samedi 6 avril - par Pressenza

Emmanuel Macron, adepte de la fuite en avant

par Samir Saul - Michel Seymour

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(Crédit image : Paolo Feser | Unsplash)

 

Donald Trump est allé dire qu’il ne protègera pas un pays européen qui ne ferait pas sa part au sein de l’OTAN. Il n’en fallait pas plus pour qu’Emmanuel Macron se sente investi d’une mission nouvelle en remplacement de la fin possible du leadership américain. Il trouva là l’occasion de bomber le torse et de dire qu’il ne fallait pas exclure la possibilité d’envoyer des troupes sur le terrain en Ukraine.

Agitation sur les plateaux de télévision

En dépit du rejet systématique de cette idée par tous les pays de l’OTAN, on a eu droit à une agitation sans précédent sur tous les plateaux de télévision française. Loin d’être pertinente ou vraisemblable, la proposition d’Emmanuel Macron est davantage l’exploitation de l’aspiration profonde et compréhensible de la France de se distinguer.

C’est une chose de voir Macron jouer – et fort mal – au général de Gaulle, ç’en est une autre de voir tant de commentateurs patentés accorder de la crédibilité à l’idée avancée par Macron. La plupart des « analyses » proposées ont fait doublement l’impasse sur le rôle joué par les États-Unis. Premièrement, les commentateurs s’illusionnent quant à la possibilité de faire cavalier seul sans l’appui des Américains, et ce, en dépit du fait que, depuis toujours, ce sont les Américains qui donnent le ton, prennent les décisions et dirigent les opérations de l’OTAN.

Deuxièmement, et c’est à nos yeux plus grave encore, les commentateurs ont presque tous tendance à faire l’impasse aussi sur le rôle joué par les États-Unis dans la préparation et la poursuite de cette guerre. Les Américains l’ont non seulement voulue et provoquée, ils l’ont rendu inévitable. Il fallait faire tout pour que la Russie s’engage dans cette guerre, afin de justifier par la suite les sanctions, l’exclusion du système Swift, la fin de la vente du gaz russe à l’Europe et la destruction du gazoduc Nordstream. Les sanctions n’étaient pas la conséquence de l’invasion russe en Ukraine. Les sanctions étaient plutôt un objectif que les États-Unis s’étaient donné et la provocation rendant inévitable l’invasion était le meilleur moyen d’y parvenir. Bref, il fallait abattre économiquement la Russie, et la guerre par procuration était le moyen de réaliser cet objectif. Ce serait un prélude à l’autre guerre, celle qu’il fallait mener contre la Chine, en se servant cette fois-ci de Taiwan pour prétexte.

Ils ont ainsi omis de faire mention de plusieurs faits aussi incontournables que décisifs : l’élargissement de l’OTAN de 16 à 30 membres, jusqu’à la frontière de la Russie, l’installation de bases militaires dans tous les pays de l’Est européen, le refus américain d’inclure la Russie dans l’OTAN, le retrait des USA du traité ABM en 2002, la promesse d’inclure la Géorgie et l’Ukraine dans l’OTAN faite en 2008 (malgré les avertissements répétés des dirigeants russes et des experts américains), l’installation de boucliers anti-missiles en Pologne et en Roumanie, le financement et la préparation du coup d’État de Maïdan, le contrôle politique du pays par les Américains, le refus de faire fonctionner les accords de Minsk, la formation des soldats ukrainiens, l’armement et la fortification de l’Ukraine, l’installation de labos chimiques, le retrait des USA du traité FNI (forces nucléaires intermédiaires) en 2019, le rejet de la proposition de 2021 de négociations sur la sécurité en Europe, et le retrait de la promesse de ne pas installer d’armes nucléaires sur le sol ukrainien. En somme, la guerre en Ukraine oppose les États-Unis, avec l’Ukraine comme proxy, à la Russie.

Les commentateurs ont aussi fait l’impasse sur le rôle joué par les États-Unis dans la poursuite et l’amplification de cette guerre. Ils ont saboté la négociation qui était sur le point de se conclure dès avril 2002 entre Zelensky et Poutine, puis de financer l’Ukraine et de lui fournir des armes pour que la guerre continue.

Les dirigeants américains ont pourtant été nombreux à le dire (Lindsay Graham, Mitt Romney, Adam Schiff), et la Rand Corporation à l’écrire en fournissant la feuille de route à suivre (« Extending Russia », 2019). Il y avait un avantage pour les États-Unis à se servir de l’Ukraine comme de la chair à canon pour affaiblir la Russie sans mettre en danger la vie de soldats américains. L’argent investi en Ukraine était en réalité un investissement dans le complexe militaro-industriel. Pour affaiblir la Russie, c’était une véritable aubaine. Nous sommes ici dans le degré zéro de l’empathie à l’égard du peuple ukrainien.

Bref, les États-Unis ont allumé la mèche, mis le feu aux poudres et jeté ensuite de l’huile sur le feu. Mais rien de tout cela n’apparait dans les « analyses » proposées sur les plateaux de télé. C’est un peu comme si les États-Unis n’étaient qu’un spectateur.

La plupart des analystes de plateau ont interprété chacune des réactions russes aux provocations américaines comme la preuve que la Russie voulait reconstituer l’URSS. Le rôle joué par les États-Unis est escamoté. Les Américains sont dans l’angle mort de leur discours.

D’autres raisons expliquant l’intervention de Macron

De Gaulle voulait diriger l’Europe dans le sens de l’indépendance vis-à-vis de l’hégémonie étatsunienne. Macron veut jouer le rôle de chef d’orchestre, mais dans un sens opposé : comme exécutant de la politique antirusse des États-Unis. De Gaulle s’opposait à l’OTAN, Macron projette de la diriger en remplacement des USA qui ont de plus en plus tendance à lancer la serviette et à laisser tomber l’Ukraine perdante et devenue inutile contre la Russie.

Une OTAN dirigée par la France n’est qu’un fantasme. La France ne remplacera pas les États-Unis à la tête de l’OTAN. Jamais les USA ne laisseraient exister une OTAN ou une armée européenne indépendante et hors de leur contrôle, encore moins sous leadership français. Ils actionneraient l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou la Pologne atlantistes pour la saboter. L’existence de l’OTAN, toujours sous la houlette des États-Unis, rend impossible la naissance d’une armée européenne. Quant à la « défense européenne », il s’agit d’un slogan flatteur pour dissimuler la subordination de l’Europe aux États-Unis, et la jeter contre la Russie. Après l’échec du proxy ukrainien, l’Europe est le proxy de remplacement désigné pour poursuivre l’affrontement avec la Russie.

Y a-t-il d’autres raisons qui auraient poussé Macron à faire de telles déclarations ? L’espoir de faire jouer un grand rôle à la France, légitime en soi, restera illusoire tant qu’elle ne sera qu’un auxiliaire des États-Unis. Mais les propos de Macron ont toujours l’avantage de créer des diversions, entre autres, par rapport au génocide de Gaza que les autorités françaises appuient de facto. La Cour internationale de justice a statué qu’il y avait des raisons plausibles de conclure qu’Israël était responsable d’un génocide à Gaza.

Il ne suffit plus de camoufler cet appui en se drapant dans une fausse lutte à l’antisémitisme dont la résurgence inquièterait. Le génocide est devenu trop brutal pour faire passer au second plan les nouvelles concernant les horreurs vécues par les Gazaouis. Les faits accablants qui montrent le génocide ont fini par entrer peu à peu dans l’espace public. Pour colmater la brèche, des commentateurs ont fini par blâmer Netanyahou et d’autres ont souligné la distance prise par Biden à l’égard de Netanyahou. Mais devant l’ampleur que prend actuellement le génocide, il fallait autre chose.

Les déclarations de Macron sont venues à point nommé. Sur tous les plateaux de télévision, tous parlent de l’économie de guerre, des dangers d’invasion russe de l’Europe, de la nécessité de se préparer, de la pertinence des propos de Macron.

Le génocide de Gaza et la complicité occidentale, y compris française, passent ainsi sous l’écran radar.

Diversion aussi de la situation interne explosive en France. (Voir, par exemple https://www.lepoint.fr/politique/david-djaiz-ex-conseiller-a-l-elysee-ca-va-tres-mal-se-finir-01-04-2024-2556434_20.php). Quand il y a autant de matraquage médiatique, unanimiste, exclusif, insistant, fanatique, c’est qu’il y a un danger à exorciser.

Conclusion

Diversion face à l’absence d’une politique indépendante des États-Unis. Diversion face à la complicité à l’égard du génocide de Gaza. Diversion face à la périlleuse situation intérieure.

Il ne faut pas oublier non plus la braderie de l’industrie française aux intérêts états-uniens (ex. Alstom), l’anéantissement de la position de la France en Afrique, la négation d’une culture française, l’autre joue tendue après la gifle sur les sous-marins à l’Australie en 2021. Le bilan étant lourd, les déclarations martiales de Macron renouvellent en le rafraichissant le concept de fuite en avant. Ce sera sa contribution à l’histoire.

 

Samir Saul est docteur d’État en histoire (Paris) et professeur d’histoire à l’Université de Montréal. Son dernier livre est intitulé L’Impérialisme, passé et présent. Un essai (2023). Il est aussi l’auteur de Intérêts économiques français et décolonisation de l’Afrique du Nord (1945-1962) (2016), et de La France et l’Égypte de 1882 à 1914. Intérêts économiques et implications politiques (1997). Il est enfin le codirecteur de Méditerranée, Moyen-Orient : deux siècles de relations internationales (2003).

Michel Seymour est professeur retraité du département de philosophie à l’Université de Montréal, où il a enseigné de 1990 à 2019. Il est l’auteur d’une dizaine de monographies incluant A Liberal Theory of Collective Rights, 2017 ; La nation pluraliste, ouvrage co-écrit avec Jérôme Gosselin-Tapp et pour lequel les auteurs ont remporté le prix de l’Association canadienne de philosophie ; De la tolérance à la reconnaissance, 2008, ouvrage pour lequel il a obtenu le prix Jean-Charles Falardeau de la Fédération canadienne des sciences humaines. Il a également remporté le prix Richard Arès de la revue l’Action nationale pour l’ouvrage intitulé Le pari de la démesure, paru en 2001.

 

Cet article est initialement paru sur le site de notre partenaire Pressenza le 3 avril 2024.



10 réactions


  • mac 8 avril 20:48

    Il a mis la France dans une impasse économique, une telle dette ne sera jamais remboursée et les salaires des retraités, fonctionnaires et autres aides et subventions s’appuient sur cette dette de plus en grosse.

    Jouer son va-tout en entrant dans la guerre, une méthode bien dangereuse mais que certains jugent peut-être très efficace pour tout assainir ?


  • Matlemat Matlemat 8 avril 22:11

    Absurde cette déclaration de Trump de ne pas respecter le traité de l’Otan et même d’inciter la Russie a attaquer le pays qui ne dépenserait pas assez en armes.

    C’est de la campagne électorale mais on peut penser que l’idée de Trump comme lors de son précédent mandat est que les alliés des USA paient le « juste prix » de leur protection


    • mac 8 avril 22:30

      @Matlemat
      En fait, on ne leur a rien demandé, surtout pas d’aller foutre la m...de en Europe et de se retirer ensuite....
      Quant à payer le juste prix, avant les présidents young leaders affiliés, on le faisait en se défendant nous mêmes, en France...


  • christophe nicolas christophe nicolas 8 avril 22:41

    Croyez ce que vous voulez sur D. Trump


  • mcfr 9 avril 03:33

    La France devient une dictature régie par la répression secrète électromagnétique : 

    https://ladictatureinvisible.wordpress.com/2024/04/02/ils-ne-veulent-pas-que-les-gens-vivent-plus-vieux-queux/


  • zygzornifle zygzornifle 9 avril 08:55

    Macron se prend pour le centre de l’univers alors qu’il n’est qu’un trou noir ......


  • zygzornifle zygzornifle 9 avril 08:56

    Dis, papa, c’est qui, Macron ?

     

    Ce n’est pas compliqué fiston...

     

    La masse musculaire de Macron et supérieure à son poids total.

    Si la lumière va plus vite que Macron, c’est qu’elle a peur de lui.

    Macron ne ment pas, c’est la vérité qui se trompe.

    Macron n’essaie pas. Il réussit !!

    Quand Macron scrute l’horizon, il voit son dos.

    Quand Macron va au restaurant, c’est le serveur qui laisse un pourboire.

    Quand Macron s’est mis au judo, David Douillet s’est mis aux pièces jaunes.

    Macron est le seul homme à posséder une Bible dédicacée.

    Macron peut encercler ses ennemis. Tout seul.

    Macron a déjà compté jusqu’à l’infini. Deux fois.

    Certaines personnes portent un pyjama Superman, Superman porte un pyjama de Macron.

    Macron ne porte pas de montre. Il décide de l’heure qu’il est.

    Dieu a dit : « que la lumière soit ! » et Macron répondit « on dit s’il vous plaît »

    La seule chose qui arrive à la cheville de Macron… c’est sa chaussette.

    Quand Google ne trouve pas quelque chose, il demande à Macron.

    Quand Macron prépare à manger il fait pleurer les oignons.

    Macron sait parler le braille.

    Il n’y a pas de théorie de l’évolution. Juste une liste d’espèces que Macron autorise à survivre.

    Macron et Superman ont fait un bras de fer, le perdant devait mettre son slip par-dessus son pantalon.

    Un jour, au restaurant, Macron a commandé un steak. Et le steak a obéi.

    Macron connaît la dernière décimale de Pi.

    Macron peut taguer le mur du son.

    Quand la tartine de Macron tombe, la confiture change de côté.

    Dieu voulait créer l’univers en 10 jours. Macron lui en a donné 6.

    Macron est capable de laisser un message avant le bip sonore.

    Une larme de Macron peut guérir du cancer, malheureusement, Macron ne pleure pas.

    Si Macron dort avec une lampe allumée, ce n’est pas parce qu’il a peur du noir mais parce que le noir a peur de lui.

    Macron casse les omelettes pour en faire des œufs.

    Le Big Bang était la première éjaculation de Macron.

    Macron était le seul trader a la banque du sperme.

    Quand Macron mange une tartine de miel il mange les abeilles avec.

    Macron est comme les cafards, il survit à tout.


  • zygzornifle zygzornifle 9 avril 11:09

    C’est un énarque et malgré tout les progrès de la médecine cela ne se soigne pas .... 


  • ETTORE ETTORE 9 avril 21:26

    Quelle « fuite en avant » ?

    Quand on trébuche et qu’on dévale du haut de l’immeuble de 8 années d’incohérences, cela s’appelle « chuter en avant » !


  • zygzornifle zygzornifle 13 avril 09:42

    La Rome antique a bien connu un Macron (Quintus Naevius Cordus Sutorius Macro, né en 21 av. JC et mort en 38). Préfet du prétoire romain (commandant de la garde prétorienne), et donc en charge de la sécurité personnelle de l’empereur Tibère. Empereur qu’il a fini par tuer (du moins selon Tacite). Dans ses annales, Tacite narre ainsi les dernières heures de Tibère. Le vieil empereur, malade, allait vers sa mort, et déjà Caius (Caligula) se réjouissait. Mais Tibère, subitement, se ressaisit, demandant à boire et à manger, laissant craindre une guérison. Macron réagit promptement en étouffant le vieil homme sous des couvertures. Avant que d’être forcé, plus tard, à se suicider par Caligula.


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