lundi 5 août 2013 - par Fabienm

Est-ce que t’as le swag ?

Ça commence souvent comme ça. La vieillesse. Ton neveu te dit un truc que tu comprends pas – bon faut dire que t’étais pas bien concentré, trop occupé à essayer de remettre ton cerveau en place suite à ta dernière cuite (et à l’avant-dernière aussi d’ailleurs). Je ne dirais pas que c’est nouveau non plus. En effet, la première fois c’était quand t’as ouvert un magazine Pokemon. Au bout de trois pages, tu as compris physiquement ce que signifiait le terme « hermétique ». C’est à peine si tu comprenais où commençaient les articles. Et quand tu as été voir ton neveu (pas le même), et qu’il t’a expliqué en se mettant à ton niveau l’univers Pokemon, une révélation t’a heurté au niveau de l’oreille droite : il y a des choses, que dis-je un monde, qui te sont tout simplement inaccessibles.

Démonstration avec ce petit cours de swag.

- Hein ?

- T’as le swag tonton.

Bon. Je tiens à préciser que mon neveu n’a aucun défaut d’élocution identifié, tout juste souffre-t-il d’une légère hypertrophie de la glande à gros mots, mais pas plus que sa mère (qui tient ça de la sienne).

Le swag ?

Est-ce une nouvelle série Disney Channel ? Un add-on de Half Life ? Une évolution inconnue de la famille des Salamèche ?

- J’ai le quoi ?

- Le swag !

Il a pas ponctué sa phrase par « blaireau », mais c’est tout comme.

 

What the Fuck, c’est quoi le swag ?

Apparemment, être « cool » c’est ringard, c’est has been, c’est trop la lose. Donc, quand tu déchires trop ta race (expression des années ’90, excusez-moi de son caractère légèrement désuet), quand t’es over-fashion, quand t’es plus « hype » que le plus « hype » des hipsters, ben t’as le swag.

Si l’on reprend la définition plus ou moins officielle, avoir le swag est une chose subtile que beaucoup tentent d’atteindre mais que peu ont (ça ressemble donc à s’y méprendre à des abdominaux en acier, mais on me dit dans l’oreillette que ça n’a rien à voir). C’est, en fait, réservé à une élite de la swag-attitude. En gros, tu l’as ou tu l’as pas. Inutile de dire que ne pas l’avoir te disqualifie d’office dans la cour de récré :

"Je peux trop pas aller avec lui au ciné voir Transformers 8, y’a pas assez de swag entre nous."

 

Un peu de grammaire

La grammaire n’étant pas la matière préférée des djeun’s à l’école de la vie, elle est parfois approximative, ce qui explique sans nul doute que tu peux à la fois être swag et avoir le swag, sans que cela n’affecte aucunement ta swaggerie. Saloperie de grammaire, on ne peut plus lui faire confiance. Mais bon, quand t’as le swag, tu ne t’arrêtes pas à ce genre de broutilles.

Utilisation :

  • T’as le swag        : Ok.
  • T’es trop swag   : Ok.
  • Tu swagges pas des masses  : Ko.

 

A partir de quel âge peut-on être swag ?

Mon neveu étant sous la dizaine, j’ai testé le swag avec ma fille : « Si t’es pas swag, c’est au lit sans dessert ». Elle m’a regardé bizarrement. Bon, on va dire que ça commence à l’adolescence.

 

Ne nous mélangeons pas les pinceaux

Quand j’ai commencé à ouvrir la boîte à swag, certaines personnes y ont été de leurs théories toutes plus passionnantes et fumeuses les unes que les autres. Panorama.

  • Le swag, c’est être poilu

Source : Alice, fan de poils.

FAUX : on ne confondra pas le swag et le shag (moquette ou – par extension de la moquette – toison pectorale)

  • Le swag, c’est du cul

Source : Stéphan, mais pour lui tout est cul.

FAUX : on ne confondra pas le swag et le shag (bis), ce terme des années ’80 très utilisé notamment par Austin Powers qui veut dire (en gros) baiser / niquer / enfoncer sa bistouquette (mais je suis pas hyper sûr de ma trouduction).

  • Swag vient d’un mouvement gai des années ’60 et est l’acronyme de « Secretly we are gay », ce qui permettait d’être utilisé comme label d’identification codifié en public (un brin technique cette phrase peut-être…)

Source : une *censored* asociale (accessoirement alcoolique à ses heures)… évidemment, le fait d’être asociale n’est pas le meilleur moyen d’appréhender cette forme d’extension naturelle de la popularité qu’est le swag.

FAUX : On nous l’a déjà fait 100 fois le coup de l’acronyme (on se rappelle encore, un sourire au coin des lèvres (non pas celles-là), du fameux « fornication under consentment of the king »), mais en fait pas du tout (cf. ci-dessous), le « secretly we are gay » serait plutôt un retro-acronyme d’après le Wiktionnaire. C’est ainsi, les femmes ne peuvent pas TOUJOURS avoir raison (c’est gentil de nous laisser des miettes de temps en temps – ça fait du bien à notre ego en berne).

 

D’où vient le swag ?

Oui, c’est vrai ça, d’où vient-il ? Où était-il toutes ces années ?

Fin du suspens, d’après le Compact Oxford English Dictionnary, « swag » est une anglicisation du terme scandinave svagga (en gros « tituber ») qui date du 13ème siècle.

C’est aujourd’hui utilisé dans pleins d’expressions outre-manche, toutes aussi utiles que self-signaling swag (que l’on pourrait traduire par… euh… articles volés auto-déclarés ?), ou swag lamp (une lampe qui se balance, accrochée par son fil électrique), informations vitales que l’on pourra ressortir à un dîner entre amis la prochaine fois qu’un connard te sortira du swag.

Bon, là tout de suite, vous vous sentez franchement plus intelligent (c’était pas bien dur) et en mesure d’avoir une discussion avec un professeur au collège de France, cependant qu’une question continue de vous turlupiner.

 

Mais qu’est-ce que ça veut dire bordel ?

Ben, en fait, ça veut rien dire de précis. C’est un terme utilisable au gré de l’interlocuteur. Le swag fait partie des termes improbables qui apparaissent de manière sporadique et auréolés d’une certaine forme de mysticisme propre à la linguistique floue, à l’instar de « charmante » dans la bouche d’une racaille lobotomisée. Ainsi, chaque fois que quelqu’un prononce le terme swag, il lui donne une nouvelle coloration, le reformule, le fait naviguer dans des contrées inexplorées, l’instancie dans son propre imaginaire créatif. En ne s’appliquant à rien de plus précis qu’une chose ou un être « cool », le swag est finalement l’équivalent sémantique de l’abstraction la plus pure.

Vous voilà bien avancé.

 

Comment conclure ?

Quoi qu’en pense ma voisine du 7ème qui m’a dit ce matin avoir tout juste fini « du côté de chez Swag » d’un certain Marcel P., la première vraie référence littéraire au swag serait l’œuvre de Shakespeare. En effet, ce terme serait aussi à l’origine du verbe « to swagger » dont on retrouve trace dans « le songe d’une nuit d’été » (1590). La traduction serait « faire le fanfaron ».

Cela fera une belle conclusion à cet article.

To be or not to be… WTF ! Swag is the question.

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Ps : aucune substance hallucinogène n’a été consommée pour la rédaction de cet article, mais je vous conseille cependant la lecture du numéro 18 de Pokémon (le magazine officiel) qui possède une bonne dose de swag, en plus d’informations vitales sur les decks Noir & Blanc tempête Plasma.

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