jeudi 2 mars 2017 - par

Fillon contre toute décence

En écrivant ce texte, je ne suis pas commissioné par quelque officine militante, je ne suis pas « macroniste » (le gourou cosmoplanétaire d'Amiens ni de droite ni de gauche me semble grotesque) ni lepéniste. Il me semble également qu'entre la politique économique de Fillon et celle de l'ancien ministre de l'économie de Hollande il n'y a que l'épaisseur d'un papier à cigarettes, quelques mesures sociétales ou symboliques de ci de là pour donner le change et donner l'impression que le clivage existe encore. J'écris aussi ce texte car cet épisode est typique de la déconnexion totale des élites de ce pays d'avec le peuple de France.

Ainsi que beaucoup de français intéressés par la politique, j'étais devant mon écran de télévision ce midi afin de savoir ce que François Fillon allait pouvoir décider de la suite de sa campagne pour les présidentielles. Il argue d'une volonté d'assassinat politique de sa personne, suggère un complot des magistrats et de l'Elysée, et en sous-main par Emmanuel Macron, contre lui. Certes on se rappellera du « mur des cons » du Syndicat de la magistrature et la présence sur ledit mur de personnalités d'abord de droite et catholiques.

Mais après avoir tant pesté contre le laxisme de Christiane Taubira comme Garde des sceaux il est contradictoire de reprocher aux juges de faire leur travail...

...A moins bien entendu que la sévérité des juges souvent réclamée, ainsi que leur probité morale ce ne soit dans l'esprit des opposants à Taubira qu'en direction des classes réputées dangereuses et non pour les oligarques et les bourgeois pédagogues. Pour eux, le laxisme aurait pu, aurait du continuer. Ces gens-là ne se considèrent pas comme de simples citoyens.

On a pu également entendre avec profit, si j'ose dire, Bernard Debré juste après la déclaration de l'ancien premier ministre de Sarkozy invoquer le fait que 150 parlementaires font également travailler leur famille, oubliant ou feignant de le faire que le problème est surtout que ce travail de madame Fillon est pour l'instant considéré comme fictif, virtuel....

Comme tous les représentants du « pays légal », comme tous les oligarques, il ne semblait pas comprendre qu'en théorie du moins son « champion » et lui-même, et les autres représentants du peuple, ne sont pas au-dessus des lois. Toute la morgue de Debré, sa stupéfaction qu'en somme on ose demander des comptes à l'élite en disaient long sur l'abîme séparant le peuple de France de ses élites. Son attitude était pour le moins effarante par tant de mépris conscient ou non.

Pourtant le 25 janvier dernier, François Fillon s'était réjoui que la justice traite aussi rapidement son affaire, afin de « faire taire cette campagne de calomnie ». Le lendemain sur TF1 il promettait de se retirer de la compétition s'il était mis en examen devant plusieurs millions de témoins. Le 29 janvier dans le « Journal du Dimanche » le couple Fillon se réjouissait encore derechef de la vitesse de traitement du dossier des juges. Le 31 ce sont leurs avocats qui publiaient un communiqué abondant dans ce sens.

C'est à partir des 6 et 9 février que la communication change radicalement et que le 19 Février il oublie sa promesse pourtant très solennelle du 26 janvier sur TF1. Qu'est-ce qui a changé entre temps ?

C'était pourtant une occasion en or, une occasion rêvée pour lui d'entrer dans l'Histoire en mettant sur la table le grave problème de clientélisme, de réseautage, de favoritisme social qui pourrit depuis longtemps le climat de la France, qui accroît un peu plus chaque jour le ras le bol de la population. Il aurait pu se grandir durablement, acquérir une stature présidentielle marquante. Mais non il a préféré rassurer ses amis les plus proches : tous ceux à qui il a dû promettre une carrière et les marchés, ô joie ineffable d'ailleurs le CAC 40 est remonté après sa déclaration.

Encore raté pour « l'aggiornamento » des élites.

Et la cerise sur le gâteau dans tout ça amis fillonistes est que le 7 mai prochain vous voterez sans doute Macron sans aucun état d'âme.

 

Sic Transit Gloria Mundi, Amen

Amaury – Grandgil

illustration empruntée ici sur le site de RTL

(Fillon à la sortie de son QG de campagne en compagnie de Valérie Pécresse)

 

Sources de l'article : le JDD, le « replay » de TF1, le « replay » de « BFMTV », « le Canard enchaîné »

 

Cet épisode me rappelle « Ruy Blas » , l'extrait proposé ci-dessous convient aussi pour les politiques PS :

 

« RUY BLAS - Acte III - Scène II - Les mêmes, Ruy Blas.

 

Ruy Blas, survenant.

Bon appétit, messieurs ! –

 

Tous se retournent. Silence de surprise et d'inquiétude. Ruy Blas se couvre, croise les bras, et poursuit en les regardant en face.

 

Ô ministres intègres !

Conseillers vertueux ! Voilà votre façon

De servir, serviteurs qui pillez la maison !

Donc vous n'avez pas honte et vous choisissez l'heure,

L'heure sombre où l'Espagne agonisante pleure !

Donc vous n'avez ici pas d'autres intérêts

Que remplir votre poche et vous enfuir après !

Soyez flétris, devant votre pays qui tombe,

Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe !

– Mais voyez, regardez, ayez quelque pudeur.

L'Espagne et sa vertu, l'Espagne et sa grandeur,

Tout s'en va. »




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