jeudi 28 mars 2013 - par scripta manent

HEC = Hub Educatif de Compétitivité ?

22 mars 2013. J’écoute d’une oreille distraite « Les matins de France Culture ». Marc Voinchet y anime un débat où il est question de Qatar et de double jeu.

Quelques mots de l’intervention de Bernard Ramanantsoa, Directeur général du Groupe HEC, captent mon attention. Il vient d’être interrogé sur les objectifs de la présence de l’école HEC au Qatar.

Il en ressort que le Qatar est un magnifique « hub universitaire », ce que confirme d’ailleurs un communiqué de presse du Groupe HEC : « HEC Paris in Qatar - The region’s leading hub for Executive Education - March 5th 2013 » (en anglais of course).

Je confesse que je n’ai qu’une idée très incertaine de ce que peut être un « hub universitaire  », lequel devient d’ailleurs ensuite, dans les propos de Bernard Ramanantsoa, un « hub éducatif », macédoine conceptuelle et linguistique qui me laisse songeur voire mélancolique …

Il est ensuite fait référence à Singapour, qui serait un modèle en la matière.

Bref, il fallait absolument être de ce « hub », pour accroître « l’influence » et, ce faisant, « la compétitivité » du Groupe HEC. Le concept phare du moment - la compétitivité - dicte donc aussi sa loi dans la sphère éducative.

Comment le groupe HEC, qui met en avant sur son site institutionnel son « engagement de responsabilité sociétale » et environnementale, s’accommode-t-il des comportements sociétaux et environnementaux du Qatar ? Le « hub » est-il convenablement climatisé ? Est-il niché dans la verdure ? Le personnel philippin donne-t-il pleine satisfaction ?  

Qu’importe pourvu que ce « hub » permette de produire de belles petites couvées de gestionnaires, calibrés, formatés, estampillés aptes au « leadership » qu’on leur promet dans ce monde de « compétition », avec juste ce qu’il faut d’exquise sensibilité sociétale et environnementale pour sabrer dans les effectifs et les ressources naturelles sans états d’âme ?

 Interrogé par le Cercle des européens le 8 mars 2013, à la question « Faut-il adopter le modèle anglo-saxon quand on est une grande école ? », Bernard Ramanantsoa avait répondu : « C'est vrai que très souvent on considère que toutes les business school du monde se valent et qu'elles sont construites sur une pédagogie issue du modèle anglo-saxon. Je m'inscris en faux contre cette vision. En particulier pour les écoles européennes, il y a une grande différence par rapport au modèle anglo-saxon. Nous considérons qu'il n'y a pas un seul modèle de management. Par conséquent ce que nous devons enseigner à nos élèves, ce n'est pas un modèle qui serait universel mais au contraire de leur montrer que la mondialisation n'est pas un mouvement d'uniformisation. »

Ah bon ? Le modèle n’est plus le « hub de Singapour » ? Le « classement de Shanghaï » n’est plus dans la ligne de mire ?

Paroles, paroles, paroles …

 www.citoyensunisdeurope.eu

Sur la course à la compétitivité ou Panurge au pouvoir : http://www.citoyensunisdeurope.eu/economie-et-societe/la-course-a-la-competitivite-ou-panurge-au-pouvoir-merkel-austerite-protectionnisme-libre-echange-mondialisation-pascal-lamy-omc-world-policy-conference-t425.html

Sur le classement de Shanghai : Et maintenant, les agences de notation universitaire ! http://www.citoyensunisdeurope.eu/la-question-des-agences-de-notation/les-agences-de-notation-universitaire-classement-de-shanghai-universites-t33.html



6 réactions


  • pidgin 28 mars 2013 14:47

    Eh oui, la compétitivité comme Graal, on nous enfonce cela dans le crâne à tout bout de media ...
    A chacun de se demander comment il peut aller à contre-courant, à sa place, avec les moyens dont il dispose.
    Et plus que les mots, l’exemple : ce peut être l’inlassable pédagogue Pierre Rabhi.
    Ce peut être aussi ne serait-ce que sous la forme d’un documentaire comme « Planète à vendre » sur la délocalisation de la production agricole, vu sur Arte le 26 mars, qui nous fait prendre conscience de l’aliénation imposée aux victimes (avec la complicité des autorités locales). On y voit les « dommages collatéraux » d’une compétitivité adorée comme un veau d’or : la destruction accélérée d’une diversité des modes de vies, la perte de dignité des populations touchées.
    Ce que ne disent pas, ou ne voient pas ceux qui veulent nous faire avaler que la compétitivité est la solution à tous nos maux, c’est qu’il s’agit d’un retour de l’esclavage, sous une autre forme.
    Ce sont ou bien des inconscients, ou bien des cyniques.


  • escoe 28 mars 2013 15:48

    Très bon article.

    De la part du patron d’une boîte dont la première mission est d’inventer et produire du boniment managérial on ne peut pas attendre autre chose que du boniment managérial.

  • ARMINIUS ARMINIUS 29 mars 2013 08:02

    HEC...Hautes Etudes Commerciales, censé former le gratin du « management »...à mon avis ils sont très fort en export car étant donné l’état de la balance commerciale de notre pays tous ces brillants hauts commerciaux ont du partir à l’étranger...


  • Tago_Mago 5 mai 2014 14:56

    Effectivement, difficile de ne pas voir une grande contradiction entre la présence de HEC au Qatar et le soi-disant « engagement de responsabilité sociétale »...

    Malheureusement, la RSE j’ai l’impression que toutes les entreprises et grandes écoles cyniques aiment en parler pour le bien de leurs images, mais y en a t-il vraiment qui font des actions concrètes en sa faveur ? Il faut plus chercher dans les entreprises d’insertion réellement solidaires pour cela, elles au moins sont honnêtes.

    Pour en revenir à la prépa HEC, je ne pense pas que l’on puisse considérer cet école comme un organisme éducatif. L’éducation pour moi ça se fait bien avant. Il s’agit juste de former les futurs « décideurs » dont certains ne seront pas des plus éthiques...


  • scripta manent scripta manent 5 mai 2014 15:34

    Oui, l’éducation, c’est effectivement autre chose.

    Dans le même esprit : http://www.citoyensunisdeurope.eu/economie-et-societe/l-insead-de-fontainebleau-a-singapour-t644.html


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