mardi 17 juillet 2007 - par Philippe Vassé

Frégates de Taïwan : l’affaire des ampoules

Samedi 14 juillet 2007, 13 h 15, sur la chaîne taïwanaise TVPS : soudain, la présentatrice évoque les frégates livrées par la France à Taïwan, ses propos accompagnés de photos d’un des bateaux. Et d’annoncer qu’elles ont un problème nouveau...

Ce 14 juillet, c’est aussi la fête nationale française. Signe du destin, c’est aussi le moment qu’ont choisi les médias taïwanais pour révéler au public le dernier problème, technique, qui accable les si onéreux navires d’origine française.

Non, il ne s’agit pas de listes de comptes bancaires en Suisse (de ce côté, on avance avec une discrétion maximale), mais de témoignages oraux qui accusent le fournisseur des ampoules électriques placées sur ces bâtiments militaires de... produire des ampoules de mauvaise qualité qui apportent le noir à l’intérieur des précieux engins de combat.

La malédiction des ampoules victimes de malfaçons

Cela fait quelques temps que les médias taïwanais n’avaient pas montré les beaux produits issus de la technologie française qui ont coûté si cher en argent à ses acheteurs et généré tant de brutaux décès parmi ceux qui avaient participé, peu ou prou, aux contrats commerciaux permettant leur acquisition par la marine taïwanaise.

Le sujet du jour montre donc, preuves matérielles à l’appui, des citoyens expliquant que l’entreprise qui fournit les précieuses ampoules de haute technologie permettant de voir à l’intérieur de ces navires quasi hermétiques de jour comme de nuit, produit des ampoules défectueuses, en tout cas d’une courte vie en termes d’utilisation.

Il est expliqué aux téléspectateurs que ces ampoules sont absolument indispensables tant au confort des équipages qu’à la sécurité et au travail des marins qui accomplissent leurs tâches à bord. Le problème est que l’on s’est aperçu qu’elles ne remplissaient pas vraiment leur office, laissant parfois dans une obscurité bien ennuyeuse et soudaine les matelots.

Chacun mesurera, sans noirceur d’esprit mal tourné, l’ampleur du problème qui nécessite, bien évidemment, des réactions immédiates, fortes et appropriées à l’enjeu crucial du dossier.

Des langues ironiques pointent alors ce qui ressemble, pour des personnes bien au fait de l’histoire des frégates en question, à une sorte de malédiction : "leur achat a été entouré d’événements sombres et voilà que les ampoules amènent l’obscurité au sein des navires" !

Encore une preuve de la causticité du langage populaire...

Une enquête nouvelle pour que la lumière soit... à bord

La télévision taïwanaise a heureusement rassuré les citoyens : les faits ayant été portés à la lumière publique et ayant donc illuminé les autorités compétentes, une enquête adéquate aura lieu pour connaître les causes des défectuosités de ces ampoules et, si nécessaire, la marine changera de fournisseur.

Voilà qui s’appelle une prompte et efficace réaction qui évitera de laisser l’intérieur des frégates dans le noir. Et qui rassure le public sur la validité opérationnelle de ses unités navales !

Mais, ce petit sujet télévisé a de nouveau attiré l’attention publique sur ces vaisseaux qui paraissent tant visés par la malchance.

10 à 10 : égalité d’accusations

Récemment, un article paru sur Agoravox intitulé "Frégates de Taïwan : l’ex-président dans la tourmente", rappelait que, le hasard étant par essence le fruit de coïncidences involontaires, l’ex-président de Taïwan au moment de l’achat de ces frégates, Lee Teng Hui, avait été informé que dix enquêtes pour des "accords douteux" avaient été ouvertes, indirectement contre lui, par son ex-parti, le KMT.

On apprenait hier par la presse que le candidat du parti DPP à l’élection présidentielle - Frank Hsieh -, que Lee Teng Hui soutient, et qui est maire de la deuxième ville du pays, Kaohsiung, avait aussi, hasard "incroyable" des chiffres, dix "enquêtes" lancées contre lui sur la gestion de sa mairie. Et, selon les "sources officielles", c’est encore le KMT qui serait à l’origine de ces dix dossiers...

Au moins, on notera que les gens du KMT ont un sens arithmétique aigu de l’équité.

Climat propice aux sorties de "dossiers"

Il semble bien que, malgré la concordance étrange des chiffres d’accusations lancées contre l’ex-président et contre son allié politique déclaré, Frank Hsieh, Taïwan soit dorénavant en période électorale précoce et que, en sus des "arguments" échangés entre les adversaires politiques, "on" ressorte les "vieux dossiers" qui, jusque-là, n’avaient probablement pas un intérêt manifeste.

Nul citoyen bien au courant des moeurs politiques, que ce soit à Taïwan ou ailleurs, ne peut ignorer l’importance, non pas pour le débat public, mais pour assurer un possible vote massif des électeurs en faveur d’un candidat donné, de faire démontrer par la justice la malhonnêteté, voire pire, de ses adversaires politiques.

Comme le disait, ironiquement, un commentateur politique taïwanais sur un sujet de même nature : "la démocratie connaît parfois de très étranges cheminements vers son expression indépendante voulue par les citoyens libres de leurs propres choix éclairés".



8 réactions


  • Pierre R. Chantelois Pierre R. - Montréal 17 juillet 2007 18:01

    Philippe

    Poursuivez - et ne vous lassez pas, je vous en prie - cette série fort intéressante que vous avez amorcée il y a quelques semaines. Je veux assurer que, vue de ce côté-ci de l’Amérique, j’en éprouve le plus grand intérêt et je tenais à vous le savoir, à nouveau.

    Pierre R.

    Montréal (Québec)


    • Philippe Vassé Philippe Vassé 18 juillet 2007 06:06

      Pierre,

      Merci bien pour votre commentaire.

      Je continuerai sereinement à redonner aux lecteurs d’AgoraVox les informations qui me parviennent sur le sujet et/ou que je peux voir comme tout un chacun par les médias audiovisuels.

      Il semble que des développements nouveaux se préparent en Suisse. Peut-être pour la fête nationale helvétique, le 4 août prochain....qui pourrait rappeler une date française sur l’abolition de certains privilèges !

      Bien cordialement vôtre,


    • Philippe Vassé Philippe Vassé 18 juillet 2007 06:17

      Pierre,

      Comme je n’ai pas reçu en courriel votre commentaire via la rédaction, pourriez-vous m’envoyer directement votre adresse électronique personnelle ?

      J’ai en effet quelques « éléments » dont je souhaiterais vous entretenir de manière plus discrète et directe, afin de concourir le cas échéant à la manifestation de faits publics très « instructifs » ?

      Merci de votre attention à ce court message très « personnel »,

      Bien cordialement vôtre,


    • Philippe Vassé Philippe Vassé 18 juillet 2007 06:13

      Le Furtif,

      Oui, votre information est exacte. L’ancien PDG d’Elf devrait logiquement, selon la Justice, retourner derrière les barreaux.

      Ce que je sais sur ce point est que la Justice reprocherait à l’intéressé de nouveaux faits potentiellement délictueux, selon diverses sources judiciaires.

      Une question se pose cependant en arrière-plan : jusqu’à quand cet homme va-t-il servir de fusible et bouc-émissaire unique pour des faits dont il ne porte manifestement pas l’exclusive responsabilité ?

      C’est aussi une question que d’autres devraient se poser ?

      Bien cordialement vôtre,


  • clairette 17 juillet 2007 21:30

    @ l’auteur :

    J’adore lire la suite du feuilleton des frégates, vu de l’autre côté.

    Toutefois, je n’ai pas bien compris : les ampoules défectueuses viennent-elles encore de France ?

    Connaissant la technicité et le savoir-faire en tous domaines des Taïwanais, comment se fait-il qu’ils ne fabriquent pas eux-mêmes les ampoules de remplacement ?

    Où alors on leur avait livré les frégates avec un énorme stock d’ampoules... qui aurait dû pourtant être vite utilisé, vu leur manque de fiabilité ?

    Merci de me renseigner.


    • Philippe Vassé Philippe Vassé 18 juillet 2007 05:46

      Clairette,

      Excellente question que celle que vous me posez.

      En effet, à l’origine, les frégates ont été livrées avec des ampoules qui étaient censées être de facture française -selon Thalès.

      Il semblerait que, pour des raisons pas encore éclaircies à cette heure, une entreprise taiwanaise se soit ensuite lancée dans la production desdites « ampoules », afin de fournir à un meilleur coût la marine nationale de Taiwan.

      Et il semble donc que ce soit cette entreprise qui a emporté le marché public de fournitures des ampoules en question qui a donc fabriqué des produits électriques de mauvaise qualité.

      La fierté nationale, ou au moins celle de Thalès - est vengée en quelque sorte !

      Souhaitant vous avoir -un peu- éclairé avec les clignotants accessibles via les médias taiwanais sur ce bien obscur sujet, très sensible à la lumière,

      Bien cordialement vôtre,


    • clairette 18 juillet 2007 21:31

      @ Philippe,

      merci de cette précision,

      et continuez à nous tenir au courant des rebondissements sur cette affaire ! C’est un des meilleurs feuilletons de l’été et vous savez si bien faire durer le suspens !


  • ficelle 17 juillet 2007 23:43

    Béh non, ce sont des ampoules à baïonnette, seule la france en possède la technologie ! Arf arf !


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