lundi 6 mars 2017 - par Desmaretz Gérard

Faits de société, les 5 P : Population - Police - Politique - Parquet - Presse

État d'urgence, affaires judiciaires, financières, violences urbaines, rumeurs, terrorisme, etc. Les plaintes, doléances ou exaspérations exprimées par la population et relayées ou initiées par les médias ne vont jamais au cœur des problèmes soulevés, la responsabilité humaine finit par retomber sur un lampiste (policier, citoyen, élu local) et quasiment jamais sur un haut responsable police/justice ni sur les hommes politiques. L'immunité de leur mandat ne leur suffisant plus, nos représentants votent LEURS lois ! En pleine affaire Fillon, un amendement avait été « glissé » dans une proposition de loi visant à modifier les délais de prescription pour les affaires financières ; le 20 février, un député déposait devant l'Assemblée nationale une proposition de résolution demandant la suppression de poursuites engagées à son encontre ! 

C'est un truisme de dire que la population ne perçoit pas le rôle des policiers de la même façon que les policiers perçoivent le leur à l'égard de la dite population. Combien de citoyens sont frustrés de voir leur appel au standard de l'hôtel de police pour signaler un « problème » ne pas aboutir. L'appel pour le véhicule suspect stationné proche de Notre-Dame a pris plusieurs heures avant d'être pris en compte et traité ! Nous sommes à des années lumière de la politique de la « tolérance zéro ». La majorité des appels seraient considérés comme inappropriés et seulement 17 % dignes d'intérêt ! C'est vrai qu'une mission de secours ou assistance à une personne en danger se doit à être prioritaire sur un véhicule stationné sur une sortie de garage.

La population n'est pas homogène et certains citoyens sont déconnectés des réalités portant sur la nature des missions de police, confondant allégrement les missions de la police administrative avec celles de la police judiciaire, quant aux différents services spécialisés je n'en parle même pas. Qui d'entre-nous connaît par exemple, la brigade d'exécution des mandats de justice ? par contre, tout le monde a entendu parler de la brigade criminelle de la BRI, etc. L'organigramme de la police repose sur une pyramide dans laquelle chaque service doit se livrer à des opérations réitérées : trafic d'armes, terrorisme, grande délinquance, etc., ces fonctions spécialisées correspondent à un service dédié et la spécialisation des fonctions entre les différents services est assurée par des liaisons de coordination.

Le métier de policier reste l'un des plus dévalorisées par la population, la raison en incombe à : la sélection (un recrutement au choix serait souvent préférable) - la formation (absence des sciences humaines au programme) - l'affectation (adéquation du caractère avec la mission). L'opinion de la population à l'encontre de la police est à géométrie variable. Elle dépend de la catégorie socioprofessionnelle, de l'opinion politique, du caractère, sans oublier la nature du délit. Si les zadistes sont tous anti-flics, les « bourgeois » pensent à leur sécurité ou celle de leurs biens qui pourrait être menacée, sauf lorsque cette catégorie est l'objet d'immixtion policière dans leurs petites affaires (criminalité en col blanc). La même population qui acclame la police, peut demain la clouer au pilori, le peuple est versatile et la vérité est plurielle, à chacun sa vérité.

Les propos du maire d'Aulnay qui fut responsable syndical de « Synergie officiers », illustrent les dualités des positions des uns et des autres selon leur sentiment d'appartenance. Après l'affaire Théo, il déclarait : « La police est là pour protéger et non humilier nos concitoyens » et faisant suite à la décision du parquet de l’ouverture d’une instruction pour « violences volontaires » et non plus pour « viol » : « Je ne comprends pas cette requalification, vécue comme un détournement de vérité. Je répète mon soutien plein, entier et total à la famille. » Si ces administrés lui en furent gré, ses anciens collègues tombaient des nues, et lui de leur répondre : « Je savais qu’en prenant ces positions, je me mettais à dos mon ancienne profession. Un syndicaliste est élu pour défendre les intérêts particuliers de ceux qui le mandatent, un élu local doit défendre l’intérêt général et celui de sa collectivité. » C'est le même homme qui en 1999 déclarait après la condamnation de cinq policiers à de la prison ferme pour « violences » et « agressions sexuelles » sur deux trafiquants de drogue au commissariat de Bobigny : « Est-ce aujourd’hui un moyen de servir la justice que de casser la police ? » 

La vérité est souvent plurielle, d'autres réalités existent au travers de nos réalités ou de celles avancées par des tiers. Le 24 février, on apprenait que la fratrie de Théo Luhaka faisait l'objet d'investigations diligentées par l'inspection du travail pour « suspicion d'abus de confiance et escroquerie », signalements effectués auprès du procureur de la République été 2016 ! Des membres de la dite famille sont soupçonnés d'avoir détourné 678 000 € de subventions d'État en organisant des fraudes reposant sur la gestion d'associations depuis 2011 ! Un brigadier a consigné dans un PV antérieur à l'affaire Théo, que des indicateurs lui avaient rapporté que des dealers sodomisaient des comparses afin de leur faire avouer leur collaboration avec la police. L'ADN de Théo a-t-il été retrouvé sur le bâton télescopique du policier ?

Les politiques de tout bord ont une analyse biaisée des phénomènes de société et des relations de la population au couple police/justice, ils sont coupés du réel au point de ne pas connaitre le prix d'un ticket de transport ou celui d'un pain. Les actions politiques ont cependant des répercutions importantes sur l'administration policière. Ce sont les politiques qui votent les budgets et les lois que la police est chargée de faire appliquer. Le gouvernement donne également l'axe des missions prioritaires : reconquérir le terrain..., la chasse aux automobilistes, le renseignement, etc. Le gouvernement détient le monopole de la répression à travers un rôle de coordination des forces, et la police/gendarmerie celui de la force légitime, la seule à pouvoir disposer d'une arme dans le but déclaré de protéger la population, le but caché étant tout autre. Si on a désarmé la population, c'est uniquement dans le but de protéger le gouvernement (loi de vichy invitant les possesseurs d'une arme à la remettre aux autorités).

Le Ministère de l'intérieur décide des cibles prioritaires, de la tactique et des moyens à mettre en œuvre (la politique du chiffre). Le policier appartient à un groupe social marqué par l'esprit de corps. Même s'il s'agit de fonctionnaires présentant des idéologies différentes, voire opposées, le terrain et l'expérience leur ont appris la nécessité à œuvrer en commun. Reiner, retient sept traits de caractère rencontrés chez les policiers qui formatent l'administration :

- La suspicion et le secret définissent les relations du policier avec le citoyen/suspect. A l'inverse, la confiance règne entre les relations avec les autres policiers.

- La nature et les périodes de travail créent un fort sentiment d’appartenance et de différence face à la société en général. Cette solidarité contribue à les couper de la population.

- La plupart des policiers ont une moralité conservatrice qui valorise l’autorité, le respect, la conformité sociale et un certain manichéisme.

- La culture policière est empreinte de valeurs masculinisées : l’autorité, la force, l’agressivité, le risque personnel, et le pouvoir sur l’autre.

- La tendance à classifier les personnes en termes de leur identité ethnique.

- Le pragmatisme ou préférence marquée pour les questions pratiques et immédiatement visibles, méfiance vis-à-vis l’innovation et la recherche, source de résistance au changement.

- Lorsque le policier s’aperçoit que son travail n’a pas les effets escomptés, il peut devenir cynique.

Certaines de ces remarques s'expliquent et se justifient, mais les expliciter me ferait sortir de mon propos, par ailleurs, la police ne forme pas un noyau homogène. Les grands traits varient selon la hiérarchie et l'appartenance à un services. Les jeunes policiers se comportent envers leurs concitoyens comme la hiérarchie se comporte à l'égard du leur, c'est à dire avec un dédain teinté de mépris. Le « flic » mature a appris à relativiser et ne se fait guère d'illusions sur la société.

Des affaires impliquant des policiers ont défrayé la rubrique des faits divers, le ripou dépasse le simple service rendu à un « tonton », il retire un bénéfice personnel de son action ou inaction... Parfois il s'agit d'une question d'égo inter-service (affaire des Irlandais de Vincennes), de la disparition d'une pièce de procédure, d'une complicité dans la réalisation d'un délit, etc. Le contrôle sur les policiers procède : du code de déontologie - du règlement interne - du chef de service - du contrôle administratif - de l'Inspection générale de la police nationale - du défenseurs des droits - et de la justice. Si le chef de service a connaissance d'une conduite inappropriée « mineure », la situation est réglée en interne. Si l'IGPN est connue de tous, peu de citoyens saisissent l'organisme (la saisie est possible par Internet) lors de difficultés rencontrées avec un policier, à peine 2000 (chiffre de mémoire...) signalements par an. Et pourtant, il s'agit généralement de policiers à l'écoute du citoyen, capables selon la doléance, d'arrondir les angles, de convoquer le policier mis en cause, d'engager une enquête disciplinaire qui peut aboutir à : un avertissement - une rétrogradation - exclusion temporaire ou définitive - ou de transmettre au parquet pour les cas plus sérieux.

Le public a mis en doute à l'occasion d'affaires retentissantes,, le bon fonctionnement de la justice et celui du parquet. Un citoyen en gifle un autre, la plainte est classée, un citoyen mécontent ou exaspéré gifle un ministre, le Parquet poursuit et le tribunal sanctionne. La population reproche à la justice sa lenteur, son formalisme, le fondement des lois, et le temps judiciaire qui semble avoir un sablier différent de celui de monsieur tout-le-monde. La justice est rendue sur le droit et non sur la notion de bien ou de mal, ce qui peut être vécu comme une forme d'injustice ; ce n'est pas parce qu'une action n'est pas répréhensible au regard du code pénal, qu'elle en est légitime ou morale ! C'est le procureur qui décide si le fait porté à sa connaissance doit être poursuivi ou classé sans suite (opportunité des poursuites), le parquet préfère parfois classer une affaire en raison du désordre qu'elle pourrait présenter pour l'ordre public (troubles sociaux, détérioration de l'outil de production, séquestration, etc.).

L'instruction est obligatoire en matière criminelle et facultative en matière correctionnelle, dès qu'un juge d'instruction se voit confier l'affaire, il devient le cavalier, il tient les rênes de l'enquête. Le Ministère de la justice peut à tout moment demander une enquête sur l'action d'un juge. Les juges sont inamovibles..., le pire qui puisse leur arriver est de se voir dessaisis d'un dossier, mutés, leur nom ôté du tableau d'avancement (la commission d'avancement est formée de représentants de l'État et de magistrats élus). Il faut une faute particulièrement lourde pour qu'ils soient radiés. La justice fonctionne comme l'économie, c'est à dire à flux tendu, le JI délègue une partie de ses pouvoirs à la police judiciaire (police ou gendarmerie) ; la justice et la police sont condamnées à cohabiter malgré la séparation des pouvoirs.

L'appréciation et la qualification d'un fait peuvent être différentes entre les magistrats du parquet et ceux du siège. Le lundi 20 février 2017, les magistrats de la 14e chambre du tribunal de Bobigny ont demandé que les faits de violence pour lesquels un policier municipal comparaissait à la suite d’une interpellation survenue en octobre 2015, soient requalifiés en viol et que le policier soit jugé devant les assises ; le parquet a immédiatement fait appel. 

« La Cour européenne des droits de l'Homme considère d'ailleurs clairement que le parquet français n'est pas indépendant du pouvoir exécutif. S'il est vrai que le garde des Sceaux ne peut plus donner au parquet des instructions de "non poursuite", il n'en reste pas moins que les magistrats du parquet sont nommés par le ministre de la justice et que le contrôle que fait le Contrôle supérieur de la magistrature n'est pas absolu.(...) il n'a échappé à personne que dans ce pays, depuis 25 ans, il y a une sorte de bras de fer entre la justice et le pouvoir politique dans son ensemble. (...) on ne met plus en cause le droit pour la justice de juger les politiques. Mais aujourd'hui, on fait un procès en impartialité et en opportunité à la justice, on lui reproche d'être partiale et d'interférer dans le déroulement politique. (...) Le soupçon de manipulation de la justice, même si la manipulation n'existe pas, est réel » (J. de Maillard pour Franceinfo).

Les médias ont une influence énorme sur la population lors des opérations de police ou de justice et sur la manière dont certaines sont ou ont été conduites. Les médias présentent les policiers tantôt comme des victimes, tantôt comme d'infâmes ripoux. Si les médias représentent un contre-pouvoir nécessaire, on peut légitimement s'interroger sur la responsabilité de certains et leur rôle joué par une médiatisation sans nuance avec l'unique souci de faire de l'audimat ou d'accroître le tirage. A répéter ad nauseam un fait, certains journalistes agissent sur les bas instincts, les pulsions enfouies inavouables, et incitent à des comportements mimétiques ou contradictoires. Ils n'informent pas, ils communiquent leurs sentiments ou leur idéologie. Plus c'est trash, plus l'audience augmente, à l'exemple des vidéos sauvages postées sur les réseaux sociaux en temps réel. Les voyeurs-rapporteurs ne font qu'accroitre l'anxiété et le ressenti parmi une population déjà en perte de repères.

Déjà, au temps de Colbert, on assistait à la lutte contre l'arbitraire et l'incurie des grands fonctionnaires, rien n'a vraiment changé. S'attaquer à eux revient à s'attaquer à un corps de la Nation et auquel ils s'identifient. Les institutions, leurs corps représentatifs, leurs apparats et leurs privilèges nés de la divine Démo(n)cratie qui a remplacé la noblesse de robe, doivent être préservés à tout prix, pensez donc ! pas question de lézarder le bel édifice légué et patiné par des siècles de despotisme « éclairé » ou d'attenter à leur prestance... Nettoyer les écuries, pas seulement celles d'Augias, n'est pas pour demain, et mieux vaut ne pas trop compter sur eux pour accomplir cette tâche, remuer la m..... ça pue.

 



3 réactions


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    « Je crois très sincèrement que si je pouvais revivre mon enfance, et qu’on me laissât le choix entre l’aisance et la pauvreté telle que je l’ai connue, je choisirais encore la pauvreté, ne serait-ce que pour retrouver, grâce aux privations habituelles qu’elle impose, la surprise, la joie, l’extase de quelques minutes divines que des milliers d’enfants si choyés ne connaîtront jamais. Ces bonheurs sont bien difficiles à exprimer, étant plus proches de la sensations que du sentiment. Mais je n’aurais pas la paix, si je n’essayais pas de dire ce que fut pour moi la révélation du raisin ..."
     
    Alexis Peiry ‘L’or du pauvre’
     
    (passage magnifique où ce gamin suisse très pauvre découvre le raisin ... très très loin de l’apologie du pognon vertueux du Ploutocrate Sexialiste et son excuse sociétale : on est salaud car on est pauvre)
     
     
    https://youtu.be/rxhofrFs1F4?t=3458


  • leypanou 6 mars 2017 09:30

    Article très intéressant : à faire connaître.


  • sirocco sirocco 6 mars 2017 23:42

    « Les juges sont inamovibles..., le pire qui puisse leur arriver est de se voir dessaisis d’un dossier, mutés... »

     
    En théorie, oui. En pratique, non. Si le juge d’instruction en charge du dossier du viol de Théo tient à sa vie et à celle des membres de sa famille, il sait quelles conclusions il est obligé de rendre.


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