samedi 16 juillet 2011 - par Aimé Mathurin Moussy

Françafrique : Le « Maître » Fillon et l’ « Esclave » Ouattara

Il faut bien passer aux  Affaires, avec un grand A, ainsi le préconise François Fillon en visite en Afrique.  Affaires avec un grand A, Laurent Gbagbo le comprendra à ses dépens, comme on disait au moment des ennuis d’Alfred Dreyfus, qui le menèrent injustement au bagne. Après toutes les fanfaronnades et les vœux pieux ; que retenir de cette visite de business chez les Ivoiriens ? Cette visite nous a-t-elle appris à connaître mieux le seigneur de guerre, un certain Alassane Ouattara, pour prétendre que ce pays est propice au business ; aux investisseurs étrangers ? Pour nous prononcer, sur quel aspect du dossier croirons –nous en François Fillon en la situation actuelle dans ce pays fractionné, où les armes circulent comme du pain ? Étions-nous convaincus de la résurrection et du crédit, des nouvelles autorités, après l’intervention de la France et des puissances occidentales, lors du conflit et de la crise postélectorale ?

 

   L’Afrique et les Freaks

 

Certes non. Connaissons-nous bien Alassane Ouattara ? L’avoir croisé une fois ou deux ne donne aucun droit d’en faire le portrait fouillé, psychologique, humain. La télévision est à la base de notre savoir à son sujet. C’est une fabrique d’images et d’idées reçues, d’impressions.

La personne qui se trouvait son challenger, passée brutalement du statut de président à celui de dictateur, brigand, forban, nous en savons encore moins. Si ce n’est que les mentors du nouveau gouvernement, sont venus prendre leurs capitations. Fillon parle de normaliser le business. C’est maintenant clair pour tout le monde. Nous ignorions avant son intervention armée, et ses pressions internationales, ce que la France proposait. Il est donc clair qu’elle corrobore tous les soupçons pesant sur elle : prébendes, colonisation.

Tout ce que nous croyons connaître de cette visite paternaliste et affairiste est de seconde, voire de troisième main, car la France veut replacer ses pions dans cette Afrique qui tonne, où la rue crépite, où les revendications sont la chair à canon. François Fillon s’est rendu dans cette Côte-d’Ivoire, pour faire des sermons ; un pays où les droits des prisonniers politiques sont bafoués ; où les exécutions sont sommaires sont courantes ; où les purges sont les modes de gouvernance ; où les procès dans une guerre fratricide, ne sont qu’à charges et non à décharges. Dans ce pays où Fillon parlait avec insolence, les policiers sont devenus des procureurs ; les journalistes n’ont plus le droit d’exercer ou de fournir une information de leur choix à leurs lecteurs ou téléspectateurs. La Côte-d’Ivoire est à l’image de tous les pays francophones qu’il visitera.

 

  Le business sauvage

 

Et, avec ce maigre bagage de business, de déclarations aléatoires, de contradictions bizarres, de manipulations possibles, il faudrait alimenter la  bergerie ! Contribuer à son tour à fantasmer sur la pauvreté, le sous-développement et la démocratie. Cette visite coloniale est un événement à la fois trivial et abstrait ! Tragique, certes, on le devine. Mais une tragédie étrange : on n’a pas entendu une seule fois, depuis la visite de Fillon, le son de la voix des forces vives de la nation : l’opposition. Garde-fou de la démocratie et contre pouvoir ; force alternative de l’exécution du pouvoir. Images de l’un, en boucle, absence d’images de l’autre. Allez, avec ce quasi-rien, donner des leçons de morale, de politique, de justice, aux Africains !

Il serait plus simple, plus vrai veut-on dire, d’avouer notre majestueuse ignorance et de cesser de broder à l’infini les scénarios possibles d’un changement dans ce continent. Fillon est revenu avec ce feuilleton lassant vécu depuis des lustres, malgré ses rebondissements et son indignité. Il faut cesser de se passionner pour la participation de la France à la future démocratisation du continent Noir. Fillon donne des leçons de savoir-vivre, de savoir- faire et pourtant à un pâté de maison de lui, un pâtre de la Francafrique en la personne de Wade, se cloisonne dans les muraux du pouvoir ; et non loin de là au Burkina Faso, dans la terreur Compaoré, lamine tous ses opposants… Les Affaires : est-ce, à ce stade, un sujet prioritaire ?

 

Dans le journal Libération , il y a deux semaines, au moment du pseudo retournement de l’affaire DSK , le directeur Nicolas Demorand a écrit un éditorial qui a fait frémir nos esprits. Il s’agissait pour lui de répondre à la question suivante : les journalistes, ont-ils collectivement failli ? Je transposerai cette préoccupation sur les problèmes africains, en me demandant si les journalistes occidentaux, n’ont pas failli en Côte-d’Ivoire et ailleurs ? Certainement !

© Aimé Mathurin Moussy

 



7 réactions


  • lenaj13 16 juillet 2011 09:49

    Il ne s’agit pas seulement de la Côte d’Ivoire ! Mais de toute l’Afrique ! L’histoire démarre en 1992 lorsque 45 pays africains créent la société RASCOM pour disposer d’un satellite africain et faire chuter les coûts de communication sur le continent. Téléphoner de et vers l’Afrique est alors le tarif le plus cher au monde, parce qu’il y avait un impôt de 500 millions de dollars que l’Europe encaissait par an sur les conversations téléphoniques même à l’intérieur du même pays africain, pour le transit des voix sur les satellites européens comme Intelsat. Un satellite africain coûtait juste 400 millions de dollars payable une seule fois et ne plus payer les 500 millions de location par an. Quel banquier ne financerait pas un tel projet ? Mais l’équation la plus difficile à résoudre était : comment l’esclave peut-il s’affranchir de l’exploitation servile de son maître en sollicitant l’aide de ce dernier pour y parvenir ? Ainsi, la Banque Mondiale , le FMI, les USA, l’Union Européenne ont fait miroiter inutilement ces pays pendant 14 ans. C’est en 2006 que Kadhafi met fin au supplice de l’inutile mendicité aux prétendus bienfaiteurs occidentaux pratiquant des prêts à un taux usuraire ; le guide Libyen a ainsi mis sur la table 300 millions de dollars, La Banque Africaine de Développement a mis 50 millions, la Banque Ouest Africaine de Développement, 27 millions et c’est ainsi que l’Afrique a depuis le 26 décembre 2007 le tout premier satellite de communication de son histoire. La suite est disponible sur ce blog.


  • Jungle Jungle 16 juillet 2011 11:10

  • quid damned quid damned 16 juillet 2011 22:13

    J’ai vécu quelques temps (fin années 80 début 90)en Afrique et notament en Côte d’Ivoire et je trouvais ça vraiment déplacé qu’il y ait encore des basements militaires français là-bas mais bon je ne suis pas expert en géopolitique. En revanche la manipulation du peuple par les politiques plus fragrante qu’ en France à l’époque, m’a fait prendre conscience que c’était le cas en France. J’étais très jeune et très naïf à l’époque.


  • zany 17 juillet 2011 15:07

    La france afrique c’est fini maintenant, sarko à refiler les clef aux américain lors d’une réunion il n’y a pas si longtemps, je crois que les africain vont nous regretter, j’exhorte les africains à mettre tous le monde dehors, chinois et occidentaux, de mener une politique africaine, c’est une urgence, nationaliser les grandes entreprise etc...

    Les africain ont les moyen de nous couper les c****** qu’il le fassent bordel, sa apprendra a nos élites, sur divers forum africain ont prend sévère et c’est tant mieux, sa se réveille et sa vas chier, l’afrique vas être la surprise de ce siécle, nationaliser et redistribuer tous au peuple et dans les infrastructures, ne vendez pas au pays qui ne vous respecte pas ou vous vendez vos ressources à un prix dérisoire faite nous dansé, vous en avez les moyens !

    Le cas contraire ce seras une lutte d’influence par le bais de guerre entre les us et la chine, bref encore des massacres.


  • le moine du côté obscur 18 juillet 2011 11:06

    Le problème de certains africains à mon avis est leur obsession pour la France. Ce Monsieur comme bien d’autres sont obsédés par la France ancien pays colonisateur, normal c’est le bouc émissaire le plus facile a attaqué. Mais je ne le voyais pas parler quand Gbagbo bradait à tout va aux entreprises françaises ou quand il paradait avec Bolloré etc... Si les élites françaises peuvent destabiliser certains états africains c’est indubitablement parce qu’elles bénéficient de complicité dans ces états ou dans d’autres états africains. Si les « nègres » n’ont pas compris où sont leurs intérêts, les autres en profiteront et pour « un nègre » comme moi ça ne me fera ni chaud, ni froid. Ce Monsieur parle beaucoup et ça m’amuse. J’aimerai qu’ils nous disent ce que Gbagbo a fait de si extraordinaire dans la « Côte d’Ivoire utile » qu’il disait détenir ? Et d’autres anti-français primaire comme Sékou Touré dont le pays fait peine à voir. Certains de ces anti-français primaire accusaient Houphouët de tous les maux, or à notre connaissance c’est un des rares présidents africains qui a fait un travail que l’on peut admirer dans son pays, mon pays. Le reste des présidents préfèrent s’agiter et utiliser un verbiage creux et politicien, qui finalement ne nous a menés à rien du tout. Et j’aimerai entendre aussi ce monsieur qui à ma connaissance est camerounais sur le cas de son propre pays et de son président le zombie Paul Biya grand françafricain devant l’Éternel. Qu’il balaie devant sa porte avant de vouloir venir se préoccuper du sort des ivoiriens. Ce texte est vide, fade et creux, il ne dit rien d’intéressant à mon avis. A part se complaire dans les lieux communs.

    Si ce monsieur se renseignait sur la politique il comprendrait que chaque gouvernement a son agenda et que la chance (actuelle) de Ouattara est d’avoir des relations fortes avec le clan Clinton et des personnes comme Lawrence Summers, Susan Rice etc... du côté des USA et avec Sarkozy du côté de la France. Autrement dit les « amis de Ouattara » sont au pouvoir en France et aux USA. Là où un Bush n’en n’avait rien à foutre de Ouattara, idem pour un Chirac, Obama et Sarkozy le soutiennent ardemment. Donc actuellement Ouattara a de mon point de vue les coudées franches et des appuis solides. Si évidemment Sarkozy n’est pas réélu, idem pour Obama, il est possible que la position de Ouattara s’en retrouve fragilisé, mais comme il a l’estime du FMI et de la Banque Mondiale... Alors que certains arrêtent de brasser de l’air avec des concepts creux et des phrases faciles et comprennent la complexité du monde. Si Gbagbo n’a pas pu établir des relations solides avec un ou plusieurs membres du conseil de sécurité, c’est son problème ! A quoi s’attendait-il ? En plus pour se rendre comme un lâche, alors qu’on pensait qu’il était courageux et se serait sacrifier pour la cause ? Le monde est ce qu’il est, pas ce qu’on aimerait qu’il soit ! A partir de là à chaque homme politique sérieux de savoir se tisser les liens qu’il faut et profiter intelligemment des marges de manœuvre qu’il peut avoir.


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