Etre blonde ou ne pas être ?
Frankie discutait avec un ami lorsque la conversation a dévié sur les blondes, allez savoir pourquoi ?!
Cet ami disait avoir vu un reportage fort intéressant sur les gladiateurs et il lui raconta - ô ! stupeur - que les dames romaines de l’époque se paraient d’une perruque blonde pour séduire les héros du Colisée. Du coup, Frankie, s’est lancée à la recherche de ses soeurs d’un autre temps et a découvert que le stéréotype de la blonde un peu naïve et sans aucun bon sens, en un mot, parfaitement idiote, venait de légendes urbaines et de théories populaires sans fondement... Sacré héritage culturel que se trimballent les femmes...
Dans la symbolique médiévale, la femme blonde était apparentée à l’épouse légitime et la femme brune à la maîtresse, selon la bonne vieille dualité manichéenne. Quant à la rousse, reprenant la thématique de la couleur des cheveux de Judas, fatalement, elle ne pouvait être qu’une hérétique. Les cheveux roux et souples finiront par être associés à la prostitution et à s’attirer les foudres des vertueux qui interdiront la teinture et la décoloration des cheveux, interdit moral qui durera jusque dans les années 20.
Selon une autre théorie, les cheveux sombres contiendraient davantage de cuivre, métal associé à l’intelligence. A l’opposé, la chevelure blonde, plus légère et plus aérienne par manque de ce métal, symboliserait l’absence d’intelligence. Une autre encore porte sur la possibilité que les produits utilisés à une certaine époque, en vue d’assouplir les cheveux, étaient si forts qu’ils s’attaquaient au cerveau, provoquant ainsi la déficience mentale.
Mais Frankie ne s’est pas arrêtée en si bon chemin et elle a découvert que les origines remontaient bien plus loin : les Romains et les Grecs, fascinés par la couleur des cheveux des Celtes et des Nordiques, utilisaient déjà la teinture. Quant aux courtisans haut placés, ils achetaient des perruques faites de cheveux d’esclaves germains et celtes.
Si on aborde l’histoire de la teinture : ô surprise ! les blondes célèbres qui font rêver les hommes sont de fausses blondes ! La blonde naturelle rare (1 femme sur 20) ne ferait guère fantasmer la gent masculine, alors que la fausse blonde (1 femme sur 3) fascinerait l’homo sapiens. L’histoire de la blondeur féminine viendrait donc d’une histoire de teinture...
Les responsables : Aphrodite chez les Grecs et Vénus chez les Romains. La déesse de l’Amour est blonde et épilée. Les Grecques et les Romaines vont donc les imiter et se teindre et s’épiler, en suivant des recettes aussi cuisantes que malodorantes. La souffrance pour parvenir aux canons de la beauté n’est donc pas née d’hier, mais peut-être pensaient-elle déjà, en dépit de quelques rictus, qu’elles le valaient bien !
L’une des premières teintures est "à base de graisse de chèvre, mêlée de cendre de hêtre, et conservée sous forme de petites balles". Certaines y ajoutent de la fiente de pigeon pour les pouvoirs décolorants de l’ammoniaque qu’elle contient. Cette mode, qui épargne les vertueuses mères de famille, fait fureur chez les hétaïres, à la fois courtisanes, intellectuelles et prêtresses d’Aphrodite. D’où la sulfureuse réputation des blondes.
Plus tard, grâce aux conquêtes de César, les Romaines vont trouver une solution moins pénible pour se coiffer : la perruque. "Des milliers de Germaines blondes se retrouvaient captives rien que pour se voir couper les cheveux." La terrible impératrice Messaline court les bordels la nuit dans le manteau postiche d’une longue chevelure blonde. Les prédicateurs chrétiens, déjà peu enclins à aduler les femmes, les accuseront de traîtrise capillaire : "Celles qui se teignent les cheveux en safran rougissent même de leur nation, regrettant qu’on ne les ait pas fait naître en Germanie ou en Gaule. Ainsi changent-elles de patrie par les cheveux !", tonne Tertullien.
L’Empire chrétien déboulonne toutes les statues de Vénus, mais confie sa succession visuelle à Eve, la nouvelle blonde fatale : "Un signe très clair permettait de reconnaître la tentatrice, sa blondeur." A l’opposé, évidemment, la Vierge Marie sera brune, au moins jusqu’au XIVe siècle, où les visions de sainte Brigitte vont transformer son iconographie dans toute l’Europe. "Elle eut des visions de la Vierge Marie avec de longs cheveux blonds aussi lumineux que le soleil, flottant librement sur ses épaules." Au Moyen Age, il va donc exister le blond doré, saint et bénéfique, celui d’Hildegarde de Bingen, aux tresses miraculeuses, d’Iseult aux cheveux d’or ou de l’héroïne du Roman de la Rose, dotée d’un blond surnaturel.
La Renaissance remet l’Olympe et Vénus à la mode. Venise devient la patrie de la teinture : "Il devait bien se trouver à Venise quelques vraies blondes, mais en petit nombre. Or, on comparait sans cesse les belles Vénitiennes aux ravissantes blondes de la Rome antique." Lucrèce Borgia, duchesse de Ferrare, laisse "prendre" sa teinture pendant vingt-quatre heures dans une "décoction de tiges de chou et de cendre de paille de seigle à l’odeur méphitique". Un chimiste américain contemporain, Konrad Bloch, a analysé les recettes de l’époque et trouvé que leur principe actif était le peroxyde d’hydrogène, le même que dans l’eau oxygénée, découverte en 1812. La coloration était si parfaite que lord Byron, ébloui, volera un cheveu de Lucrèce au musée des siècles plus tard...
Mais en 1775, une belle courtisane parisienne, Rosalie Duthé, eut l’honneur et l’avantage de devenir la première blonde officiellement stupide de l’Histoire. Créature célèbre pour son ineptie, elle avait pris l’habitude d’imposer à ses interlocuteurs de longs silences, lourds de sens, bien sûr.
Et Frankie a été rassurée quand elle a lu que le cliché de la blonde n’était repris que par des hommes ayant essuyé une déception sentimentale, ou par des brunes estimant injuste que les blondes aient davantage de succès. Donc, fausses blondes, vraies fausses blondes ou brunes au coeur de blondes, aujourd’hui Frankie vient de vous donner toutes les raisons de contre-attaquer. Et si c’est un peu difficile à mémoriser, faites-vous des antisèches.