fonctionnaires....

    C’est indéniable, avec le recul que nous commençons à avoir, et dans le cas de ces deux entreprises : une volonté politique, sans doute pas désintérressée, de faire profiter au grand capital de marchés considérables en sachant très bien que le consommateur et le contribuable, sans compter les employés, seront les victimes de cette évolution déplorable.


  • fredleborgne fredleborgne 13 juillet 2009 15:02

    L’auteur de l’article parle des responsables de la dilapidation du patrimoine national. En l’occurrence les élus de ces dernières années...

    Pourquoi ne parle t-on jamais de leurs propriétés à l’étranger, comme on parle des propriétés de certains dictateurs africains en France ?


  • titi titi 13 juillet 2009 15:24

    « Chez EDF on sait faire de l’électricité, mais au Monopoly euro-mondialiste, soit on est franchement nul, »
    Je vous rappelle le cas du Crédit Lyonnais et de l’affaire « Executive Live »...
    Visiblement la France n’a pas l’élite financière nécessaire.


  • manusan 13 juillet 2009 15:25

    ca rappelle France Telecom à ses heure de gloire quand c’était devenu l’entreprise la plus endettée au monde suite à ses acquisitions massive ..... juste avant sa privatisation.


  • neurone 13 juillet 2009 19:58

    Bonjour ... On vous a foutu les centrale nucléaires de partout en vous disant que ça ne polluait pas !!! Et qu’on payait l’électricité la moins chère (d’Europe) !!! Maintenant appréciez l’augmentation !? ... La 2è surprise viendra tôt ou tard pour le nucléaire ... finalement avec 20% c’est un peu p’tit bras et les français semble désespérement rester des « veaux » ... A quand la reprise des pouvoirs par le peuple ! "Camarades
    - travailleuses/travailleurs" on vous ment !!! AHAH

    A.Bon Entendeur - Neurone !


  • thomthom 13 juillet 2009 20:01

    je n’ai pas d’avis sur la pertinence des investissements à l’étranger d’EDF... par contre, l’augmentation des prix de l’électricité n’est-elle pas aussi tout simplement causée par le fait que le cout réel et total de l’énergie nucléaire a été sous estimé depuis des décennies en France (notamment le cout du démantelaient des centrales en fin de vie) ?


  • krolik krolik 14 juillet 2009 01:00

    La « rente nucléaire » française pour employer le terme en usage à Bruxelles, conduit au fait qu’effectivement l’électricité est moins chère en France d’environ 30% par rapport aux tarifs pratiqués dans le reste de l’Europe ;
    Et cela empêche la concurrence de pénétrer en France... Ah cette saine concurrence !!
    Dans la pratique les opérateurs alternatifs achètent du courant en grosse quantité à EDF et le saucissonne du mieux qu’ils peuvent.
    Mais ils essaient d’obtenir les prix les plus bas et l’argumentaion qui est employée aujourd’hui c’est de retirer du prix du kWh la provision pour charges prévisibles, autrement dit les provisions faites pour le démantèlement des centrales.
    De toutes les façons EDF , pour faire plaisir à Bruxelles, essaie de se libérer de clients. EDF paie des primes à ses commerciaux lorsqu’ils perdent un gros client.
    EDF veut la fin du tarif régulé, l’affaire est claire.
    Une fois que ce tarif régulé sera enterré, ce ne sera plus que la loi de la libre concurrence européenne. Et EDF pourra remonter ses tarifs de 20% tout en restant avec un prix attractif meilleur que le prix du reste de l’Europe.
    C’est ce que j’ai compris à l’écoute de l’interview du Président d’EDF.
    Que Bercy soit pour ou contre l’augmentation des tarifs, cela n’a aucune importance, le bulldozer bruxellois en route ; EDF l’a bien compris, l’augmentation des tarifs se fera de façon inexorable.

    Il n’y a pas que l’Allemagne qui aime bien le courant nucléaire en provenance de l’étranger.
    L’Autriche pays antinucléaire (qui a sur son sol une usine toute neuve jamais démarrée)aimait bien acheter du kWh ukrainien en provenance de Tchernobyl, même après l’accident. C’est d’ailleur ce qui a fait que les dernières tranches ont été longues à être fermées. Et puis ils peuvent en acheter en Slovénie également. Le courant n’a pas d’odeur..

    @+


    • Stéphane Lhomme Stéphane Lhomme 17 juillet 2009 10:58

      Ce n’est pas bien de mentir Krolik : l’Allemagne est exportatrice nette d’électricité, elle ne « vit » pas avec le courant nucléaire importé.
      D’ailleurs, l’Allemagne est même exportatrice nette vers la France, et dans des quantités grandissantes : 8 TWh en 2007, 12 TWh en 2008  : l’aquivalent de la production annulle de 2 réacteurs nucléaires, importé par la France en 2008 en particulier pour alimenter ses millions de chauffages électriques. Hé oui, le « miracle » nucléaire + chauffage électrique, ça fait finalement déchets nucléaires + co2. Mais il est vrai que ce co2 est compté pour l’Allemagne, alors qu’il est produit pour les chauffages électriques français...


  • cathy30 cathy30 14 juillet 2009 09:42

    ll faut penser également à payer la dette des emprunts EDF. Cela à un coût.


    • krolik krolik 14 juillet 2009 19:39

      De toutes les façons, augmenter les tarifs de 20% ce n’est pas un problème, les clients sont prêts à payer 30% de plus pour avoir de l’énergie éolienne - photovoltaïque...
      Les frais bancaires et agios d’emprunts sont prévus à l’intial.

      @+


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