vendredi 24 décembre 2010 - par Paul Villach

Georges Frèche et le surréalisme socialiste comme art pour « engraner les cons » (1)

Héros posthume d’un film récemment sorti, « Le Président », Georges Frèche a tiré de la culture gréco-romaine dont il était nourri, le meilleur et le pire pour gouverner d’abord Montpellier puis la région Languedoc-Roussilon. Outre son rêve de « Septimanie » et la manie de donner des noms grecs ou romains à des quartiers et à des édifices, il lui a emprunté sans doute, peu avant sa mort, l’idée d’ériger des statues dans la ville en hommage aux grands hommes de son propre panthéon.

 La statuaire était à Rome un média au service de la promotion du pouvoir. Georges Frèche l’avoue lui-même dans une interview à la Gazette de Montpellier citée par Le Monde.fr (2), son initiative s’inscrit dans la même lignée : « Ériger une statue, ça devrait inciter les gens à lire les livres d'histoire  ». Ainsi, les Montpelliérains passeront-ils devant la statue d’hommes jugés grands par Georges Frèche : certains font l’unanimité comme Jaurès qui a déjà la sienne sur une place de Montpellier, Churchill, De Gaulle, Roosevelt, Mandela, Gandhi, et d’autres suscitent la controverse, Lénine, Mao, Nasser ou Golda Meir.
 
Une bouée coiffée d'une saucisse de Strasbourg ?
 
On partage volontiers le point de vue de Georges Frèche : érigée sur la voie publique dans une ville, une statue, quelle qu’elle soit, vise à la promotion de ce qu’elle représente. Aussi devrait-on être attentif aux représentations offertes à l’édification des citoyens. Du temps qu’il était maire, Georges Frèche l’a-t-il toujours été lui-même quand on voit cet assortiment hétéroclite choisi, il y a dix ans, pour dominer un rond point et être offert aux regards de milliers d’étudiants qui passent devant plusieurs fois par jour, entre la Faculté des sciences et un restaurant universitaire (voir photo ci-contre) ? Quelle image de l’œuvre d’art est ainsi inoculée et inculquée dans les esprits ? Un étudiant n’est-il pas fondé à penser qu’elle relève du jeu, voire de la farce de potache, ou, pis, que rien ne distingue la beauté de la laideur, dès lors qu’une autorité ou qu’un groupe en décide ?
 
Selon son cadre de référence et l’appétit du moment, l’étudiant a le choix entre diverses intericonicités. La plus avouable est celle d’une bouée coiffée d’une saucisse de Strasbourg faisant un numéro d’équilibriste. Mais quel intérêt peut bien avoir cet assemblage loufoque, digne non pas d’un réalisme mais d’ "un surréalisme socialiste" ? Faut-il alors, devant la stylisation des formes, y voir à tout prix des symboles, au risque de verser dans l’interprétation graveleuse : serait-ce un sexe féminin manqué par un sexe masculin maladroit ? Et le rouge serait-il celui de la honte ressentie ?
 
Un hommage à Confucius !
 
La honte, c’est plutôt le passant qui l’éprouve, mais pour une autre raison. On ne saurait mieux discréditer l’œuvre d’art devant les milliers d’étudiants qui l’ont sous les yeux tous les jours. Passé la surprise, on s’éloigne en levant les épaules sans se retourner, même si on entend quelqu’un s’écrier derrière soi que l’on a rien compris, qu’il s’agit d’un « Hommage à Confucius  » par un certain Alain Jacquet, représentant « le système binaire, 1 ou 0  », imaginé par le penseur chinois et devenu la base du « langage informatique  », que cet « anneau de 4,5 m de diamètre extérieur surmonté d’un tronc aux extrémités recourbées vers le ciel  » est aussi « l’association des principes mâle et femelle, le Ying et le Yang  » et que « le rouge vermillon qui recouvre les deux éléments si complémentaires joue avec les couleurs environnantes : bleu, vert et contribue à souligner le dynamisme des composantes de ce quartier. » 
 
La belle affaire ! L’art contemporain officiel est si indigent qu’il doit toujours être accompagné d’une notice de mode d’emploi. L’artiste est obligé d’expliquer par des mots ce qu’il n’a pu exprimer par son œuvre : à la différence d’ une statue grecque, romaine, médiévale ou Renaissance, elle est incapable de se suffire à elle même. Elle ne provoque ni saisissement à sa découverte, ni enchantement à sa contemplation, ni admiration pour la prouesse de sa réalisation, ni réceptivité maximale au message de l’artiste. Elle n’est que surprise et, une fois survenue, n’en étant plus une, elle n’est plus rien sinon que laideur. Heureusement qu’habitués à voir cette verrue dans leur paysage, les étudiants doivent finir par ne plus la voir. Mais que gagne-t-on à élever sa jeunesse dans la laideur qu’on lui fait prendre pour la beauté, sinon une désorientation intellectuelle ? Georges Frèche ne s’en cachait pas. Il l’a avoué lui-même : il avait l’art d’ « engraner les cons » (1). Paul Villach
 
 
(1) Paul Villach, « « La tronche pas très catholique » de L. Fabius et le bréviaire de la pêche aux voix « des cons » par G. Frêche  », AgoraVox, 1er février 2010.
« (…) Les cons sont majoritaires et moi j’ai toujours été élu par une majorité de cons et ça continue parce que je sais comment les « engraner ». « J’engrane » les cons avec ma bonne tête (…) »
 
(2) Le Monde.fr , 18.08.2010 mis à jour le 24.10.2010
 

 


4 réactions


  • 2102kcnarF 24 décembre 2010 10:48
     « Une bouée coiffée d’une saucisse de Strasbourg ? »

    Non, un doonut coiffé d’une saucisse .... ceci dit, vous avez les m^mes conneries dans toutes les villes de France.

    Mais je sens que vous allez nous parler de certaines statues....

  • ADNdidiot 24 décembre 2010 11:17

    Il n’y a qu’a aller faire un tour à la biennale d’art moderne de Lyon en prenant 2 ou 3 ronds points des alentours qui permettent de s’y rendre (par ex. le rond point de l’Europe vers Villeurbanne) de se garer dans le magnifique parking sous terrain de l’Opéra agrémenté de son œuvre d’art moderne lumineuse et repartir de cette magnifique exposition où on a tout compris des sens artistiques qui y sont exprimés et des messages qui y sont délivrés...

    ... pour se rendre compte qu’on à tous loupé notre carrière pour faire fortune sans aucun talent ni travail, mais juste en prenant les gens pour des cons caché derrière une pseudo intellectualisation d’une pseudo œuvre art que personne n’osera critiquer par peur de passer pour un crétin inculte et incapable d’appréhender l’Art avec un grand A.

    Et le pire dans tous ça ce sont les sommes englouties dans ces foutaises par des élus qui s’amusent avec l’argent public.

  • docdory docdory 27 décembre 2010 13:14

    Cher Paul Villach

    Cette infamie glyptique ressemble aux consternantes réalisations issues du « 1% artistique ».
    Je me souviens en effet qu’un gouvernement, je ne sais plus lequel, avait institué il y a longtemps, le « 1 % artistique » .
    Ce véritable fromage pour « artistes » contemporains en mal de clientèle, consistait à consacrer 1 % du budget de construction, initialement des établissements d’enseignement, mais ensuite de tous les bâtiments publics, à la réalisation d’une « oeuvre d’art » destinée à « décorer » le bâtiment en question.
    A l’époque, mon collège en préfabriqué et tôle ondulée de la banlieue nord de Rouen se retrouva agrémenté d’une monstruosité pas racontable, tandis que l’université de Rouen fut ornée d’une énorme structure métallique marron dont l’aspect général évoquait vaguement une version cubiste d’un étron canin posé sur une pelouse ( de fait, cette « oeuvre » était posée sur une pelouse. )
    Toutes ces « oeuvres » réalisées grâce aux « 1% artistiques » semblaient avoir pour caractéristique commune une propension marquée à la rouille et à l’adjonction de graffitis !
    J’ai la surprise de constater, renseignements pris sur internet, que ce « 1 % artistique » existe toujours.
    A notre époque de-quasi faillite de l’état, la suppression de ce 1 % ferait figure de mesure de salut public. Que pourrait-on faire de l’argent économisé ? Apprendre à dessiner aux enfants des collèges ( ce qui n’est plus le cas depuis que les cours de dessin ont été remplacés par des cours dits « d’éducation artistique. » )
    Sans nul doute, par le remplacement des cours de dessin de mon enfance par ces cours « d’éducation artistique », l’éducation nationale a t-elle voulu former ( ? ) de futurs réalisateurs de « 1% artistique » ?

    • Paul Villach Paul Villach 27 décembre 2010 13:34

      @ Cher Docdory

      Vous établissez avec pertinence une relation de cause à effet entre cet exemple montpelliérain et la désorientation organisée par l’Éducation nationale tant sur le plan de l’information que sur le plan de l’esthétique au service de l’information.
      On reste sans voix devant la soumission d’une majorité à la laideur érigée en beauté par l’autorité et par le groupe désorienté. Paul Villach


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