lundi 16 février 2015 - par Lucchesi Jacques

Harcèlement scolaire : vers une cause nationale ?

A l'occasion d'un documentaire poignant, la question du harcèlement scolaire revient sur le devant de la scène. Trop longtemps ignorées par l'Education Nationale, ces pratiques scandaleuses sont à l'origine de bien des échecs scolaires et même des suicides d'enfants. Reste à savoir si l'actuel gouvernement va prendre les mesures nécessaires pour y mettre enfin un terme ? 

 Généralement la bêtise et la méchanceté surgissent tôt dans la vie humaine. Elles précèdent souvent l’envol de l’intelligence. Qu’elles peuvent aussi abimer et étioler, hélas. L’ école, nous le savons, fut et reste le creuset de toutes les brimades. Non pas celles qu’appliquent les enseignants à leurs élèves : cela appartient, heureusement, à une autre époque. Mais bien celles qui s’exercent, selon un schéma horizontal, entre les enfants eux-mêmes. Car l’homme, contrairement à ce que pensait Rousseau, n’est pas naturellement bon. Il est même d’autant plus méchant qu’il est plus près de ses racines naturelles, pas encore imprégné du vernis de la civilisation. La tolérance et le respect d’autrui ne sont en rien des vertus innées mais découlent, au contraire, d’un long apprentissage. Pour le comprendre, il suffit d’observer ce qui se passe dans nos classes et dans nos cours de récréation. Les pires instincts s’y donnent libre cours. Cet enfant a-t-il un léger handicap ou un signe particulier qui le distingue des autres ? Est-il plus gros, plus maigre ou plus petit que la moyenne ? Le voici bientôt mis à l’écart de la société scolaire, en butte aux persécutions de ceux qui s’en croient les leaders naturels et qui ne reculent devant rien pour épater le reste du groupe. Ce sont alors des moqueries, des coups et des humiliations quotidiennement répétés, qui transforment en enfer le vécu de leurs victimes. Cela s’appelle le harcèlement scolaire et on estime à 10% le nombre des écoliers français touchés par ce phénomène ignoble. Souvent, par honte ou par crainte, les enfants harcelés se taisent. Ils supportent autant qu’ils peuvent jusqu’au jour où, à la surprise générale, ils craquent, passent à l’acte, se suicident…

Le harcèlement scolaire, c’était justement le sujet de « Souffre-douleurs », un documentaire Infra-Rouge programmé sur France 2, mardi 10 février à 22H30. Axé sur une série de témoignages de jeunes et de parents éprouvés par ces agissements, ce film passait en revue les différents motifs de harcèlement à l’école, soulignant son redoublement à travers les réseaux sociaux, interpellant aussi le corps enseignant pour son laxisme complaisant, sinon criminel. Ne manquaient, encore une fois, que la parole des bourreaux, non pour justifier leurs actes mais pour donner un éclairage supplémentaire à ce sadisme banalisé.

Avec trente ans de retard sur d’autres pays démocratiques (comme le Canada), la France redécouvre cette question virulente qui se répète, génération après génération. D’ores et déjà, un numéro vert a été mis en place et une pétition circule sur le Net. Va-t’on enfin prendre à bras-le-corps ce dossier accablant et faire cesser ce scandale ? Ou se contenter, comme le suggérait au cours du débat l’actuelle ministre de l’éducation, de rabattre sur le monde scolaire la loi déjà existante sur le harcèlement dans la société civile ? Ce serait, dans ce cas, une velléité de plus dans un parcours gouvernemental qui les cumule depuis trois ans, et sans doute aussi un casse-tête juridique. Face aux harceleurs, quel que soit leur âge, il ne faut pas faire dans la demi-mesure. Il faut créer une loi spécifique à leur encontre et la faire appliquer sans délai. Ainsi, peut-être, parviendra-t-on à restaurer l’honneur perdu de l’école. Et à redonner son sens profond à l’éducation : une élévation de l’esprit et une sortie progressive de la nature.

 

  Jacques LUCCHESI



8 réactions


  • César Castique César Castique 16 février 2015 20:36

    « Avec trente ans de retard sur d’autres pays démocratiques (comme le Canada), la France redécouvre cette question virulente qui se répète, génération après génération. » 


    La doxa antiraciste avait posé comme principe que les enfants ne sont pas racistes, mais qu’ils sont ensuite corrompus par leur milieu, familial le plus souvent, il a fallu surmonter une grosse dissonance cognitive avant d’oser regarder la réalité en face. Le drame, c’est qu’il ait fallu des morts pour que la prise de conscience devienne effective.


    • mmbbb 17 février 2015 18:17

      Par gros macho Vous dites de temps en temps d’enormes conneries Les bobos parisiens mettent leurs gosses ou ces etablissements sont souvent proteges par la selection L’ecole publique est devenue un foutoir mais comme la délinquence il aura fallu la preuve par l’absurde et cette institution se pourrie mais je ne plains pas les profs lorsqu’ils en prennent plein la gueule Ne sont ce pas les memes qui sont pour accueillir quiconque sur notre territoire Qu ils se demerdent


  • Montdragon Montdragon 16 février 2015 21:49

    Momo la joie a eu des enfants.


  • tf1Groupie 16 février 2015 22:16

    Mais vous rêvez, il ne faut pas les contraindre ces chères petites têtes blondes.
    Il faut les laisser s’exprimer.

    L’autorité c’est mal.


  • eric 17 février 2015 09:26

    Il ne faut pas se tromper de débat. La question n’est pas d’être sans concession avec des « harceleurs ». Elle est comment une institution qui a énormément de recul, avec 800 000 adultes responsables et spécialement formés à la pédagogie, en principe, peut laisser se développer des situations pareilles et faire semblant de les découvrir.

    Et il ne suffit pas de répondre que « la société à changé », que « les profs ne peuvent pas résoudre les pathologie sociales », que « les parents sont responsables ».

    La société à fait d’immenses progrès. Au 19ème, il reste des parents analphabètes, l’alccolisme fait de vrais ravages, la violence sociale est intense, la pauvreté absolue est plus répandue qu’aujourd’hui, les conditions de vie dans des familles pauvres beaucoup plus nombreuses et avec beaucoup plus d’enfants sont à des années lumières plus catastrophiques qu’aujourd’hui. Les profs ont des classes à 40 élèves et plus.

    Je ne dis pas qu’un prof soit toujours à même de faire assez attention a chaque élève pour se rendre compte que l’un ou l’autre a des difficultés et se servir de son autorité pour régler la question, mais au minimum, que si il y avait de vraies communautés pédagogiques dans les établissements, à la fin, il devrait y avoir au moins un adulte pour porter la question auprès des autres et faire quelque chose.


  • Le p’tit Charles 17 février 2015 10:20

    Mai 68 fut la fin de l’EN...et de notre société...Voir a quoi elle ressemble aujourd’hui pour s’en convaincre.. !


  • Alren Alren 17 février 2015 12:06

    Le problème du harcèlement et des brimades des « faibles » est très difficile à résoudre. 

    S’il commence parfois à l’école maternelle, n’oublions pas qu’il existe aussi chez les adultes, encore renforcé si une hiérarchie toute puissante peut exercer sa tyrannie ou si une concurrence féroce est entretenue entre employés. 
    Sans oublier le harcèlement et les brimades au sein d’une famille, entre personnes séparées, entre voisins ... Les circonstances sont malheureusement innombrables.

    Mais ce qui les caractérisent toutes, c’est que le(s) harceleur(s), le(s) brimeurs veulent bénéficier du secret, de l’anonymat. Car ils savent que leur comportement est inavouable et qu’ils craignent le jugement moral de personnes qu’ils considèrent tout autant qu’une sanction. 
    Or pour diverses raisons, par peur le plus souvent mais aussi parce que la dénonciation est globalement blâmée (souvenir peut-être des dénonciations durant l’Occupation), les victimes gardent le silence. 
    Et « s’accommodent » des souffrances morales infligées tant qu’elles ne sont connues que d’elles et de leurs bourreaux. D’autant plus elles croient que rien ne sera fait si elles dénoncent les coupables. 

    Ce qui caractérise notre époque et conduit à des suicides, c’est que ces harcèlements, ces injures, passent maintenant par les réseaux sociaux et peuvent être connus du plus grand nombre, pour la plus grande honte des victimes. C’est la honte d’être ainsi traité(e) publiquement qui est le plus insupportable. (c’est vrai pour toutes les victimes mais particulièrement pour les enseignants.)

    Il est impossible de rester anonyme sur internet face à une autorité de justice. On pourrait donc identifier rapidement les harceleurs qui, on l’a vu, ne peuvent poursuivre leurs méfaits que s’ils restent anonymes, rejoignant en cela les autres délinquants.

    C’est une question de loi : il faut obliger la justice à intervenir pour interrompre un harcèlement sur internet et ne pas laisser un substitut de procureur de décider autocratiquement s’il faut poursuivre ou non. 
    Le harcèlement est un délit qui doit être jugé en correctionnelle ou par le tribunal des mineurs. Si cette mesure énergique était prise, je suis bien sûr que le harcèlement, notamment chez les adolescents baisserait drastiquement !

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