lundi 4 septembre 2006 - par Emile Mourey

Éloge du discernement (Vercingétorix, Alésia, Bibracte, Gergovie...)

Suivant la définition du dictionnaire, le discernement serait la faculté d’apprécier avec justesse. Exemple : le discernement du vrai d’avec le faux.

Bien sûr, chacun est libre de penser ce qu’il veut, mais ce qui fait la grandeur de l’homme est d’essayer de penser "vrai", d’où l’importance du discernement. Penser vrai, cela consiste à ne souscrire à telle ou telle proposition qu’après avoir exercé sa liberté de jugement. La philosophie nous enseigne, en effet, que l’homme n’est vraiment libre que lorsque, échappant à toute influence occulte, médiatique ou autre, il est capable d’exercer son propre jugement. Encore faut-il exercer ce jugement avec discernement, ce qui demande un certain effort de réflexion.

Exemple caractéristique : la phrase que Napoléon III a fait graver, à Alise-Sainte-Reine, au pied de la statue de Vercingétorix, à l’intention des touristes qui, évidemment, prennent cette traduction pour argent comptant.

 La Gaule unie, formant une seule nation, animée d’un même esprit, peut défier l’Univers.

La phrase latine est celle-ci : ...atque unum consilium totius Galliae effecturum, cuius consensui ne orbis quidem terrarum possit obsistere (extrait du De Bello Gallico, VII, 29).

En la replaçant dans son contexte, on est conduit à une traduction bien différente :  Je ferai de toute la Gaule un seul conseil (de gouvernement) dont personne au monde ne pourra contester les décisions dès lors qu’elles auront été prises dans une volonté commune.

Désigné comme commandant en chef par le grand conseil de la Gaule, Vercingétorix avait obtenu l’accord de plusieurs cités gauloises pour mener une politique de la terre brûlée contre les armées romaines. Mais la cité des Bituriges, en ne voulant pas évacuer Avaricum (Bourges), avait permis à César d’y trouver des réserves de blé, d’échapper ainsi à la famine et d’atteindre Alésia, où la situation se retourna en sa faveur.

Tirant les enseignements de cet échec, Vercingétorix relève le courage des siens, et explique qu’il va s’efforcer de rallier à sa cause les cités dissidentes pour qu’à l’avenir de telles décisions soient prises par le conseil de la Gaule de façon qu’elles s’imposent à tous.

Dans la phrase en question, Vercingétorix affirme seulement qu’il veut réaliser l’unité de la Gaule, et non pas défier l’univers, comme le prétend Napoléon III.

Alors qu’un certain courant de pensée très médiatisé s’efforce actuellement de dénigrer le personnage de Vercingétorix, je voudrais seulement rappeler la dernière phrase qu’il a prononcée devant son conseil, telle que César l’a rapportée.

 Postero die Vercingetorix concilio convocato id bellum se suscepisse non suarum necessitatium, sed communis libertatis causa demonstrat, et quoniam sit fortunae cedendum, ad utramque rem se illis offerre, seu morte sua Romanis satisfacere seu vivum tradere velint.

 Si j’ai fait cette guerre, ce n’est pas parce que j’y aurais trouvé mon avantage, mais pour la liberté commune. Puisqu’il faut céder à la fortune, je m’offre à vous : tuez-moi ou livrez-moi vivant aux Romains ; puissent-ils se satisfaire de mon sacrifice !

Contrairement à l’idée répandue qui prétend que la phrase est plus dans le style de César que dans celui d’un chef gaulois barbare, je suis, pour ma part, convaincu de l’authenticité de cette déclaration. Les Anciens avaient, en effet, une excellente mémoire, et Vercingétorix étant d’origine noble, ne pouvait être, de toute évidence, qu’un personnage cultivé, nourri de culture grecque et latine.

Vercingétorix, premier homme politique européen à parler au nom de la Liberté.

Et pour conclure, j’invite les internautes à se pencher sur la question de la localisation de nos anciennes capitales gauloises. En explorant les mots-clés Alésia, Bibracte, Gergovie, on aura accès aux différents sites contradictoires qui traitent de la question, excellent sujet pour s’exercer au discernement.

E. Mourey



7 réactions


  • (---.---.19.252) 4 septembre 2006 22:05

    Ah ! votre article est intéressant. Il m’amène à la réflexion suivante (elle parle de Vercingectorix mais est hors sujet au bord du sujet de votre article) : J’ai lu quelque part un historien dire que c’est justement le rassemblement des citées gauloises sous l’égide d’un seul chef qui auraient causées leurs pertes face aux romains. Mieux aurait valu continuer une guerrilla contre laquelle une armée régulière perd beaucoup de sa puissance.

    Vous comprenez facilement que derrière cette idée s’en cache une autre que j’aime bien : L’union d’une masse de personnes derrière un chef est moins efficace qu’un nuage désordonné d’actions de petits groupes. Un peu comme internet par exemple.

    cordialement


    • mobymatic (---.---.255.131) 4 septembre 2006 23:38

      L’union des cités gauloises avec Vercingetorix a permis de mettre César en situation très difficile, et avait presque réussi à le coincer en Gaule sans porte de secour et sans ravitaillements. La défaite de Vercingetorix est due à des discordes dans l’union qui ont fait arriver trop tard l’armée de secour à Alesia. Si la localisation réelle d’Alésia est,comme le pensent certains, dans le Jura et non près de Dijon, alors César était bien coincé en Gaule, et devait marché sur la cité pour échapper à la coalition. Avant Vercingétorix les Gaulois n’ont jamais réellement pu mettre César en difficulté, les légions écrasant les révoltes les unes après les autres... Vercingétorix à apporté la coordination, et des tactiques parents la puissances des légions.


    • E. Mourey (---.---.184.186) 5 septembre 2006 09:11

      Alésia. « Mieux aurait valu continuer une guerilla ». Je pense que c’était bien l’intention de Vercingétorix (DBG VII, 64). Durant toute la retraite de César, des éléments de cavalerie attaquaient les Romains qui s’écartaient de la colonne pour chercher du ravitaillement. Dans la bataille de cavalerie qui a précédé celle d’Alésia, il avait donné comme consignes de n’attaquer que la colonne de bagages et de se replier presque aussitôt. Il aurait pu gagner cette bataille ; il l’a perdue. En installant une base arrière à Alésia où se trouvaient du blé et du bétail, il a pris un deuxième risque. Il aurait pu gagner, là-aussi, cette bataille (DBG VII, 85) ; il l’a perdue.

      On peut se demander si Vercingétorix aurait dû, ou s’il avait la possibilité de mener une autre stratégie. Je pense, pour ma part, que sa stratégie était bien pensée mais que, seule, la fortune ne lui a pas été favorable. C’est d’ailleurs ce qu’il a déclaré lui-même devant son dernier conseil, et aucun membre de ce conseil ne l’a contredit (DBG VII, 89, 2).

      Merci de votre commentaire. E. Mourey.


    • E. Mourey (---.---.184.186) 5 septembre 2006 09:48

      « La défaite de Vercingétorix est due à des discordes dans l’union qui ont fait arriver trop tard l’armée de secours à Alésia ». Oui, mais je ne pense pas qu’on puisse parler de discordes mais, là encore, de choix stratégique. Pour Vercingétorix, il aurait fallu appeler tous les hommes qui pouvaient porter les armes (DBG VII, 75, 1) et les lancer sur Alésia, même dans le désordre, le plus tôt possible et en tous cas avant 30 jours. Le conseil des représentants des cités gauloises - après en avoir discuté évidemment - n’a pas voulu courir ce risque et a préféré une mobilisation en bonne et due forme (DBG VII,75). Merci pour votre commentaire. E.M.


  • Icks PEY (---.---.232.221) 6 septembre 2006 09:57

    Il y a quelque chose qui me met mal à l’aise dans votre article, c’est cette façon que vous avez de vous prévaloir de la notion de discernement.

    Je ne connais rien au sujet dont vous traitez (mais je ne m’empêche pas de penser qu’il est un peu vain d’affirmer que si tel ou tel choix stratégique avait été fait, le sort du monde en eut été changé ! : je dis cela pour mes collègues commentateurs ... qu’en savent-ils réellement ... que ne peut-on pas écrire avec des « si ») .. revenons à mes moutons ... je ne connais donc rien à votre sujet, mais je suis surpris par le fait suivant : vous affirmez vos convictions, certes c’est parfaitement votre droit le plus légitime, mais en sous-entendant que si, par malheur, un individu devait ne pas les partager, ce serait un signe évident de manque de discernement.

    Grosso modo, pour simplifier ma phrase, vous drapez vos conviction de la vertu du discernement, ce qui, a contrario, suppose que vos contradicteurs en manquent cruellement.

    J’aurai envie de vous faire partager une intime conviction que j’ai : ce n’est pas tant la vérité qui compte, mais plutôt la façon de la partager avec autrui ...


    • Mourey (---.---.184.186) 6 septembre 2006 20:46

      Vous avez peut-être raison, vous avez peut-être tort, mais je souhaiterais que les internautes interviennent plutôt sur la question de la localisation de nos anciennes capitales gauloises afin que le débat puisse enfin avoir lieu. E.M


    • Mourey (---.---.184.186) 6 septembre 2006 20:49

      Vous avez peut-être raison, vous avez peut-être tort, mais je souhaiterais que les internautes interviennent plutôt sur la question de la localisation de nos anciennes capitales gauloises afin que le débat puisse enfin avoir lieu. E.M


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