Faut-il euthanasier l’anaphore ?

La question de la fin de vie est extrêmement délicate même si la médecine s'évertue à en repousser les limites, il est parfois déraisonnable de s'obstiner, il en est des êtres humains comme de certaines figures de style.
Nous avons voulu à l'heure du bilan provisoire de notre bien-aimé président faire un examen clinique sommaire de l'état de santé de l'anaphore hollandaise dont la naissance fut célébrée dans la liesse par le peuple de gauche en mai 2012.
Par convention et pour ne pas risquer de lasser le lecteur, fut-il socialiste, nous condenserons aux maximum les vers de ce poème lyrique, ainsi "Moi président de la République, je ferai en sorte que mon comportement soit en chaque instant exemplaire" deviendra " Moi président , comportement exemplaire".
Examinons ensemble le neuvième vers de ce refrain "Moi président, code de déontologie pour les ministres" force est de constater que la charte mise en place s'est montrée aussi efficace qu'un cautère sur une jambe de bois après l'affaire Cahuzac et la surinfection Thévenoud.
Et pour plagier Edmond Rostand on pourrait dire à propos de cette tirade " « moi, monsieur, si j'avais un tel vers, Il faudrait sur le champ que je me l'amputasse ! »
Disséquons ensuite le dernier et l'un des plus longs que nous synthétiserons par" Moi président, hauteur de vue, impulsions et souci de proximité avec les Français" . Passons sur la hauteur de vue, il n'avait pas le gabarit d'un troisième ligne pour être au dessus de la mêlée, quant à la proximité avec les Français, il y a progressivement renoncé trouvant probablement les effusions de ses admirateurs excessives.
Pour être objectif, reconnaissons qu'il y avait dans cette déclaration d'intention également le souci de ne pas s'occuper de tout et s'il tient parole nous lui en saurons gré.
Nous nous garderons d'examiner à la loupe tous les composants de cette anaphore dont certains n'ont pas encore servi par manque de temps comme " Moi president, scrutin proportionnel" ou encore pour des raisons évidentes comme " Moi président, pas de collecte de fonds", ce serait fastidieux.
Nous avons du mal à imaginer quel mécène serait susceptible de miser actuellement un rond sur notre timonier, excepté peut être Pierre Bergé qui nous veut tellement de mal qu'il a prédit récemment sa réélection en 2017. Qu'avons-nous fait de si terrible pour mériter un tel châtiment ?
Reste évidemment à ausculter la sixième anaphore, celle qui entre toutes avait provoqué l'enthousiasme d'une opinion lasse des dérives comportementales du tenant du titre d'alors racontées par le menu avec gourmandise par les gazettes conquises par la moralité exemplaire et socialiste, excusez la redondance, du challenger.
Patatras, lui président normal malgré ses précautions, sa prudence proverbiale, son sens de la mesure, son amour des pauvres parfois si excessif qu'il en arrive à en fabriquer de nouveaux, comment a-t-il pu élever son taux de testostérone au niveau de ses libidineux prédécesseurs ?
Son erreur originelle fut sans doute, dopé par les sondages, d'ajouter une notion de temps ("en chaque instant") à son comportement qu'il voulait exemplaire et de ne pas s'autoriser quelques moments d'égarements bien humains. C'était exiger beaucoup même d'un ancien secrétaire du Parti Socialiste.
Nous craignons que cette bévue dans ce sixième vers ne soit fatale à la structure globale de l'anaphore, en effet, toutes les autres lui sont plus ou moins liées, le constat est triste, l'anaphore se meurt, la question de l'euthanasie pourrait ne plus se poser, et faire place au temps de l'autopsie.