Gros nuages sur la Cinquième République
Bien qu'il ait été prévisible et prévu par les instituts de sondage, le succès, forçons le trait nommons-le triomphe, du FN laisse un goût amer dans la bouche.
On se prenait à espérer un sursaut de l'intelligence sur les tripes bien que le passé récent déjà nous eût informé que le pire devenait une possibilité comme une autre, que le néo-pétainisme faisait des ravages porté par des « intellectuels « médiatiques qui, à défaut de retrouver la verve et le talent des grands anciens comme Léon Daudet ou Maurice Barrès, renouaient avec leurs rejets complusifs anti-système, bref qu'un discours banalisant le racisme percolait l'opinion, la nouveauté étant dans la référence à la laïcité dont il outrage le principe.
Une implantation frontiste qui reproduit plus ou moins les mêmes proportions qu'avant-guerre, ce qui suppose qu'il y a dans le corpus français des prédispositions au grégarisme.
N'oublions pas, même s'il est parfois très tendance de l'oublier dans l'histoire d'Épinal de la résistance, que des foules considérables acclamaient Pétain lors même qu'il avait vendu la France au troisième Reich et que les mêmes ou à peu près s'empressèrent de courir au secours de la victoire des alliés pour acclamer De Gaulle ?
On trouve là aussi une constante : l'extrême élasticité de certaines convictions et c'est sur cette volatilité que spécule apparemment Sarkozy.
A cet égard on aura beau dire avec raison que le vote FN est devenu un vote de conviction, que ses électeurs s'expriment avec sincérité une attente, il n'en reste pas moins vrai que la malléabilité de son électorat est une réalité et qu'un chef peut en chasser un autre tant il est évident que, s'exerçant au pouvoir, le FN devrait y laisser des plumes à plus ou moins long terme.
Cependant il est fort probable qu'il ait la prudence tactique d'éviter dans les régions qu'il va gagner, par une gestion pépère, d'inutiles remous avant les Présidentielles
En attendant, on ne voit pas trop en vertu de quel principe, sinon celui de moindre mal forcément guère motivant ( et encore le sujet prête à discussion concernant Xavier Bertrand et Christian Estrosi ) l'électorat de Gauche se mobiliserait en faveur de la Droite républicaine surtout après les dernières déclarations de Sarkozy donnant en quelque sorte quitus au vote FN.
Sarkozy ! Le mouvement gaulliste ne se repentira jamais assez d'avoir ouvert un boulevard à ce condottiere sans foi ni loi : il y a perdu son âme.
La troisième république s'est effondrée dans le délitement moral qu'annonçait déjà la trahison de ceux qui avaient choisi d'abandonner l'Espagne aux franquistes ; elle fut victime de l'impréparation militaire et de la défaite face à l'Allemagne nazie, un ensemble de vilenies et d'incompétences qui annonçaient déjà le vote par les élus socialistes des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain dont ils ne pouvaient ignorer les tropismes autoritaires.
La quatrième république n'a pas survécu à la fin des illusions coloniales et à l'effondrement du mythe de l'Algérie française avec, là aussi et de nouveau, la fuite en avant dans l'abjection des dirigeants socialistes.
La cinquième sous direction socialiste a choisi une agonie plus en accord avec la médiocrité de ses élites, elle pourrit sur pied.
La santé resplendissante du FN ne signifie pas seulement la popularité d'idées nauséeuses et réactionnaires en l'absence de projet mobilisateur porté par les partis traditionnels, elle est aussi la marque d'une déliquescence avancée du sentiment civique.
La moitié des électeurs inscrits ne se sentent plus concernés par rien, par aucun parti, ils n'attendent plus rien et, sauf à considérer qu'il s'agît d'une manifestation de nombrilisme exacerbé, il faut y voir la marque d'un profond dégoût.
Cette démission qui consiste à abandonner aux autres le choix de la politique qui va engager le pays mérite davantage que de pathétiques appels au sursaut civique au demeurant sans effets réellement perceptibles : il mérite une réponse citoyenne par des canaux non encore explorés et qui doivent faire la part belle à la société civile que l'on sait pourtant généreuse et à cent lieues des réflexes égoïstes et peureux sur lesquels prospère le Front National.
La victoire du FN qui élève le populisme nationaliste étriqué au rang d'idéologie signe le triomphe de l'ignorance, de la bêtise aveugle sur ces Lumières dont il affecte de se revendiquer dans une opération de mystification réussie : c'est Marion Maréchal qui veut couper les subventions au planning familial, ce sont les élus du FN qui coupent les subventions à la culture au prétexte de la lutte contre l'élitisme qui serait étranger à la nature du peuple français.
La cinquième république est durement frappée, elle dont le fonctionnement reposait sur l'alternance entre semblables se trouve aujourd'hui avec le FN en face d'une alternative ravageuse pour des institutions conçues pour un jeu à deux où le trosième larron servait de repoussoir ou d'auxiliaire direcrt ou indirect.
Comment pourra-t-elle survivre au chien dans un jeu de quilles qui n'avait pas prévu cette hypothèse et avec un pays où les nécessaires compromis de gouvernance seront désormais vus comme de coupables compromissions ?
La Gauche de la Gauche avait théorisé l'avènement d'une VIe république, avait-elle prévu que le Front National pourrait être à l'origine de la liquidation de la Ve.