Fustigeons les nantis !
Les syndicats ont raison, il faut fustiger les nantis. Mais de quel camp ?
On apprend, à l’occasion de la grève menée par les conducteurs du RER A que l’on gagne normalement sa vie dans la carrière ferroviaire (env. 2000 €/mois et 650 € de prime annuelle) à conduire sur leurs lieux de travail environ 1 300 000 passagers par jour.
C’est un dur métier car la productivité demandée augmente, et la sécurité des tous ces passagers est aussi en jeu. Les conducteurs ne peuvent rester aux commandes des trains plus de 2 h 50/jour. Affectés sur le RER A, les conducteurs sont de bons employés en fin de carrière, ils ont plus de 45 ans, qui ont sûrement eu les moyens d’accéder à la propriété, en passant, ce qui n’est pas le cas de tout le monde, en particulier des moins de 40 ans d’aujourd’hui.
Si l’on en croit les statistiques, la moitié des salariés matinaux qu’ils transportent gagnent moins de 1500 euros par mois, et en bons parisiens, ont du trajet à faire, de Paris en banlieue ou inversement (salaire médian 1552 €/mois, source Observatoire des Inégalités)
En ce moment, ils croisent ceux qui reviennent du travail de nuit en retard, et même ceux qui anticipent les retards et partent en avance !
Mon épouse a Bac +4... elle emprunte chaque matin et soir cette ligne du RER A. Il faut dire que son travail la passionne, elle vend de la magie dans une grande entreprise américaine de loisirs, avec des oreilles.
Elle fait 80 kilomètres par jour, part plus de onze heures par jour, travaille sept, et rapporte quelque 900 €/mois. Prime annuelle : 100 € brut.
Elle fait partie de ces 5% de Français les moins payés, et locataires. Tous les soirs, rentrant harassée par son boulot de perroquet (elle réserve les séjours pour des touristes au téléphone), elle se dit qu’elle a bien de la chance d’avoir un travail, même si à cause des retards subis depuis huit jours, les heures non travaillées seront décomptées d’un salaire déjà ridicule.
Elle est donc de ces personnes, comme les conducteurs de RER, qui ont la chance de pouvoir faire grève, car engagée en CDI, sans être pour autant fonctionnaire de l’Etat, par exemple. Sauf que dans son entreprise personne fait grève... pas assez payés pour ça.
Cheminots qui nous lisez, vous n’êtes tout de même pas étonnés de savoir vos mouvements de grève, aussi réguliers que les marronniers en hiver, impopulaires ?
Si, comme ce délégué l’a dit hier soir au JT de France 2, "le matériel est à bout de souffle", il faut s’interroger sur ce que sont les problèmes des conducteurs, des problèmes de riches ? Je crains que dans la France du début du XXI° siècle, le cheminot soit un nanti.
Que signifie donc cette grève et les revendications que l’on entend ?
Que les conditions matérielles de la ligne A peuvent être compensées par une augmentation de la prime annuelle ? En clair, soyez légers sur le matos et on fermera les yeux si on est corrompus par plus d’argent, disent-ils en substance à leur entreprise. Inquiétant. Alors, faut-il augmenter les salaires ou les frais de fonctionnement ? Faudra-t-il augmenter la Carte Navigo, ou les impôts locaux ?
Ou alors, cela signifie clairement que si ces personnels font à bon droit une grève, aux conséquences si rudes pour 1 million de personnes tous les matins et soirs, et pour des motifs de prime (120 € d’augmentation) alors le bon peuple tout entier, les moins de 1500 Euros/mois qui sont maintenus à des niveaux de salaire bien plus bas, devrait battre le pavé demain, remonter la rue St Honoré, et fomenter une insurrection sans plus attendre*, exiger un Grenelle des salaires, exiger 120 euros d’augmentation en moyenne, exiger le renvoi de ce gouvernement qui ne fait rien pour les classes moyennes pauvres.
Mon épouse a décidé de postuler à la RATP.
info trafic http://www.ratp.fr/
*(L’art. 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 prévoyait « le droit de résistance à l’oppression parmi les quatre « droits naturels et imprescriptibles de l’homme »