Film sur De Gaulle : le général méritait mieux !
Réaliser un biopic sur un personnage historique n'est jamais une tâche aisée. A fortiori quand il s'agit d'un monument tel que Charles De Gaulle. Gabriel Le Bomin, cinéaste des armées, a accompli cet exercice afin de nous livrer un opus de deux heures qui nous laisse sur notre faim. Car, à l'image du cinéma français de ces dernières années, on est loin du côté épique des productions anglo-saxonnes ou de la subtilité de la lettre à Franco d'Amenabar.
Le visionnage de ce film laisse le spectateur assez perplexe. Le récit est très linéaire, sans surprise ni suspense. On y découvre la petite famille du général, sa petite fille handicapée, la belle maison de campagne des De Gaulle. On y voit des familles qui fuient l'avancée des allemands, des gens qui cherchent à embarquer à Brest, dont Yvonne et ses enfants pour rejoindre Charles à Londres. Les intentions du réalisateur sont floues, sans doute écartelé entre la volonté de faire un récit people, sociétal ou guerrier. Peut-être aurait-il pu axer le film sur la petite Anne, ou simplement sur Yvonne De Gaulle ? Gabriel Le Bomin semble dépassé par le côté pédagogique et evidemment historique de son film.
Inexploitable d'un point de vue pédagogique, on y voit un De Gaulle assez terne. La classe et le talent de Lambert Wilson ne suffisent pas à donner du charisme à son personnage, qui reste de marbre après la victoire de Montcornet (début du film), ne s'énerve jamais et prononce de façon hésitante son discours du 18 juin, ce qui est une erreur historique. Les enregistrements conservés ont toujours montré un De Gaulle offensif, convaincu et très à l'aise derrière le microphone de la BBC.
Détail étrange pour un film de guerre, il n'y a pas une scène de bataille. A peine distingue-t-on quelques carcasses de panzers calcinés à Montcornet. Autre curiosité, certains personnages sont mal interprêtés. Ainsi, Lord Halifax n'était pas le "Kojak" chauve campé par l'acteur du film. Celui qui incarne Pétain ne lui ressemble pas physiquement non plus. Pour l'angle politique, le climat entre les "défaitistes " et les "résistants" est bien relaté. Un Pétain qui entend profiter de l'occasion pour régler ses comptes avec la république, un Reynaud faible manipulé par sa femme, un Mandel offensif, la psychologie pertinente des personnages est peut-être l'élément qui sauve l'entreprise de Gabriel Le Bomin.
On pouvait s'attendre à un opus incitant à l'esprit de résistance, au patriotisme, au souverainisme face aux envahisseurs et aux oppresseurs. Il n'en est rien. Ce film n'est qu'une balade qui tient plus de Gala et de Paris-Match que d'une revue historique. De Gaulle, un homme, une petite famille, un exil à Londres... C'est tout ce que l'on retiendra en sortant du visionnage de cette fiction.
Il est vrai que les valeurs du général font mauvais genre à notre époque, et pourraient constituer un encouragement à résister aux oppressions du moment : capitalisme sauvage, disparition de l'état républicain dans le libre-échange, asservissement de l'armée française à des conflits qui ne nous concernent pas etc. C'est tout juste si Le Bomin s'attarde sur l'anti-républicanisme de Pétain, conservateur et aigri.
Le cinéma français est victime de ses blocages culturels, son conformisme, et ressemble de plus en plus aux fictions de l'ex-Allemagne de l'est communiste : auto-censure, cahier des charges idéologique à respecter, thèmes à éviter. Le De Gaulle de Le Bomin, le Dreyfus de Polanski et les médiocres fictions orientées sur la guerre d'Algérie témoignent de la soumission culturelle aux valeurs de la génération Mitterrand. Cela fait plus de trente ans que nous attendons un grand film patriotique, à l'image des productions américaines. Nous risquons d'attendre encore longtemps... Mais ne soyons pas "défaitiste", les choses peuvent toujours changer, comme le général De Gaulle nous l'a démontré.
Bande annonce du film :