Éloge du discernement (Vercingétorix, Alésia, Bibracte, Gergovie...)
Suivant la définition du dictionnaire, le discernement serait la faculté d’apprécier avec justesse. Exemple : le discernement du vrai d’avec le faux.
Bien sûr, chacun est libre de penser ce qu’il veut, mais ce qui fait la grandeur de l’homme est d’essayer de penser "vrai", d’où l’importance du discernement. Penser vrai, cela consiste à ne souscrire à telle ou telle proposition qu’après avoir exercé sa liberté de jugement. La philosophie nous enseigne, en effet, que l’homme n’est vraiment libre que lorsque, échappant à toute influence occulte, médiatique ou autre, il est capable d’exercer son propre jugement. Encore faut-il exercer ce jugement avec discernement, ce qui demande un certain effort de réflexion.
Exemple caractéristique : la phrase que Napoléon III a fait graver, à Alise-Sainte-Reine, au pied de la statue de Vercingétorix, à l’intention des touristes qui, évidemment, prennent cette traduction pour argent comptant.
La Gaule unie, formant
une seule nation, animée d’un même esprit, peut défier
l’Univers.
La phrase latine est celle-ci : ...atque unum consilium totius Galliae effecturum, cuius consensui ne orbis quidem terrarum possit obsistere (extrait du De Bello Gallico, VII, 29).
En la
replaçant dans son contexte, on est conduit à une traduction bien différente : Je ferai de toute la Gaule un seul conseil (de
gouvernement) dont personne au monde ne pourra contester les décisions dès lors
qu’elles auront été prises dans une volonté commune.
Désigné comme commandant en chef par le grand conseil de la
Gaule, Vercingétorix avait obtenu l’accord de plusieurs cités gauloises pour
mener une politique de la terre brûlée contre les armées romaines. Mais la cité
des Bituriges, en ne voulant pas évacuer Avaricum (Bourges), avait permis à
César d’y trouver des réserves de blé, d’échapper ainsi à la famine et
d’atteindre Alésia, où la situation se retourna en sa faveur.
Tirant les enseignements de cet échec, Vercingétorix relève le
courage des siens, et explique qu’il va s’efforcer de rallier à sa cause les
cités dissidentes pour qu’à l’avenir de telles décisions soient prises par le
conseil de la Gaule de façon qu’elles s’imposent à tous.
Dans la phrase en question, Vercingétorix affirme seulement
qu’il veut réaliser l’unité de la Gaule, et non pas défier l’univers, comme le
prétend Napoléon III.
Alors qu’un certain courant de pensée très médiatisé s’efforce
actuellement de dénigrer le personnage de Vercingétorix, je voudrais seulement
rappeler la dernière phrase qu’il a prononcée devant son conseil, telle que César
l’a rapportée.
Postero die Vercingetorix concilio convocato
id bellum se suscepisse non suarum necessitatium, sed communis libertatis causa
demonstrat, et quoniam sit fortunae cedendum, ad utramque rem se illis offerre,
seu morte sua Romanis satisfacere seu vivum tradere velint.
Si j’ai fait cette guerre, ce n’est
pas parce que j’y aurais trouvé mon avantage, mais pour la liberté commune.
Puisqu’il faut céder à la fortune, je m’offre à vous : tuez-moi ou
livrez-moi vivant aux Romains ; puissent-ils se satisfaire de mon
sacrifice !
Contrairement à l’idée répandue qui prétend que la phrase est
plus dans le style de César que dans celui d’un chef gaulois barbare, je suis,
pour ma part, convaincu de l’authenticité de cette déclaration. Les Anciens
avaient, en effet, une excellente mémoire, et Vercingétorix étant d’origine
noble, ne pouvait être, de toute évidence, qu’un personnage cultivé, nourri de
culture grecque et latine.
Vercingétorix, premier homme politique européen à parler au nom de la Liberté.
Et pour conclure, j’invite les internautes à se pencher sur la question de la localisation de nos anciennes capitales gauloises. En explorant les mots-clés Alésia, Bibracte, Gergovie, on aura accès aux différents sites contradictoires qui traitent de la question, excellent sujet pour s’exercer au discernement.
E. Mourey