Et si cette affaire de l’Arche de Zoé était une (mini) affaire d’Etat ?
Avec ces grèves assez dures et perturbantes qui monopolisent le système D français et opacifient le cerveau des transportés, avec la venue de Chavez qui monopolise l’attention humanitaire, avec le voyage en Chine sans Yade - pas bon pour les droits de l’homme - ni Delon - qui en est vexé - qui monopolise les médias, les représentants de l’Arche continuent de couler, et en prison. Cette affaire a été traitée bille en tête contre Breteau et Cie, tantôt traité de Zorro inconscient, de zozo, d’humanitaire foutraque, orgueilleux, peut-être même fou (il vient du 4 x 4 alors vous comprenez le CO2, le bruit, l’écologie et l’humanitaire, tout cela ne fait pas bon ménage), de voyou, de kidnappeur d’enfants, de détourneur de fonds, d’avide de gloriole, trafiquant d’enfants et d’organes, esclavagistes et autres gentillesses.

Souvenez-vous, la première à intervenir fut Rama Yade pour condamner avec la plus grande fermeté possible les agissements de cette association qui, le 26 octobre - l’affaire débute le 25 - estime que l’opération de l’association est « illégale et irresponsable ». Puis Sarkozy a joué à la girouette (tardivement). Stade I : condamnation sans concession - le dimanche 28, il « condamne » l’opération, qu’il juge « illégale et inacceptable ». Stade II : demande du droit à la présomption d’innocence le mercredi 31 octobre (il met 6 jours pour découvrir la présomption d’innocence). Stade III : non-ingérence dans les affaires judiciaires d’un Etat souverain. Stade IV : demande de dissociation des journalistes du groupe. Stade V : saut en avion Grenelle CO2 pour récupérer une partie de l’équipe. Stade VI : « J’irai chercher tous les Français quoi qu’ils aient fait » le mardi 6 novembre. Stade VII : retrait de la position française par le porte-parole de l’Elysée le mercredi 7 novembre. Stade VIII : silence et peut-être abandon.
En fait, dès le début de cette histoire portée à notre connaissance après l’arrestation du commando, il se met en place une sorte de lynchage commun. Il y a d’une part les journalistes, d’autre part les gouvernements tant français que tchadien, viennent ensuite les humanitaires (Brauman qui en rejette la responsabilité sur Kouchner le grand absent de cette triste et embrouillée histoire) comme les ONG et enfin certains hommes politiques et philosophes dont le dernier en date le thuriféraires du Che (pourtant lui un révolutionnaire assassin aux mains rouges de sang innocent) Régis Debray.
Avant de revenir plus en détail sur ces divers éléments, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas pour moi de dédouaner toute action égocentrique habillée de la robe de l’héroïsme humanitaire - et à ce jour tout n’est pas éclairci dans cette obscure affaire - mais de parler de faits inutilement liés ici aux événements, faits qui jettent un trouble certain et font de cette association une cible atteinte facilement.
D’abord les journalistes. Leur condamnation a été rapide brutale et sans nuance pour la plupart. Le terme accablant a souvent été repris à propos des reportages fait par les journalistes intégrés à cette aventure désastreuse. Le simple argument qui pourrait quand même être développé est que lorsque l’on veut sauver des enfants dans un pays en guerre civile avec des militaires, des policiers et des gouvernements instables, corrompus et parfois dangereux, il est évident que le secret en partie et la dissimulation peuvent être une règle de bon sens. Cet argument n’est jamais développé, mais au contraire dessert l’association. Or ce qui est gênant dans cette attaque des journalistes c’est qu’une des leurs, Marie-Agnès Peleran (en congé humanitaire de FR3, et caméra prêtée par FR3 Marseille), est exonérée de toute tache alors qu’en fait elle fait partie de l’association (Cofod - Collectif des familles pour les orphelins du Darfour) qui regroupe les familles d’accueil, elle-même étant sur la liste des candidats. On a l’impression que les journalistes pour dédouaner une des leurs enfoncent voluptueusement les autres. Pour exemple cet [article->http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/20071107.OBS3429/] du Nouvel Observateur dont il faut lire avec attention le chapeau et le contenu. En voici une partie :
Le document que nouvelobs.com publie ci-dessous (l’interrogatoire, le 10 août, d’Eric Breteau par la Brigade des Mineurs de Paris) révèle à quel point le dirigeant de l’Arche de Zoé a dissimulé ses intentions aux autorités françaises. Entre les lignes, on découvre le double jeu de l’ONG, les silences sur le financement de l’association, les non-dits sur la campagne d’adoption en cours, la dissimulation totale de la sœur jumelle de l’Arche de Zoë, Children Rescue, en pleine activité au Tchad, dont il ne dit pas un mot aux policiers. L’audition d’Eric Breteau porte en elle toutes les prémices du cataclysme politico-diplomatique franco-tchadien.
En réalité le PV au lieu de démontrer la dissimulation, démontre son contraire. C’est-à-dire que tout le mécanisme est expliqué clairement (et non entre les lignes) et sans dissimulation. Certes Children Rescue n’est pas cité, mais les cas adoption sont expliqués, les risques aussi, la législation est abordée, les solutions sont définies.
Ces mêmes journalistes étouffent au moins deux déclarations celle de l’un des deux journalistes qui faisaient un reportage dit clairement que Breteau est un homme généreux et que cette opération ne lui paraissait nullement une escroquerie. De même le pilote belge, libéré malgré justement cette entrevue téléphonique à la radio dans laquelle il indique pourtant clairement qu’il était au courant de la mission - il est donc complice sans l’ombre d’un doute - croit lui aussi en la bonne volonté et l’humanisme de cette association.
La question donc qui vient ici en premier est : pourquoi distingue-t-on une journaliste et un pilote tous deux complices des autres et les libère-t-on ? Tant mieux pour eux, mais c’est injuste quand même. Deuxième question : pourquoi jusqu’à récemment n’a-t-on pas entendu parler les membres eux-mêmes de l’association en dehors de leur avocat ?
Pour les associations humanitaires (dans le jeu de la lutte d’influence entre elles), l’Unicef a été à la pointe des attaques notamment en affirmant très tôt que ces enfants n’étaient pas soudanais, mais tchadiens et non plus orphelins. Dans ces affirmations rapides et définitives transparaît immédiatement la culpabilité de l’arche de Zoé. Tout d’abord, il aurait été bon de faire une enquête poussée pour savoir si ces erreurs de nationalités étaient évitables, si elles étaient de la faute unique de l’association ou partielle ou même pas de sa faute (trompée par les intermédiaires). Cela évitait au moins de désigner un coupable avant d’étudier en détail la sombre affaire. Ensuite, l’Unicef a distillé de façon stupéfiante cette idée qui n’est en rien la réalité de l’orphelin : la plupart de ces enfants auraient au moins un lien familial avec quelqu’un. Voilà un argument qui n’honore pas cette institution. Ce terme de lien fait un amalgame sans nom entre ne pas être orphelin avec le fait d’avoir au moins un lien de parenté. Or il transparaît que, même dans les commentaires, ce lien pourrait être un cousin, un oncle, un parent éloigné. Or, être orphelin ce n’est pas ne plus avoir de famille du tout, mais c’est ne plus avoir au moins un de ses deux parents. Cette insinuation douteuse condamne sans appel l’association alors que c’est un mensonge grossier. Attention, je ne dis pas que l’association est blanche comme une colombe, non, je dis seulement que l’Unicef manque étonnamment de rigueur. A ce jour seule une trentaine de parents se sont présentés. Pourquoi si peu ?
Venons-en maintenant à la politique. Voici cinq articles très éclairants. Un vient de Suisse et déclare que le gouvernement tchadien était au courant et deux autres sont - enfin - des entrevues avec Breteau et le médecin embastillé. Selon ces deux articles - ils annoncent qu’ils en fourniront les preuves - le gouvernement français, les politiques étaient au courant. Le plus étonnant pourrait être la lettre à Rachida Dati du mois d’août car tout y est dit. Qu’a fait le ministère de la justice ? Dans cette lettre, on voit qu’il y a des parrains prestigieux et que l’information a été diffusée nationalement notamment par TF1. Ce qui devrait nous étonner c’est l’étonnement du gouvernement français. Ce qui devrait nous étonner c’est de faire croire qu’ils (les ministres et le président) tombent des nues. Ce qui devrait nous étonner c’est que Rachida Dati n’ait ni agi ni parlé ensuite. Or, on voit que notre président a emmené Rachida Dati aux Etats-Unis deux fois (vacances, visite officielle), qu’il l’a emmenée au Maroc et surtout en Chine et là sans Rama Yade. La justice a un modèle à prendre au Maroc ou en Chine ou en a un à proposer à la Chine pour justifier sa présence ? On voit surtout qu’elle est la protégée du président. Ceci explique peut-être cela.
Tous ces éléments n’exonèrent en rien cette association si elle a commis des actes condamnables et surtout fait plus de mal que de bien, mais ils apportent un éclairage très intéressant montrant d’un côté que certains se sont précipités à la condamnation dure, rapide et définitive de cette association sans attendre et d’un autre côté que pour une partie il est légitime de se demander si ce n’est pas pour des intérêts cachés (presses, humanitaires et politiques) qu’il y a eu cet acharnement d’un tout trouvé bouc émissaire à des erreurs partagées. Cela pourrait aussi ensuite expliquer que les membres de cette association aient peut-être agi ainsi se croyant suivis par les politiques qu’ils disent avoir avertis, ce qui les aurait maintenus dans un aveuglement coupable. A suivre de plus près et avec un regard plus critique que la facile condamnation.
Kouchner connaissait le projet de l’Arche de Zoé