Éloge du blasphème et de l’esprit de retenue
Le blasphème est une manifestation de la liberté de l'esprit qui s'affranchit des contraintes posées par la bienséance ou le politiquement correct ou encore les conventions sociales, il n'est pas condamnable ( sauf exceptions notables à la loi générale, celles qui brident par exemple le droit d'humoriste d'un Dieudonné ), il use de la liberté d'expression.
Il peut même être stimulant, voire carrément roboratif dans un univers confiné corseté par le qu'en dira-t-on.
Est-il pour autant recommandable : sûrement pas quant il devient l'axe d'une croisade antimusulmane héritière putative des ratonnades d'antan.
Le débat se situe, me semble-t-il, à un autre niveau.
Tout d'abord s'agirait-il de se mettre d'accord sur la définition du mot : prenons le « Petit Robert « blasphème :
1.parole ( dessin etc. ) qui outrage la religion ou la divinité ;
2. par extension, propos déplacés ou outrageants pour quelqu'un ou quelque chose, par exemple une métaphore volontairement blessante.
On imagine bien que les culs bénits, qui se sont sentis outragés par les caricatures de Mahomet et ont hurlé au blasphème, se référaient à la première définition et non à la seconde.
C'est dans cet esprit ou plutôt cette absence d'esprit qu'ils ont ameuté des hordes d'ignorants pour condamner les dessins ( d'autant que l'étau qui bride leur cerveau les a persuadé de l'interdiction de représenter Mohamet bien qu'il y ait pour tant pour apporter la preuve du contraire de très raffinées miniatures persanes, mais enfin passons, les voies du Seigneur sont impénétrables surtout quand elles s'expriment par la voix de l'homme ! )
Ce faisant, ils approprient leur logique religieuse et le totalitarisme de leur pensée à des personnes d'autres confessions, libre-exaministes, agnostiques ou athées dont ils présument l'obligation de se soumettre à leurs interdits dont on ne jugera pas ici l'ineptie.
Ils voient donc un blasphème, là où, par définition, il ne peut y en avoir, les quatre cinquièmes de l'humanité ont d'autres superstitions ( ou pas ) et sont imperméables aux leurs.
Ils auraient été davantage fondés ( si peu ! ) à se sentir humiliés dans leur foi et leur personne ( puisque ça ne fait qu'un ) en se référant à sa seconde définition du Petit Robert.
C'était en tout cas en parfaite adéquation avec leur susceptibilité à fleur de peau ( qui a évidemment d'autres racines que religieuses ) et ils éprouvent beaucoup de difficulté à se convaincre qu'en France Dieu merci ! ( une simple figure de style ) on traite beaucoup de sujets avec le détachement qui sied aux esprits forts et avec la légèreté de ceux qui ne se prennent pas au sérieux.
Un expert en psychiatrie pourrait d'ailleurs utilement nous éclairer sur le fait que cette susceptibilité exacerbée pourrait bien ne refléter en fait qu'une certaine faiblesse de convictions qui sont d'autant plus démonstratives qu'elles sont fragiles.
D'un autre côté, il faut bien reconnaître une certaine abondance de coups de canif à seule fin de compliquer le vivre ensemble et que des attitudes, des écrits, des déclarations – complaisamment relayées - recueillent une adhésion d'autant plus large qu'ils fustigent la communauté musulmane dont certaines pratiques sont d'ailleurs d'origine plus coutumières que religieuses.
Au prétexte de transgresser un discours trop pétri d'urbanité chez des personnes en situation de responsabilités, de soi-disant preux chevaliers du parler vrai sont en fait des chantres – dont certains ne s'affublent même plus d'un faux nez – du racisme ordinaire.
Méthodiquement ils tissent le suaire destiné à recouvrir la devise de la république ou à en dénaturer l'objet.