jeudi 12 août 2010 - par Gonzague

Fiat Luxure et facta est lux

Eva Herman. Une lueur dans la nuit. Ne cherchons pas à faire toute la lumière sur les événements de Duisburg. A l’instar du bonheur, la réponse est dans le prêt-à-penser. 

 L’on se moque bien volontiers, l’on complote évidemment, l’on aime à parader en place publique, à l’instar des ecclésiastiques d’antan, en arborant la paille que d’autres ont dans le regard, avant de la brûler sous les jubilations bien compréhensibles des masses en délire. L’on aime, en Europe, à exhiber les attitudes archaïques de certaines peuplades plus ou moins pas vraiment comme nous et clouer ces dernières au pilori de l’anormalité évidente.

D’aucuns, là-bas, à l’Est de Ben Laden, voient ainsi sans plaisanter derrière les déferlantes du tsunami ravageur de 2004 la main taquine d’un Dieu qui ne l’est apparemment pas moins. Plus proche de nous géographiquement, des mollahs pérorent à l’envi, sans sourire aux lèvres, que les tremblements de terre qui rythment le quotidien riant des populations locales sont la résultante logique de la colère de Dieu, courroucé qu’est ce dernier devant la vertu constamment instable de ses ouailles dévêtues.

Alors on rit. On se gausse. Pétris de certitudes héritées des Lumières et avant tout des développements de celles-ci, nous ne cherchons toutefois pas tant à brocarder ces croyances antiques, qui se décrédibilisent d’elles-mêmes, qu’à féliciter nos ego, à admirer les progrès réalisés depuis les âges noirs que vécurent, il y a bien longtemps, nos contrées, pour finalement oublier la poutre qui somnole en nous.

Car force est de le reconnaître, ces billevesées ont la vie dure, et ce où que ce soit sur notre jolie planète certes un peu mazoutée. Et l’invention du mp3, du Rafale ( ?!?) ou encore de la pizza quatre-saisons ne prémunit pas le vieux continent contre la résurgence, il est vrai sporadique mais inquiétante, de certaines superstitions qui, à bien y regarder, sont finalement bien coriaces.

Eva Herman, ancienne présentatrice « vedette » du journal d’ARD (première chaîne publique allemande), qui avait déjà il y a quelques années défrayé la chronique outre-Rhénane en louant à demi-mots la politique familiale du régime national-socialiste, regrettant au passage que les valeurs héritées de cette folichonne période aient succombé aux jets de pavés de soixante-huitards chevelus, et subséquemment arriérés, a comparé ce lundi 26 juillet 2010 la Love-Parade de Duisburg à Sodome et Gomorrhe et les 20 morts (un blessé a succombé hier à ses blessures) à une punition divine d’autant plus légitime qu’elle touche non pas des jeunes qui chercheraient à faire la fête dans la joie et la bonne humeur, mais des jeunes dépravés suivant purement et simplement leurs « pulsions » (Triebe) et accessoirement « le sombre (indiscernable est sous-entendu, NDT) maître de la séduction visible  ». Le Malin, autrement dit, est à l’œuvre dans l’ombre des chars bondés de mélomanes technophiles. Un micro dans une main, une pomme dans l’autre, il murmure à ses apôtres involontaires la voie à prendre, celle de ce tunnel bien trop étroit dans lequel il sait que 20 âmes, bientôt, rejoindront un Charon bien moins agréable que les chars de la Ruhr. Ergotant sur la définition de Love- « Liebe » (Amour), l’ex-ARDeuse se complaît dans son article à superficiellement observer que « jamais un mot ne fut autant traîné dans la boue  » que celui-ci ce jour là. Car « l’amour est le [sentiment] le plus beau et le plus noble de [la] Création ». Ceci est peut-être vrai. Peut-être pas. La Création, quoiqu’il en soit, mise en exergue dans la phrase incriminée implique un ou des créateurs, elle sous-entend une interprétation figée de ce terme dont la journaliste se fait la défenseure émérite. Elle fixe un terme ; terme qui serait le commencement d’une politique à suivre concernant une morale ou des principes à universellement observer ?

Cette histoire ne serait que cocasse et n’aurait droit qu’à peu d’attention, amusée et incrédule, de la part des journalistes si Eva Herman n’avait, en Allemagne du moins, un cercle de lecteurs dont on peut supposer qu’il est assez imposant. La journaliste fut durant presque dix ans le visage respecté de l’information outre-Rhin, il n’est en conséquence pas étonnant que bien des téléspectateurs d’antan se transforment aujourd’hui en lecteurs assidus. Et dans les faits, son livre, « Das Prinzip Arche Noah. Warum wir die Familie retten müssen  » dans lequel le sauvetage de la « famille traditionnelle » passe selon elle par un retour de vertus disparues derrière les barricades des années 60, s’est classé en 2007 dès la première semaine parmi les 25 meilleures ventes chez nos voisins germains.

Herman s’est certes récemment un peu plus décrédibilisée en signant chez « Kopp Verlag  », une maison d’édition très controversée du fait de ses accointances avec certaines franges de la droite de la droite, maison spécialisée dans les théories de la conspiration mondiale et les pseudosciences. Il n’empêche que les discours obscurantistes, religieux ou autres raillés à juste titre par nos soins, propos dont on imagine aisément qu’ils sont d’un autre âge et surtout d’autres cieux, ont pignon sur rue pas plus loin qu’en Allemagne. Ces idées reprennent au grand jour le chemin qu’elles avaient abandonné il y a quelques décennies, chemin délinéant encore bien souvent certains coins du monde où la foi simple fait figure de vecteur absolu de vérités homonymes.

Critiquer ces voies lointaines est aisé. Ne pas voir, obnubilés par l’assurance de la justesse de nos jugements, les intentions qui pavent certains de nos chemins de traverse, est tout aussi aisé. Mais également dangereux. 



6 réactions


  • Waldgänger 12 août 2010 13:47

    Très bel article Gonzague, excellement écrit et terrible à la fois.


  • zelectron zelectron 12 août 2010 14:47

    @WG
    Einverstanden.....


  • Gonzague Gonzague 12 août 2010 18:08

    Merci Waldgänger,

    Comme vous l’aurez probablement remarqué, la date du décès de la 21° victime est fausse. J’ai publié ce billet sur mon blog au moment de l’affaire et n’ai bêtement pas pris le soin de mettre à jour le texte soumis hier à l’Agora. La combinaison Strg+V est certes pratique, elle incite néanmoins à la paresse. 

  • entrevuew 13 août 2010 11:22

    Commentaire effacé - ne respecte pas la charte du site.


    • Gonzague Gonzague 13 août 2010 12:14

      Et c’est là qu’on s’apercoit que l’évolution est sans doute un mythe... 45 000 ans pour arriver à ce résultat, il y a de quoi avoir honte. 


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