lundi 14 septembre 2015 - par J.MAY

Heureux comme un migrant - Quatrième lettre

Quatrième lettre

 

 Je me fais toujours un devoir d'entretenir ou de raviver le souvenir (à n'en pas douter excellent) que vous avez de moi, en n'omettant pas de vous adresser, en même temps que mes affectueuses pensées, une relation succincte des évènements ou des situations que je vis en ma qualité d'immigré dans l'île de Corsica, île pour l'instant toujours rattachée à la "grande" nation française. Vous observerez au passage que je pare de guillemets le qualificatif de "grande". Ils s'imposent car ils nuancent tant soit peu un qualificatif que certains, ici, trouvent immérité.

 Dois-je vous rappeler que j'exerce en Corsica, à l'insu du plein gré de ma volonté, comme le disait un vélocipédiste de grand renom, les fonctions intermittentes d'ouvrier du bâtiment. Elles sont toujours aussi mal reconnues que mal récompensées.

J'ai failli employer le terme de demeure pour qualifier ma case, car, semblable à tout immigré qui se respecte, pour paraître avoir réussi, j'aurais plutôt tendance à enjoliver un peu, auprès de ceux qui ont eu la malchance de rester au pays, la description de mes conditions d'existence à l'étranger.

En réalité, je vous le dirai en toute franchise, il s'agit d'une cabane (relevant du développement non durable) que mon employeur a eu la bonté de m'octroyer moyennant une petite retenue sur mon salaire, afin que je lui sois attaché par des liens de reconnaissance et de fidélité. C'est ce que faisaient paraît-il au XIXème siècle les patrons des Houillères du Nord, avec les mineurs qu'ils employaient. Je tiens cela du secrétaire du syndicat, personnage très instruit en matière d'histoire ouvrière à défaut d'être parfaitement soucieux de mes droits d'immigré.

Ma résidence est agrémentée de quelques mètres carrés de terrain que j'ai pu transformer, je crois vous l'avoir déjà dit, en potager que l'ancien Ministre du redressement productif aurait été sans doute heureux de visiter et de louanger, car il témoigne de la haute contribution légumière d'un représentant de la diversité maghrébine à l'effort national.

 Mais quittons la relation de mon opulence domiciliaire pour nous entretenir de sujets moins terre à terre, (c'est le cas de le dire) et venons-en à l'actualité d'ici, de là-bas et d'ailleurs.

 Il vous apparaîtra sans doute que ma pratique de la langue française s'est légèrement perfectionnée. C'est que chaque soir, plutôt que de jouer aux dominos comme la plupart de mes frères immigrés, sitôt l'arrosage de mon jardinet terminé (ce qui ne me prend guère de temps vu son extrême exigüité), je me plonge dans l'étude acharnée de la grammaire et de l'orthographe. Mes deux petits livres rouges sont le Bled et le Bescherelle, ouvrages que ne consultent plus guère les jeunes générations, voire certains "contributeurs" de forums, ce qui pourtant limiterait le massacre indécent, par iceux, de leur langue nourricière.

      Je complète le tout par la lecture d'auteurs maghrébins de langue française, comme les illustres "anciens", Mohammed Dib, Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Mouloud Feraoun, ou les "modernes" comme le prestigieux Tahar Ben Jelloun, le polyvalent Rachid Boudjedra, la regrettée Assia Djebar , le sulfureux Yasmina Khadra, l'iconoclaste Boualem Sansal, et le très lucide Kamel Daoud.

 Je n'omets pas cependant de me livrer, parallèlement, à une studieuse lecture de versets fondamentaux, afin que mon ignorance des saintes écritures ne m'attire d'aventure les attentions bienveillantes de coreligionnaires aussi fraternels qu'extrêmement rigoristes.

 Je ne disserterai que prudemment sur la situation locale, ponctuée de règlements de comptes qui situent, au niveau de la statistique, l'île de Corsica, à une place d'honneur dans le bassin méditerranéen. En ce domaine, l'omerta étant ici de mise, je la pratiquerai en signe de parfaite intégration. Et, au risque d'être accusé de sautillage (terme qui signifie entre autres passer d'une idée à une autre) je vous dirai à présent mon appréciation des grands évènements nationaux et internationaux.

 L'actualité nationale française, est surtout marquée par les incohérences du nouveau califat, dont je ne puis vanter les mérites, vu qu'ils ne m'apparaissent en aucun domaine.

      Mon ami chrétien, qui tient une sorte de gazette personnelle appelée blog, dont le titre évoque l'oursin de méditerranée, oursin que l'on nomme "zinu" en langue vernaculaire locale, (langue à distinguer de la véhiculaire, la française), mon ami chrétien, disais-je, pour peu que vous sachiez naviguer dans les méandres d'internet, vous apprendra par le menu, en ses chroniques, le quoi, le pourquoi et le comment de toutes ces affaires de basse politique et de haute économie.

 Pour évoquer des problèmes plus élevés en intérêt que ceux du petit hexagone, je voudrais à présent, ce qui vous passionnera sans doute davantage, vous glisser deux mots des bouleversements intervenus sur toute l'étendue du Machrek et du Maghreb.

 J'ai, bien sûr, suivi avec un vif intérêt les évènements de Tunisie, qui ont vu s'enfuir la famille Ben Ali, avec plus de succès apparemment que ne le fit Louis XVI, honnête et bon roi dont nul n'ignore qu'il fut rattrapé à Varennes. C'est, vous en souvient-il, ce que nous racontait notre grand-père, qui, au temps béni des colonies, fut obligatoirement, laïquement et gratuitement instruit de cette escapade manquée. Nos mœurs étant plus civilisées que celles des révolutionnaires français, il n'est pas encore venu à l'esprit des Tunisiens d'aller quérir la tête de ce Ben Ali en Arabie où elle se cache pour la présenter à une foule en furie sur un quelconque échafaud populaire.

 Pour l'Égypte, il apparaît que l'armée de ce pays, avec la bénédiction de ses protecteurs américains, après avoir chassé l'impopulaire raïs, n'a pas, pour autant, cédé aux Frères musulmans qui les avaient conquis à l'occasion d'une imprudente consultation démocratique, les pouvoirs de gouvernance auxquels ils aspiraient.

 S'agissant de la Libye, il devient de plus en plus évident qu'il s'agissait davantage d'une croisade que d'une rébellion spontanée. Certes, le soi disant philosophe Bey Hachel, que ses détracteurs tiennent pour un irréversible bouffon, s'est démené et se démène encore dans les salons parisiens, dans les officines, dans les studios et dans les déjeuners mondains, dont ceux du CRIF, pour donner à penser qu'il s'était agi d'y établir la démocratie, mais cela ne convainc que les jocrisses et les benêts.

J'y ai vu pour ma part, je crois te l'avoir déjà dit, une expédition destinée à faire tomber dans l'escarcelle des grandes compagnies occidentales les richesses énergétiques de la contrée, et accessoirement une opération visant à éliminer un "ami qui en savait trop". Dès lors qu'il a été plus prestement que proprement lynché, le voici à jamais hors d'état de médire.

 Pour la Syrie, contrairement à l'opinion générale, une opinion soit dit en passant soigneusement manipulée par une campagne de désinformation aussi massive, sinon plus, que celles de Yougoslavie, d’Irak, et de Libye, j'incline à penser qu'il s'agissait d'y installer un régime "aux ordres", d'y contrecarrer l'influence russe, voire chinoise, et surtout d'y constituer aux marches de l'Iran, une base opérationnelle "de proximité" au profit des puissances occidentales et d'Israël, avec l'aide de nos frères qataris et saoudiens, exonérés pour la circonstance de tout péché wahhabite ou fondamentaliste.

 Une autre région est en passe de connaître quelque agitation inquiétante : il s'agit du Sahel, où s'opposent désormais de multiples factions rivales. Les frontières héritées de la colonisation contraignaient nos frères Touaregs à être Maliens. Ils avaient décidé de s'ériger en Azawad indépendant, (ce que je considérais avec quelque sympathie), mais voilà qu'ils ont été "doublés", comme il se dit de manière triviale, par des Jihadistes qui ne rêvent que d'installer des mœurs talibanesques en ces contrées où régnait jusqu'ici un Islam relativement débonnaire.

 Mais bon, voilà que je me perds en considérations contraires à la retenue qui sied tout immigré de bonne composition.

 Tu me permettras, avant de te quitter, de te confier une sorte de secret intime. Peu importe si cette information parvient aux oreilles de la toute puissante NSA. J'ai dernièrement refusé de partager un couscous avec notre cousine Morano. Tu seras surpris de ce cousinage. Je tiens Nadine pour une parente par alliance, car le patronyme qu'elle se plaît à porter est également celui d'un village calabrais, village qui doit certainement son nom au fait d'avoir en des temps reculés été visité par des Mores de notre famille. J'ajouterai à cela que la dite Morano serait de surcroît, par sa mère, plutôt piémontaise que lorraine.

Il en va généralement ainsi des nationaux de fraîche date, qui dans leur désir absolu de faire oublier d'où ils viennent, se montrent souvent plus patriotes et plus exclusifs que les natifs. Nous avons connu cela, autrefois, avec les Berbères enrôlés sous notre bannière, qui nous aidèrent à porter en Andalous et jusqu'à Poitiers notre gloire et notre foi.

Je me fie pour affirmer cela, aux éminentes compilations du grand historien persan al-Balādhurī, qu'il ne faut pas confondre avec un al-Balādhurī de bien moindre envergure, oublié de tous, qui est notre contemporain, et dont les parents auraient francisé le nom en Balladur.

Celle qui clame dans toutes les lucarnes qu'elle n'est pas raciste, car elle a "des amis arabes, et que sa meilleure amie est tchadienne, donc plus noire qu'une arabe", (ce qui est une évidence, car les Arabes sont en général plus blancs que les noirs), nous voue une détestation particulière, et bien qu'elle se défende de pactiser avec notre pire contemptrice, en est fort proche par les sentiments et les idées.

Sans aller, comme l'excellent Guy Bedos, jusqu'à lui accoler un qualificatif judicieux mais judiciairement pénalisable, il me semble que ce qui reste d'opinion publique intelligente en France, n'a pas tout à fait tort de la trouver tout à fait digne de deux professions hautement estimables, celle de poissonnière et celle de cantinière napoléonienne.

J'ajoute napoléonienne, tu le comprendras aisément, pour faire honneur aux indigènes de mon île d'adoption, celle de Corsica, qui pour l'instant ne m'ont pas encore prié de faire appel à quelque passeur pour me transporter à mes risques et périls (et non aux siens, cela va de soi) vers les deux récifs chantés par une antique odyssée.

 



12 réactions


  • Garance 14 septembre 2015 19:07

    J’ai essayer de lire : pas pu...c’est d’un chiant affligeant.... smiley


    Surtout dans le contexte actuel ou les migrants on en a notre dose qui frise à l’overdose.... smiley 



    • J.MAY MAIBORODA 14 septembre 2015 20:21

      @Garance


      J’ai essayé .......... conviendrait mieux.
      [....] dans le contexte actuel [.....]

      Le reste importe peu




    • Garance 14 septembre 2015 22:13

      @MAIBORODA


      Susceptible ?

      J’aime ça..... smiley

      Corriger les fautes du lecteur qui s’est attardé à perdre son temps à tenter de vous lire ne rends pas vos logorrhées plus attractives et ne fait pas de vous le Balzac de ces lieux....un Xavier de Maistre , sans le talent , tout au plus

      A ne plus vous lire Monsieur le pisse vinaigre : je pars migrer plus loin  smiley

  • Philippe Stephan Christian Deschamps 14 septembre 2015 21:34

    @MAIBORODA
    .
    cela ne me ferait pas de mal à moi aussi de retourner au bled... smiley
    .

    .
    pas de chiffre,pas de démonstration lourde et fastidieuse,je respire un peu...
    .
    bonne continuation et comme on dit dans ma team A+ dans l’bus
    ou à tout à l’heur sur le tracteur. smiley 


  • Elliot Elliot 15 septembre 2015 16:16

    Daesh, l’Islam qu’on aime haïr, création de Frankestein ? ou idiot utile ? je veux dire chair à canon et pourvoyeuse de chair à canon propice à l’écoulement des stocks de minutions...

    Derrière le grand chaos moyen-oriental, d’où viennent tous ces réfugiés, ceux que la pythie de Toul, l’ineffable Morano, ne saurait voir, il y autre chose que l’incompétence crasse des administrations américaines et de ses officines proconsulaires, il y a le fameux complexe militaro-industriel, l’industrie de la guerre.

    Et derrière les usiniers de mort, il y a la finance, la putasserie internationale, la canaillerie ploutocrate, ceux que l’on ne peut nommer, ceux qui prospèrent sur le désordre du monde..

    Tordons le cou à un canard : Daech se financerait avec la vente de pétrole au rabais ; si le trafic est indéniable, il ne rapporte que des clopinettes par rapport aux besoins de l’organisation qui, à ce qu’il semble, installe dans les territoires qu’elle contrôle des formes d’administration qui tranche avec le délabrement passé.

    Donc Daech est financé par suivez mon regard et c’est au fond accessoire car qui est derrière « suivez mon regard » : ceux qui font profession de fabriquer de l’armement.
    En effet, pour que les lignes de production fonctionnent et que les profits explosent, il faut que ces armements soient utilisés et qu’ils soient détruits pour être renouvelés.

    On ne fabrique pas des bombes pour les mettre dans des arsenaux, il faut qu’elles servent, qu’elles explosent, si possible à la gueule de ceux que l’on a préalablement armés au sol ou alors dans le désert mais qu’importe d’ailleurs pourvu qu’ elles partent en fumée pour assurer l’écoulement de la production sans cesse renouvelée.

    En plus, Daesh, Al Qaida, deux fatalités qui sont la Providence de tous les aigris, scrofuleux, hépatiques, racistes, frustrés  : tous les Musulmans dans le même sac et la France sera bien gardée !

    Agiter les peurs ou les susciter, d’ailleurs les meilleures sont celles qui sont irraisonnées car on ne peut rien leur opposer !

    Tant mieux, si, en plus du chaos au Moyen-orient, on peut semer les ferments du chaos à l’intérieur de la France ( ou de tout autre pays ) en excitant les gens les uns contre les autres, en leur faisant croire qu’une goutte d’eau change la nature de l’océan, si possible en les amenant à s’étriper : les cadavres d’aujourd’hui sont les profits de demain...

    On nous gave de documentation cataclysmique : chacun est maintenant invité à regarder sous son lit si un affreux ne se cache pas avec son sabre, le remède est à côté du mal, Morano a la recette, elle fulmine de concert avec Marine, elle nous propose des fumigations pour apaiser nos sens : la confusion sied bien à son entreprise de haine.

     

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    • J.MAY MAIBORODA 16 septembre 2015 08:11

      @Elliot


      Merci à Elliot, dont les commentaires avisés autant que « partagés » me font largement oublier les inepties dignes du forum d’Orange ou de quelque torchon municipal que suscitent parfois mes petits « billets ». 

  • Julien30 Julien30 15 septembre 2015 17:22

    « il me semble que ce qui reste d’opinion publique intelligente en France »


    En-dehors de vos idées point d’intelligence donc (heureusement que Bedos et vous êtes là pour relever le niveau), toujours cette modestie et ce respect des gens aux opinions différentes des vôtres qui habitent tous vos articles.

    • Xenozoid 15 septembre 2015 17:33

      @Julien30

      toujours cette modestie et ce respect des gens aux opinions différentes des vôtres qui habitent tous vos articles

      tu te fais une réflextion . julien, car modesties n’est pas a mettre sur toi,en fait cynisme est mieux, a défaut d’estre bien,et tien.bref tu est con julien30,le savais tu ?


    • Julien30 Julien30 15 septembre 2015 18:15

      @Xenozoid
      Ouah ! Là pardon mais il va me falloir un interprète, mais c’est sans doute passionnant et profond.


    • Xenozoid 24 septembre 2015 17:16

      @Julien30
      non tu le savais


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