Franz Beckenbauer, Kaiser de l’Allemagne d’après-guerre
C'est plus qu'une simple légende du football qui s'en est allée avec Franz Beckenbauer, c'est un morceau d'Histoire de l'après-guerre allemande. Né dans les ruines de Munich en 1945, le double ballon d'or est parti vaincu par la maladie, démontrant qu'on ne peut éternellement gagner, surtout face à un adversaire inéquitable.
Il fut champion d'Allemagne de l'ouest avec le Bayern, l'équipe repère de la Bundesliga, dont le magnifique stade marque chaque visiteur. Votre narrateur a encore en mémoire un match contre le Werder Brême, vu à l'occasion d'un séjour à Munich, et la boutique du stade où se vendaient encore des maillots collectors à l'effigie de Beckenbauer. Le Kaiser a bien porté son surnom ; footballeur d'exception, entraineur de l'équipe d'Allemagne réunifiée championne du monde en 1990, il restera le modèle de l'allemand combatif, courageux et fin tacticien.
On se souviendra de son bras en écharpe lors d'un match contre l'Italie en 1970, à une époque où on jouait sans remplaçants sur le banc de touche. Le London’s Evening Standard parle alors de lui comme d’un "officier prussien battu, mais fier", sa blessure ne l'empêchant pas de garder sa posture droite. Un officier finalement devenu Kaiser, replacé au poste de libéro, et qui soulèvera enfin la Coupe du monde, brassard de capitaine au bras, lors de l’édition suivante, en 1974, avec une finale à Munich, sur ses terres, devant son public, aux dépens des Pays-Bas d'une autre légende, Johan Cruyff, le "Hollandais volant". Tenace, combatif, à l'image de ces allemands qui ont trimé pour reconstruire leur pays des deux côtés du mur de Berlin. Un symbole de cette résurrection qui aurait d'ailleurs bien illustré l'hymne de la RDA rivale "ressuscité des ruines".
Difficile d'incarner un héros populaire germanique dans une Allemagne en pénitence après la période nazie, occupée par quatre pays, où tout était à refaire. Le Kaiser a d'abord incarné la jeunesse rayonnante à la recherche d'une réhabilitation, puis la solidité ouest-allemande et son économie dynamique. Malgré son échec à l'OM comme entraineur, il sera par la suite coach de son Bayern, gagnant quelques titres.
Comme le Siegfried de Wagner, le héros a traversé bien des épreuves. Souffrant, le Kaiser avait subi deux opérations du cœur en 2016 et 2017 et se plaignait d’un œil devenu presque aveugle. Les fans de football se souviendront de son élégance sur le terrain, de son génie balle au pied, récompensés par son incroyable palmarès.
Pour le grand public, il restera un symbole d'une Allemagne renaissante retrouvant ses valeurs combatives pour panser ses plaies. Salut donc à celui qui aurait inspiré un opéra à Wagner en son temps.
Deux princes, deux génies...